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Environnement

Biodiversité: voici 5 mesures que Québec devrait adopter pour donner l’exemple à la COP15

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Photo portrait de Anne-Sophie Poiré

Anne-Sophie Poiré

2022-12-12T17:03:17Z
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D’ici au 19 décembre, les yeux sont rivés vers le Québec, où 196 nations doivent s’accorder sur un plan pour freiner le déclin du vivant. Pour affirmer sa crédibilité en matière de biodiversité, l’hôte de la conférence de l’ONU (COP15) doit montrer l’exemple et aurait tout intérêt à annoncer des mesures concrètes dans les prochaines semaines, croient les experts.

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1- Agrandir le parc marin du Saguenay – Saint-Laurent 

La mise en place de cette aire marine protégée à l’embouchure du fjord de la rivière Saguenay, il y a 25 ans, a démontré des résultats concrets pour la protection des bélugas, officiellement sur la liste des espèces en voie de disparition au Canada depuis 2016. 

La population de bélugas du Saint-Laurent compte aujourd’hui moins de 900 individus. 

Photo courtoisie Groupe de recherche et d'éducation sur les mammifères marins
Photo courtoisie Groupe de recherche et d'éducation sur les mammifères marins

Mais à ce jour, seuls 40% de son habitat essentiel fait partie du parc marin du Saguenay – Saint-Laurent qui a été créé spécialement pour protéger ces cétacés. Il est géré conjointement par la Société des établissements de plein air du Québec (SÉPAQ) et Parcs Canada. 

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«C’est un modèle qui fonctionne et qui a permis de freiner le déclin du béluga. D’autres espèces de baleine bénéficient aussi de ce parc», souligne le directeur général de la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec), Alain Branchaud. 

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«On sait déjà que le gouvernement fédéral est favorable à l’agrandissement du parc marin et que des discussions sont en cours entre Ottawa et Québec, poursuit-il. On souhaite que le gouvernement provincial emboîte le pas et profite de la COP15 pour annoncer l’agrandissement du parc marin.» 

2- Modifier la Loi sur les espèces menacées et vulnérables

Le gouvernement Legault a profité de la COP15 pour annoncer lundi l’ajout de 27 nouveaux individus à la liste des espèces menacées ou vulnérables, qui n’avait pas été revue depuis 2009. L’emblématique rainette faux-grillon notamment, qui a perdu plus de 90% de son habitat en bonne partie à cause du développement urbain, passe au statut d’espèce «menacée». 

«C’est un pas dans la bonne direction, note Alain Branchaud, mais il n’y a pas assez de mordant dans cette loi-là. 

«Les individus de la liste des espèces menacées ou vulnérables ne sont pas plus protégés parce qu’elle ne permet pas au gouvernement d’agir sur certains territoires. Il ne peut pas intervenir sur un terrain privé pour arrêter un projet qui tuerait des individus de la rainette faux-grillon», illustre-t-il. 

Pour assurer la protection entière d’une espèce, il est essentiel de préserver aussi son habitat, croit quant à elle Marie-Audrey Nadeau-Fortin, chargée de projet en conservation et mobilisation pour Nature Québec. Autrement, il sera impossible de réellement freiner le déclin de la biodiversité dans la province. 

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3- Protéger le caribou (pour de vrai)

Est-ce que le Québec profitera de la COP15 pour mettre fin au déclin du caribou? Malgré l’ajout des 27 nouveaux individus à la liste des espèces menacées ou vulnérables, le cervidé a été écarté par le gouvernement. 

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Le caribou migrateur – en voie de disparition depuis 2017 selon Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) – n’a pas été ajouté à la liste du gouvernement du Québec. Le troupeau de la rivière George dans le Nord-du-Québec, autrefois le plus important au Canada, a pourtant subi un déclin «sans précédent» de 99% depuis 1993. 

Le caribou forestier désigné comme «menacé» par Ottawa, n’apparaît quant à lui sur la liste que comme une espèce vulnérable. 

Un caribou forestier
Un caribou forestier Photo ministère des Ressources naturelles et de la Faune

Marie-Audrey Nadeau-Fortin de Nature Québec déplore ce manquement. 

«On a été choqué de voir que la CAQ a préféré faire une Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards cet été, plutôt que de mettre en place sa stratégie pour la protection de leur habitat annoncée en 2019, puis reportée en 2022 et en juin 2023», martèle la spécialiste. 

