[EN IMAGES] Voici neuf activités ou traditions liées au printemps au Québec
Bibliothèque et Archives nationales du Québec (collaboration spéciale)
Le printemps est une saison attendue avec impatience, et ce, même par les plus mordus de l’hiver. Il apporte également son lot d’occupations qui lui sont particulièrement associées. Voici quelques métiers et traditions anciennes qui sont bien ancrés dans les us et coutumes des Québécois au printemps.
1) Le temps des sucres
Dès le début de la colonie, les Premières Nations font connaître la sève sucrée de l’érable aux Français. Peu à peu, on la récolte et on la transforme en sucre d’érable, car c’est le meilleur moyen pour conserver ce produit à l’époque.
Au départ, les techniques sont rudimentaires. Les chalumeaux et les chaudières sont en bois. L’eau est récoltée à la chaudière en passant à chaque entaille, d’où l’expression «courir les érables». Le sucrier utilise un chaudron pour faire bouillir l’eau ainsi recueillie. Plus tard, on emploie deux casseroles ou bassines, communément nommées «pannes», installées sur un feu rudimentaire. L’utilisation des feux avec plusieurs bassines devient la norme vers les années 1940.
Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour que la cabane, point de rassemblement pour la famille et les amis, devienne un lieu permanent. Les cabanes à sucre d’aujourd’hui, avec leur tubulure, leur pompe et autres équipements sont certes plus efficaces, mais elles ont perdu de leur charme d’antan.
2) Le flottage du bois
L’imaginaire collectif associe le flottage du bois à des régions à forte exploitation forestière comme la Mauricie et l’Outaouais. Toutefois, cette activité a eu lieu sur plusieurs rivières de la grande région de Québec. Par exemple, les rivières Etchemin, Chaudière et du Sud, dans Chaudière-Appalaches, les rivières Sainte-Anne et Jacques-Cartier, dans Portneuf, ainsi que la rivière Malbaie, dans Charlevoix, ont été utilisées pour le flottage du bois.
Le bois coupé dans les chantiers l’hiver est transporté et accumulé sur des lacs ou près des rivières. Au printemps, quand la glace est fondue, il y a suffisamment d’eau dans la rivière pour laisser aller les billes de bois jusqu’à leur destination: le moulin.
Parfois, les billes peuvent s’amonceler en embâcles ou s’échouer le long du parcours. Ce sont les draveurs, debout sur les billes, qui les débloquent à l’aide d’un tourne-bille et d’une gaffe. C’est un travail éreintant et risqué. Se déplacer sur du bois flottant, sur des cours d’eau impétueux, nécessite une grande agilité.
Comme le flottage a une forte empreinte environnementale, on y a peu à peu mis fin sur les rivières du Québec en raison de l’arrivée du transport par trains et par camions. La rivière Saint-Maurice est la dernière sur laquelle il y a eu du flottage; il y a pris fin dans les années 1990.
3) Le grand ménage du printemps
Le chauffage au bois ou au charbon laissait des traces de suie dans les demeures de nos ancêtres. C’est pour les déloger que la corvée du grand ménage du printemps s’inscrit dans le cycle des travaux domestiques des femmes de la maisonnée.
Elles se mettent en frais pour nettoyer l’entièreté de la maison, y compris les armoires, les garde-robes et autres espaces de rangement, de même que leur contenu.
La literie, les tapis, les tentures et les vêtements de laine sont aussi lavés ou battus dehors pour les dépoussiérer selon la fibre qui les constitue. On voit alors les cordes à linge se remplir quotidiennement.
Dans les maisons pourvues d’une cuisine d’été, c’est à ce moment qu’on y déménage tout ce qui sera nécessaire à son fonctionnement pendant la saison chaude. On évite ainsi d’utiliser le poêle à bois dans le corps principal de la maison afin de le garder plus frais. Enfin, on en profite également pour installer les moustiquaires dans les fenêtres.
