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Culture

Une ultime tournée pour Michel Barrette

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Patrick Delisle-Crevier

2023-11-29T14:00:00Z
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Sur les 66 années qu'il a au compteur; Michel Barrette en compte 40 d'une vie professionnelle bien remplie. Mais le voilà qui songe tranquillement à la retraite, et le spectacle Un mot, une histoire, qu'il présentera 24 fois, pas plus, sera son chant du cygne. Michel Barrette compte ensuite voyager avec Maude, la femme de sa vie, et passer plus de temps avec ses fils. Il aimerait aussi renouer avec le métier de comédien. Entrevue avec un homme qui rêve de jouer un tueur en série et d'ouvrir un jour son propre musée.

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Bruno Petrozza
Bruno Petrozza

Michel, comment tu vas en cette fin d’automne?

Dans la vie, il y a des passages, des fins de périodes, et en ce moment, je suis exactement dans ça. Ça fait quand même un bout que je m’approche de la retraite et que je n’écris pas de nouveau spectacle. En 40 ans, j’ai créé 12 spectacles différents. Je dis «créé» parce que, contrairement à d’autres humoristes, je n’ai jamais écrit un spectacle. Je suis un raconteur, alors je raconte. Je vis les choses, je les raconte, puis des auteurs viennent broder autour et faire des ajouts humoristiques. De cette façon, il m’arrivait de terminer un spectacle le vendredi et d’arriver avec un autre le lundi. Il n’y a jamais eu de temps mort, et j’ai pu en faire une douzaine en cumulant les tournages de films et de séries télé ainsi qu’une quotidienne pendant des années avec France Castel. Officiellement, tout ça était donc terminé et je m’enlignais pour prendre ma retraite, mais je me suis vite rendu compte que j’étais incapable de ne pas raconter. 

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De là ce nouveau spectacle, Un mot, une histoire, qui sera bien différent?

Oui, il est différent tout simplement parce que je ne souhaite pas refaire des tournées de 150 spectacles par année. J’arrive donc avec quelque chose de complètement différent. Les premiers souffles sont nés lorsque je suis allé faire le podcast de Mike Ward. Je me suis installé derrière le micro et je me suis mis à raconter différentes choses à partir des questions que Mike me posait. Je me suis rendu compte qu’il y avait quelque chose là. Je me suis même rendu compte que j’avais raconté des choses que normalement je n’aurais pas racontées, et cela m’a fait découvrir l’homme derrière le personnage public. Ce spectacle prendra donc la forme d’entrevues. Il y aura deux fauteuils sur scène et deux personnes qui se parlent, dont moi. Chaque soir, je serai en compagnie d’une personne différente. J’ai 24 spectacles de bookés en 2024, avec 24 personnes intervieweuses différentes. Ça va de Mike Ward à Marie-Claude Barrette en passant par Christian Bégin et plusieurs autres. Ce sont des gens qui, pour la plupart, ne me connaissent pas et j’aime ça. Je veux surprendre et être surpris, et le public va pouvoir poser des questions par écrit avant le spectacle. 

Bruno Petrozza
Bruno Petrozza

Ça ne te fait pas peur de sauter ainsi sans filet chaque soir?

Pas du tout! Je suis né pour faire de l’improvisation et pour raconter. Je peux être fatigant en maudit dans un souper avec mes anecdotes. Le clapet se fait souvent aller, même que, parfois, mes fils se regardent entre eux et se disent: «Bon, il est reparti encore» en poussant un soupir de découragement. J’ai vécu plein de choses, je suis un enfant des années 1960, un adolescent des années 1970 et un jeune adulte des années 1980, j’ai vécu l’ère disco, j’ai senti le patchouli pendant les années hippies, j’ai roulé jusqu’en Californie avec une Volks qui valait 50 dollars. Je peux raconter plein de choses et ça m’allume, parce que quand je raconte, je les revis. Ça me permet de revivre des moments qui ont souvent été heureux, mais pas tout le temps. 

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Dis-moi, Michel, est-ce que ce spectacle sera vraiment ton chant du cygne?