«La COP15 serait un bon moment pour faire des annonces concrètes, plaide-t-elle, comme la protection du caribou forestier de Pipmuacan, un projet porté par les Nations innues Essipit et Pessamit, ou celle du caribou montagnard du mont Vallières-de-Saint-Réal, dans les Chic-Chocs, en Gaspésie.» 

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Un caribou migrateur du Parc national de la Gaspésie.
Un caribou migrateur du Parc national de la Gaspésie. Courtoisie Sepaq / Daniel Desmarais

Devant l’inaction de Québec dans ce dossier, les Premières Nations innues Essipit et Pessamit seront par ailleurs à la COP15 pour mettre à l’ordre du jour la perte de biodiversité sur leur territoire, laquelle est essentielle à leur mode de vie, due en grande partie à l’exploitation forestière. 

«La situation est critique, on ne peut pas se permettre d’attendre à juin 2023 pour des actions concrètes», réitère Mme Nadeau-Fortin. 

4- Protéger la rivière Magpie (Muteshekau shipu) sur la Côte-Nord

Le 16 février dernier, la rivière Magpie sur la Côte-Nord – depuis longtemps un endroit important pour les Innus d’Ekuanitshit – a obtenu le statut de personnalité juridique, une première au Canada. 

La Magpie jouit ainsi de neuf droits juridiques, dont ceux «de couler» et «d’intenter une action en justice». 

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Mais pour écarter définitivement la menace d’un barrage par Hydro-Québec, la rivière doit être protégée par le gouvernement québécois, signale Alain Branchaud. «Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) a même recommandé à trois reprises la protection de la Magpie», dit-il. 

La rivière Magpie est classée parmi les meilleures au monde pour les activités en eau vive comme le rafting, le canot et le kayak.
La rivière Magpie est classée parmi les meilleures au monde pour les activités en eau vive comme le rafting, le canot et le kayak. Boreal River

L’Alliance Muteshekau-shipu, composée du Conseil des Innus d’Ekuanitshit, de la MRC de Minganie, de la SNAP Québec et de l’Association Eaux-Vives Minganie, a elle aussi réitéré le 23 novembre sa demande de protéger une fois pour toutes la rivière. 

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«On pense que c’est avantageux pour la CAQ. Ça enverrait le signal qu’elle respecte la volonté des communautés autochtones. La protection de la Magpie, c’est la différence entre une bonne COP15 et une bad COP15», lance M. Branchaud. 

Hydro-Québec continue pourtant de s’opposer à la protection du cours d’eau. Le gouvernement a, par ailleurs, récemment communiqué son souhait de construire de nouveaux barrages au Québec. 

5- Protéger les milieux humides

La population du Québec tient à la protection et la restauration de ses milieux humides. Pour y arriver, elle serait même prête à verser 42,55 $ par année à un organisme environnemental local, selon une étude de la Chaire de recherche du Canada en économie écologique. 

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Cette somme, qui équivaut à 280 millions $, est plus importante que celle déjà investie par le gouvernement québécois. 

«Ces milieux sont des alliés précieux dans la lutte aux changements climatiques. Ils jouent un rôle essentiel dans la captation du carbone, la régulation des crues, la filtration de l’eau et la protection de certaines espèces en péril», détaille Marie-Audrey Nadeau-Fortin. 

courtoisie
courtoisie

Avec la Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques adoptée il y a cinq ans, Québec s’est donné l’objectif d’«aucune perte nette» de milieux humides. Et si des projets viennent à empiéter sur ces espaces protégés, ils doivent être compensés financièrement pour en créer de nouveaux ou pour en assurer la restauration. 

Or, entre 2017 et 2021, le gouvernement a autorisé la destruction de près de 12 km2 de milieux humides en échange de compensations totalisant 75 millions $, apprenait La Presse en octobre dernier. 

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Quelque 100 millions $ amassés pour compenser la destruction de milieux humides dormiraient actuellement dans les coffres de l’État, selon le média. Et de ce montant, moins de 3% ont été réinvestis pour créer ou restaurer des milieux humides. 

«Le ministère ne respecte pas ses propres règles, fait valoir Mme Nadeau-Fortin. Il faut revoir la logique de compensations financières et plutôt miser sur la protection des milieux humides déjà existants. De toute façon, pour réellement protéger la biodiversité, il faudrait que les nouveaux milieux soient recréés à proximité de ceux détruits. Mais c’est difficile, parce qu’une fois le projet complété, on manque d’espace pour le faire.»  

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