4) Le défrichement
Les travaux de défrichement s’exécutent essentiellement au printemps. Ces travaux s’échelonnent sur plusieurs années sur une même parcelle de terre.
À la fonte des neiges, le bois abattu pendant l’hiver et impropre à d’autres usages est amoncelé et brûlé. Il s’agit d’une opération plutôt périlleuse. La perte de contrôle d’un feu est si vite arrivée. Quant aux souches, elles ne brûlent pas. On doit donc attendre qu’elles pourrissent, ou bien il faut les arracher. Cette dernière option est moins utilisée, car elle nécessite plus d’outils et d’efforts.
Le premier semis se fait directement sur le brûlis. Le colon utilise une pioche pour faire un trou et semer les graines. Il faut attendre de trois à quatre ans avant de pouvoir faire un premier labour, et ce, afin de laisser le temps aux racines de se décomposer. Ce n’est qu’après une dizaine d’années qu’un morceau de terre défriché atteint tout son potentiel d’exploitation, alors que la terre a été ameublie, dérochée, drainée ou irriguée, selon le cas.
5) Semences
Aujourd’hui, les labours se font plus généralement à l’automne. Par contre, ce n’était pas le cas pour nos ancêtres. C’est plutôt au printemps qu’ils attelaient la charrue aux chevaux ou le plus souvent aux bœufs pour retourner la terre sur laquelle du fumier était fraîchement épandu.
Dès que l’on s’éloigne de la vallée du Saint-Laurent, le ramassage des roches est beaucoup plus fréquent. Dans la plupart des cas, ce travail éreintant doit être réalisé avant même de travailler la terre. Cela n’est pas sans rappeler de douloureux souvenirs aux personnes qui ont dû se plier à ce travail nécessaire et monotone!
La prochaine étape est le hersage, qui ameublit la terre. Cette étape est devenue de plus en plus courante avec l’amélioration des pratiques culturales au début du XXe siècle.
Enfin, le grain est semé. Au départ, le cultivateur ensemence à la volée des grains qui ont été récoltés l’automne précédent. Peu à peu, il peut investir dans l’achat d’un semoir et suivre les conseils des agronomes du gouvernement en se procurant des semences certifiées.
6) L’entretien des clôtures, des fossés et des bâtiments
Traditionnellement, les travaux d’entretien des clôtures, des fossés et des bâtiments s’effectuent au printemps. Les rigueurs du climat et l’utilisation de matériaux putrescibles nécessitent des soins appropriés si l’on veut éviter une détérioration trop rapide.
Avant d’envoyer les animaux au pâturage, on doit s’assurer qu’ils y resteront et que les animaux du voisin ne viendront pas goûter aux fourrages qui commencent à pousser. Le cultivateur fait alors le tour de ses clôtures. Il s’assure que chacun des piquets est bien solide, car sous l’action du gel et du dégel, ils peuvent ressortir du sol. Il remplace alors les pieux pourris ou les sections de broches cassées.
C’est aussi le moment d’inspecter les fossés. On en retire les débris accumulés à la fonte des neiges. Il faut aussi s’assurer qu’ils permettent toujours un bon égouttement de la terre et que les ponceaux sont toujours solides.
On doit réparer les toitures endommagées et remplacer les carreaux des fenêtres cassés. Lorsque les animaux sont au pâturage, on en profite pour faire des améliorations dans l’étable, avant que les récoltes n’accaparent tout le temps libre du cultivateur.
7) La mise bas des animaux
En plus des différents travaux aux champs et aux bâtiments, le printemps est la saison où les vaches, les truies, les juments et les brebis donnent naissance à leurs petits. Aujourd’hui, les naissances sont désaisonnalisées. Les animaux sont habituellement capables de mettre bas sans assistance, mais les agriculteurs préfèrent surveiller afin de s’assurer que tout se passe bien. En cas de difficultés, ils peuvent ainsi intervenir.
