Publicité
L'article provient de 24 heures

Médias contrôlés par l'État: voici comment la guerre est racontée aux Russes

Voici comment le Kremlin expose à sa population le conflit avec l’Ukraine

Photo AFP
Partager

Erika Aubin, Agence QMI

2022-02-28T02:15:09Z
2022-02-28T12:53:35Z
Partager

À l’exception des quelques indépendants, les médias en Russie sont pratiquement tous contrôlés par l’État. Ainsi, depuis que le président Vladimir Poutine a déclenché ce qu’il appelle «une opération militaire», ces réseaux de propagande n’ont pas montré une seule image des combats et encore moins des bombardements dans les grandes villes. 

• À lire aussi: Plus de 100 civils tués, début des négociations

À titre d’exemple, la photo d’un immeuble détruit par un missile à Kiev a fait le tour de la planète, mais elle ne s’est pas rendue en Russie, remarque Dominique Arel, titulaire de la chaire d’études ukrainiennes à l’Université d’Ottawa. 

Un immeuble endommagé à la suite d'une attaque russe.
Un immeuble endommagé à la suite d'une attaque russe. AFP

Difficile pour la population de comprendre réellement ce qui se passe, d’autant plus que son accès à Twitter est de plus en plus limité. Malgré tout, les Russes ne sont pas tous dupes, comme en témoignent les manifestations qui ont pris place ces derniers jours dans plusieurs grandes villes, précise Marc-François Bernier, professeur en communication à l’Université d’Ottawa. 

Voici un aperçu de la façon dont la guerre contre l’Ukraine est racontée à travers le regard des médias russes depuis quatre jours.  

• À lire aussi: Des Ukrainiens de Montréal se recueillent en pensant à leurs proches

Publicité

• À lire aussi: Doit-on craindre la Russie, qui a l'arme nucléaire?

Pas d’images des bombardements  

Au moment où les médias occidentaux faisaient jouer en boucle des images des bombardements à Kiev vendredi, la première chaîne d’information en continu de Russie montrait un tout autre portrait de la situation.

CAPTURE D'ÉCRAN CNN
CAPTURE D'ÉCRAN CNN

La chaîne Russia 24 diffusait plutôt un reportage préenregistré dans la région du Donbass, a révélé à CNN Jill Dougherty, journaliste experte de la Russie et de l’ancienne Union soviétique. On y voit une reporter russe, habillée d’une veste pare-balle et coiffée d’un casque militaire détaché. Une lignée de chars d’assaut passe derrière elle. Elle se retourne tout bonnement et va jusqu’à faire de grands saluts amicaux aux soldats, qui lui envoient la main en retour.

«Cela fait partie de la stratégie du gouvernement russe qui montre constamment à la télévision d’État que les gens [de la région du Donbass] se disent victimes d’un génocide [...] du gouvernement ukrainien», explique Mme Dougherty en précisant que le gouvernement ukrainien réfute évidemment ce narratif de la Russie.  

• À lire aussi: Volodymyr Zelensky est passé d'acteur de télévision à président de l'Ukraine

En Russie, on ne verra pas cette photo  

Photo REUTERS
Photo REUTERS

La Russie censure les détails de ses pertes ; jusqu’à dimanche, le décès d’un seul militaire avait été confirmé, fait savoir Maria Avdeeva, directrice du groupe de réflexion sur l’Ukraine de l’European Expert Association.

De son côté, l’Ukraine affirme que 4300 militaires russes sont morts jusqu’à présent, mais les responsables disent que ces chiffres ne sont pas clairs, précise Mme Avdeeva au Journal.

Publicité

«Le gouvernement russe refuse de donner les vrais chiffres, mais ces pertes sont réelles. Des familles vont commencer à parler, par exemple en disant que leur fils, leur père est mort. On ne peut pas dire que [les Russes] croient à toute la propagande qu’on leur sert», explique Dominique Arel. 

Sur cette photo, un soldat qui serait russe, selon les militaires ukrainiens, qui est décédé dans les derniers jours. 

• À lire aussi: Est-ce le début d’une troisième guerre mondiale?

Le mot «guerre» interdit  

Photo AFP
Photo AFP

Les médias et chaînes de télévision russes ont reçu l’ordre strict de ne pas prononcer les mots «guerre» ni «invasion», indique le politicologue Dominique Arel. 

Ils sont également sous la menace de recevoir des amendes, de se faire fermer ou d’être retirés des ondes s’ils produisent des reportages indépendants, par exemple en envoyant des correspondants. «Les médias peuvent simplement répéter les communiqués émis par le ministère de la Défense», ajoute-t-il.

«Le message martelé est que l’Ukraine commet un génocide [contre sa population] dans la région du Donbass, ce qui est une totale fabrication» du Kremlin pour justifier son invasion, explique par ailleurs M. Arel. 

Dans une entrevue à CNN, Ekaterina Kotrikadze, directrice des nouvelles pour TV Rain, raconte combien cette unique chaîne télévisée indépendante russe est constamment confrontée à la menace.

«On reçoit des appels et des déclarations pour nous dire de rapporter les versions officielles [du gouvernement] sur le conflit», a-t-elle expliqué. 

Images montées de toutes pièces  

Le Kremlin se sert constamment de Telegram pour y diffuser de fausses photos et des vidéos qui servent au président Poutine à justifier ses attaques envers l’Ukraine, constate Maria Avdeeva, du groupe de réflexion sur l’Ukraine de l’European Expert Association. 

Photo tirée de Twitter
Photo tirée de Twitter

Mais en plus de trouver écho sur les réseaux sociaux, ces fausses nouvelles se retrouvent sur les médias russes, précise-t-elle. Pourtant, il ne suffit que d’une simple analyse pour remarquer que les images sont montées de toutes pièces, selon elle. 

Par exemple, la véracité d’une vidéo (voir photo) montrant l’armée ukrainienne s’introduire dans les territoires russes a été facilement démentie plus tôt cette semaine. 

«Je n’ai jamais vu une telle campagne de désinformation. Même en 2014, ce n’était pas aussi intense», conclut Mme Avdeeva.

Publicité
Publicité