Oui, ce sera mon chant du cygne. Après 40 années à faire de l’humour, j’ai envie de sortir sur une telle note. Sincèrement, je manque de temps dans ma vie, parce que j’ai trop travaillé. J’ai animé l’émission Pour le plaisir une heure et demie chaque jour, durant huit ans, et pendant ce temps, je donnais des spectacles, je jouais dans des films et dans des séries, et je faisais de la radio. C’était fou! J’ai donc dit à mon équipe que j’allais faire 24 spectacles et pas plus. Il va ainsi me rester 345 jours dans l’année pour faire autre chose. 

Tu as aussi dit que tu souhaitais revenir à ton métier de comédien?

Oui, j’ai envie de jouer un peu plus. Dans les 20 dernières années, j’ai eu à refuser plein de beaux rôles et des rôles importants qui ont été marquants pour les comédiens qui ont eu la chance de les incarner. J’ai eu des rôles que j’ai aimé jouer dans ma carrière, mais j’ai encore soif à ce niveau. Je veux jouer des rôles qui vont m’amener loin de moi. J’ai eu du fun à jouer dans la série Km/ h avec mon ami Gildor, mais c’était une comédie qui parlait de voitures. C’était donc proche de moi, et pour moi, c’est plus facile de faire rire que de faire pleurer. J’aimerais jouer un rôle de tueur en série, d’écorché du système, de drogué... Dorénavant, je vais sauter là-dessus beaucoup plus que sur un rôle comique. Je veux m’éloigner de cette image du gars de chars qui fait des blagues. 

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Bruno Petrozza
Bruno Petrozza

Est-ce que tu regrettes aujourd’hui d’avoir, justement, trop travaillé?

Je sais pourquoi j’ai trop travaillé: c’est tout simplement parce que j’étais plus heureux sur une scène ou un plateau que dans ma vie personnelle. Il y a vraiment eu une assez longue période de ma vie durant laquelle je m’endormais dans le travail parce que c’était le seul endroit où j’étais bien.

Qu’est-ce qui a changé ça?

L’arrivée de Maude dans ma vie, il y a 21 ans. Quand elle m’a connu, j’étais encore là-dedans. Lorsqu’elle venait me voir à Montréal, j’étais toujours parti ailleurs à m’étourdir. Je me souviens que, dans cette période, je pleurais le matin sur le bord de mon lit parce que je travaillais trop. Je tournais le film Le bonheur des autres très tôt le matin et durant toute la journée, et le soir, j’étais en résidence de spectacles à Gatineau. Je dormais en moyenne une heure ou deux par nuit. Maude a été patiente avec moi, elle venait me voir durant mes pauses de tournage sur la série Le gentleman et on s’endormait ensemble dans la petite roulotte l’après-midi. J’ai donc manqué de temps dans ma vie, et maintenant je me bats contre moi-même pour réussir à avoir du temps. Quand ma blonde me montre mon horaire, je constate que, pour la première fois en 40 ans, j’ai plusieurs jours de congé. Elle est rusée, puisqu’elle m’achète maintenant des billets de voyage qu’elle met
à mon horaire, alors je n’ai pas le choix d’arrêter. 

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À quoi ressemblait la vie de Michel Barrette avant l’arrivée de Maude?

Ce n’est pas un secret: ma vie entre 25 et 40 ans, c’était Barrette les bars, Barrette les filles, Barrette le bad boy. À un moment donné, nous étions sur le party sept jours sur sept, je me tenais au Belmont, sur le boulevard Saint-Laurent. À l’époque, je rentrais là et j’étais une rock star. Je n’ai pas toujours eu 66 ans et j’ai déjà été pas pire beau bonhomme!      

Est-ce la popularité qui t’a amené vers cette vie rock’n’roll?

Oui. Tu as 25 ans et tu rentres dans un bar. L’animateur arrête la musique et annonce à haute voix ta présence. J’étais populaire et je sais bien que si j’avais travaillé chez Woolco, je n’aurais pas eu toutes ces filles à mes pieds. 

Bruno Petrozza
Bruno Petrozza

La naissance de tes fils ne t’a pas assagi?