Dans les jours précédant la venue du nouveau-né, les femelles sont placées dans une section plus calme et plus chaude de l’étable. On a pris soin de bien nettoyer cet espace et de mettre de la paille fraîche pour assurer le confort des animaux et éviter la transmission de maladies.
Dans les jours qui suivent la mise bas, le cultivateur surveille l’état de santé de la mère et des nourrissons. Il veille à donner à la mère une alimentation adaptée et de bonne qualité. Dès que la température le permet, les animaux se rendent au pâturage.
8) La mise à l’eau des goélettes
Au printemps, il faut aussi mettre les goélettes à l’eau. Jadis très présentes sur le fleuve Saint-Laurent, les goélettes servaient au cabotage, soit le transport local de marchandises diverses.
Lors des grandes marées de l’automne, elles sont graduellement mises en cales sèches dans de petits chantiers maritimes. On évite ainsi les avaries que peuvent occasionner les tempêtes ou une montée soudaine des eaux fluviales.
Au retour des douces chaleurs du printemps, les chantiers d’hivernage s’animent du bruit des charpentiers, des calfats et des ouvriers qui s’affairent à les radouber et à les peinturer. On attend avec impatience la grande marée blanche, c’est-à-dire la première grande marée d’avril.
Cette marée s’étend sur deux ou trois jours. Elle dure deux heures, deux fois par jour. Lors de chaque période de deux heures, on peut mettre deux goélettes à l’eau. C’est un travail qui nécessite patience, force et minutie.
9) Les semis et la préparation du potager
Un potager luxuriant et qui peut nourrir toute la famille, ça se planifie. Il faut se procurer les graines des légumes que l’on veut cultiver, si on ne les a pas produites soi-même. Certains semis sont commencés à l’intérieur, principalement ceux des tomates.
On doit aussi préparer la terre. On l’engraisse avec du fumier, on la bêche et on égalise le sol.
Les légumes et les herbes qui ne craignent pas le gel sont semés dès le mois de mai: carottes, pommes de terre, panais, choux, rutabagas, navets, petits pois, oignons, poireaux, persil, sarriette, laitue. Il faut attendre que les risques de gel au sol soient passés pour semer les concombres, les citrouilles, les céleris et les haricots. On met en terre les plants de tomates après une période d’acclimatation à l’extérieur.
Des semis successifs sont faits à environ trois semaines d’intervalle jusqu’à la mi-juillet pour assurer un approvisionnement constant de certains légumes pendant la belle saison, et pouvoir faire des mises en conserve pour l’hiver.
Les femmes embellissent la façade de la maison en plantant des bulbes de glaïeuls et de dahlias, dont la floraison se produit à la fin de l’été.
Un texte d'Annie Labrecque, Bibliothèque et Archives nationales du Québec
- Vous pouvez consulter la page Facebook de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) en cliquant ici, et son site web en vous rendant ici.
- Vous pouvez également lire nos textes produits par la Société historique de Québec en cliquant ici.
Références
- BEAUDOIN, André. «L’exploitation forestière au XIXe siècle – Une époque très fertile, un survol trop court», Au fil des ans, automne 2001, p. 4-9.
- BOUCHARD, Gérard. «L’agriculture saguenéenne entre 1840 et 1950 – L’évolution de la technologie», Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 43, no 3, hiver 1990, p. 353-380.
- Cours postscolaires à la jeunesse agricole, Québec, ministère du Commerce, de l’Industrie et des Affaires municipales; avec la collaboration du ministère de l’Agriculture, 1930, 280 p.
- FRANCK, Alain. «Les chantiers maritimes traditionnels – Il était des petits navires...», Continuité, no 89 (été 2001), p. 37-39.
- FRÈRES MARISTES, Manuel d’agriculture, Montréal, librairie Granger Frères, 1942, 614 p.
- SÉGUIN, Robert Lionel. «Petite et grande histoire de la cabane à sucre», Vie des arts, no 45, hiver 1967, p. 40-45.