Voici comment le Québec devrait s’adapter pour survivre aux changements climatiques
Le Groupe d’experts en adaptation aux changements climatiques propose 90 moyens d'y arriver
Mathieu-Robert Sauvé
Si le Québec veut survivre aux changements climatiques, il devra accélérer la protection de 30 % des terres et des eaux sur son territoire et mettre à jour rapidement le Code de construction du Québec. Ce ne sont que deux des 90 moyens proposés par le Groupe d’experts en adaptation aux changements climatiques (GEA) qui a rendu son rapport public mardi matin.
• À lire aussi: Voici à quoi ça ressemblera un réchauffement de 4°C à Montréal
• À lire aussi: 12 gestes alimentaires très simples à poser pour manger dans « les limites d'une seule planète »
Mis sur pied le 26 septembre dernier par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, le GEA a été chargé de conseiller le gouvernement du Québec sur les priorités à favoriser pour que le Québec s’adapte aux variations climatiques. Son rapport de 74 pages présente 20 recommandations et 90 « moyens » de limiter les effets du réchauffement.
Interrogés par le Journal, les coprésidents Alain Bourque, directeur d’Ouranos, et Alain Webster, Président du Comité consultatif sur les changements climatiques, ont refusé de nommer laquelle de leurs recommandations était la plus urgente ou la plus réaliste, signalant qu’elles étaient toutes importantes et que l’action devait être «concertée et transversale». Voici ce qui ressort de ce rapport.
Chaque dollar en vaudra 15
«Le climat va changer», a affirmé en conférence de presse Alain Webster, professeur à l’Université de Sherbrooke et coprésident du GEA, et «tous les grands projets gouvernementaux devront en tenir compte». Barrages, infrastructures, routes seront affectés par le réchauffement climatique, même dans les scénarios les plus optimistes. L’autre coprésident, le climatologue Alain Bourque, a ajouté que chaque dollar investi dans les infrastructures pour s’adapter aux changements climatiques permettra d’en économiser 15 dans l’avenir. «C’est un fait bien documenté même si les ratios diffèrent d’une étude à l’autre. Certaines parlent d’un dollar pour six ou pour 10 mais le principe est clair.»
Un réchauffement inévitable
À Montréal, on s’attend à un réchauffement atteignant 4,5 degrés Celsius (C) dans les 30 prochaines années si les engagements actuels sont respectés, rappelle le document rendu public. Ce réchauffement pourrait atteindre 5,7 degrés C dans les scénarios plus pessimistes. Au Nord du Québec, le réchauffement pourrait augmenter de 7,6 degrés. Même dans les scénarios les plus optimistes présentés par le groupe d’experts, le réchauffement de la planète atteindrait de 3 à 4 degrés supplémentaires sous nos latitudes, ce qui représente deux fois la limite souhaitée par les experts internationaux (+1,5).
Des initiatives à imiter
Le GEA tient à souligner dans son rapport les bonnes idées qui émanent de la société civile ou des autorités pour réagir positivement aux changements climatiques. Le Plan de protection du territoire face aux inondations, mis sur pied après les inondations de 2017 et 2019 par le Gouvernement du Québec au coût de 479 M$ est un «travail de collaboration réussi» aux yeux des 14 signataires. La création de «corridors écologiques» qui visent à connecter des écosystèmes entre eux et assurer la protection de la biodiversité est également un pas dans la bonne direction. Comptant 22 de ces aires – plus de la moitié de tous ceux qu’on trouve dans l’Est du Canada et en Nouvelle-Angleterre – le Québec fait bonne figure à ce chapitre.
Préparer les populations à risque
Même au Québec, les gens ont déjà commencé à déménager de zones à risques de leur propre initiative pour éviter d’être surpris par les effets des changements climatiques, a souligné M. Bourque en réponse à la question d'une journaliste des Îles-de-la-Madeleine, où l'érosion gruge chaque année une partie du littoral. Les populations les plus vulnérables aux impacts des changements climatiques doivent être la priorité des gouvernements, souligne le rapport du GEA. Les peuples autochtones doivent faire l'objet d'une attention particulière et être appelés à participer directement à la recherche de solutions.
S’inspirer des Pays-Bas et de la Californie
Les coprésidents ont souligné que certains pays l’Europe pouvaient servir de modèle dans l’adaptation aux changements climatiques. Les Pays-Bas, par exemple, ont développé une expertise mondialement reconnue en matière de prévention des inondations, en vertu de leur situation géographique sous le niveau de la mer. Par ailleurs, la Californie est de plus en plus menacée par une pénurie d’eau potable et a mis en place des mesures de préservation de la ressource «dont le Québec pourrait s’inspirer», a souligné M. Bourque. Dans cet État, l'irrigation des pelouses est presque totalement proscrite et on et demande aux gens de réduire leur consommation d'eau de 15% en réduisant, par exemple, le temps passé sous la douche.