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L'article provient de 24 heures
Environnement

Voici ce que H&M fait réellement de vos vêtements usagés

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Photo portrait de Élizabeth Ménard

Élizabeth Ménard

2021-12-08T14:33:58Z
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  •  La plupart des vêtements que vous apportez dans un H&M en échange de coupons de réduction ne sont pas recyclés.   


  

  • Ces vêtements sont envoyés dans d'autres pays pour être revendus, mais peuvent finir dans une décharge.   


  

  • Une infime partie des vêtements collectés sont réellement recyclés en de nouveaux vêtements.   


La majorité des vêtements usagés que vous déposez dans les boîtes de dons de H&M en pensant qu’ils seront recyclés sont en fait revendus. Il est même probable qu’une partie du lot finisse dans une décharge sauvage d’un pays du tiers-monde.

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Le géant de la mode H&M, qui compte plus de 5000 boutiques à travers le monde, encourage ses clients à «recycler» les vêtements usagés dont ils veulent se départir en les déposant dans des boîtes de dons situées à l’entrée des magasins. 

«C’est du greenwashing agressif!» lance sans hésitation la journaliste américaine Elizabeth Cline, l’une des premières dans le monde à avoir mis en lumière les problèmes environnementaux et sociaux engendrés par l’industrie de la mode.  

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Son livre Overdressed: The Shockingly High Cost of Cheap Fashion, paru en 2012, où elle enquête sur les dessous de la fast fashion, est devenu une bible dans l’industrie. 

Revendus on ne sait où  

H&M ne cache pas que les dons sont revendus. Par courriel, l’entreprise affirme même que 50 à 60% des vêtements collectés sont revendus pour être reportés. Elle n’indique toutefois pas à qui ni où.

  • Écoutez l’entrevue d’ Élizabeth Ménard, journaliste au 24 Heures

Cette partie du processus est gérée par I:CO, une entreprise privée basée en Allemagne qui détient des entrepôts un peu partout dans le monde. 

«Ce qui est toujours portable est exporté dans d’autres pays à travers le monde, explique Elizabeth Cline, qui a investigué le sujet. Je crois que c’est entièrement possible que des vêtements qui sont donnés dans le Nord global, incluant ceux collectés par H&M, finissent outremer dans des décharges.» 

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Toujours par courriel, H&M indique ne pas suivre la trace des vêtements qui ont été collectés une fois qu’ils sont entre les mains de I:CO.  

«Conduire un système de traçabilité détaillé serait plutôt difficile puisque I:CO collabore avec plusieurs marques et les vêtements sont collectés dans plusieurs points et mélangés. Mais nous nous attendons évidemment à ce que nos engagements contractuels soient respectés [...] et rien ne devrait terminer dans une décharge», écrit un porte-parole. 

I:CO n’a pas répondu à notre demande d’information. 

Il existe un intérêt pour les vêtements de seconde main dans plusieurs pays d’Afrique et d’Amérique du Sud, notamment. Leur exportation est donc une entreprise lucrative.  

Toutefois, la qualité des morceaux exportés varie beaucoup. Si nos rebuts ne trouvent pas preneur là-bas, ils peuvent finir au dépotoir ou dans une décharge sauvage. 

L’AFP a récemment publié des photos saisissantes de montagnes de vêtements abandonnés au Chili

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Le rêve du recyclage textile  

Selon les données fournies par H&M, 35 à 45% des vêtements collectés sont «recyclés» pour en faire «des produits pour d’autres industries et des fibres textiles».  

On peut en faire du rembourrage pour matelas, par exemple, ce qui est interdit au Canada, mais permis dans plusieurs autres pays. 

«Ce n’est pas ça du recyclage, souligne Elizabeth Cline. Ils ne transforment pas les vêtements en nouveaux vêtements, ils les transforment en produits de moindre valeur. C’est très important d’utiliser les bons mots sinon ça porte les consommateurs à confusion.» 

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Transformer des vêtements usés en nouveaux vêtements, c’est le rêve de bien des acteurs de l’industrie textile.  

«Dans le post-consommation, il n'existe pas de procédé pour prendre 100% de la matière. Il y a seulement des petits projets pilotes», souligne le directeur des friperies Renaissance, Éric St-Arnaud, toujours à l’affut des dernières avancées. 

Son organisme a récemment obtenu une subvention de 500 000$ de la Ville de Montréal pour tenter de trouver une solution de recyclage aux textiles.  

«C'est très difficile parce que du produit pur, le lin et le coton, il n'y en a pas tant que ça. La majorité sont mélangés avec du polyester, de la flanelle et comment on défibre ça? Qu'est-ce qu'on peut faire avec? Ce n'est pas évident de trouver la solution», dit-il. 

Le projet n’en est qu’à ses débuts. 

Une très petite révolution  

L’an dernier, la Fondation H&M, en partenariat avec le Hong Kong Research Institute for Textiles and Apparel, a lancé la première machine dans le monde capable de recycler un vêtement pour en faire un nouveau. 

Baptisée The Looop, cette machine installée dans un magasin H&M de Stockholm demande trois jours et l’ajout de nouvelles fibres pour transformer un seul chandail en un nouveau. 

L’entreprise est donc encore bien loin de pouvoir recycler les 29 000 tonnes de vêtements collectés dans leurs magasins en 2019.



√ H&M n’est pas la seule chaîne à collecter les vêtements usagés, mais elle affirme que son programme de collecte est le plus gros dans le monde.

√ En 2019, Elizabeth Cline a également publié The Conscious Closet, un guide pour avoir une garde-robe éthique.

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