Pour être bien honnête, si tu calcules que j’ai été guidoune pendant 20 ans et que tu regardes l’âge de mes fils, tu vas vite comprendre que j’étais sur le party dans cette période-là. Disons que je n’étais pas tant le père que j’aurais voulu être à cette époque et que je n’en suis pas tant fier aujourd’hui. Bon, je ne regrette pas cette période de party, parce que ç’a été le fun, mais ça aurait pu durer beaucoup moins longtemps. 

L’arrivée de Maude a mis un frein à cette vie folle?

Oui. Quand elle est arrivée dans ma vie, lorsque je l’ai rencontrée par hasard sur une rue à Chicoutimi, ç’a été le coup de foudre. J’ai vite su que je venais de rencontrer la femme de ma vie et je me suis vite dit que j’arrêtais les conneries. Maude savait que j’avais une réputation pas très reluisante et j’ai eu à lui prouver que je n’étais pas que ça, que je pouvais être un homme amoureux, fidèle et présent! Adolescent, j’étais un grand romantique qui croyait à l’amour d’une vie. Je voulais tomber en amour avec quelqu’un et passer ma vie avec. Je croyais fort à ça. Mais, après quelques déceptions et peines d’amour, j’ai cessé d’y croire. Même que, dès que ce sentiment s’installait avec une femme, je me sauvais ou je sabotais la relation. Je ne voulais plus retomber en amour avec quelqu’un qui allait me blesser ou que j’allais blesser ensuite. Je n’y croyais plus et il a fallu que Maude arrive pour que je recommence à y croire. 

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Être fidèle, pour toi, c’est un combat?

Non, pas avec Maude. Même que ç’a été facile et que je fais des blagues avec ça. Des fois, elle m’appelle alors que je suis dans ma chambre d’hôtel et je m’invente une maîtresse imaginaire. Pendant que j’ai Maude au téléphone, je vais dire: «Linda, tu peux fermer l’eau de la douche, je suis au téléphone. Mais je vais aller te rejoindre après.» Je vire ça en blague et Maude sait que je ne la trompe pas. Quand je pense à mes années de party, j’appelle ça mes années de sexe triste, parce que tout ça tourne au vide à un certain moment. Ça ne mène jamais à rien. Quand je rencontrais une femme, ou bien je la trompais, ou bien elle me crissait là pour un autre. Je n’avais plus envie de vivre cette vie-là. Je suis tellement heureux avec Maude! Nous sommes comme deux adolescents ensemble. Je vis un véritable amour d’adolescence au quotidien à 66 ans et depuis 21 ans. Je veux profiter de la vie avec ma blonde. 

Dis-moi, Michel, que comptes-tu faire du reste de ta vie?

Je veux voyager et je veux surtout être présent pour mes fils. Même si ceux-ci me disent que j’ai toujours été un père présent, j’ai l’impression que cela n’a pas toujours été le cas. Je m’oblige à les croire pour ne pas me sentir coupable. Mais je veux passer plus de temps avec mes fils. Je suis fier d’eux. Mon dernier, Jonathan, a déjà 17 ans, il est aussi grand que moi et c’est un jeune homme brillant. Olivier est un brillant comédien, il parle cinq langues. Martin est un excellent musicien et chanteur, et il gagne sa vie comme garde-côte. Il a fait de moi le grand-papa de la petite Julia, qui a quatre ans et demi. Nicolas est un passionné de voitures, il fait de la course automobile et travaille dans le domaine. 

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Michel, tu possèdes une quantité impressionnante d’artefacts et de pièces uniques comme, entre autres, une mèche de cheveux de Marilyn Monroe et l’agenda personnel de Sammy Davis Jr., ainsi que d’innombrables voitures. Que comptes-tu faire de tout ça?

J’aime participer à différents encans, et maintenant je peux le faire en ligne. J’achète encore beaucoup de choses, mais je tente de ralentir un peu. Ma blonde me modère aussi, et heureusement! J’ai possédé 215 voitures, dans ma vie, et j’en ai 22 en ce moment. J’aimerais un jour ouvrir un musée, mais je dois passer à travers tant de boîtes de choses que j’ai accumulées... Mes fils ne sont pas très intéressés par tout ça. J’ai tellement de pièces de collection que je pense que ça ferait un beau musée, avec une section cinéma, une section musique, et je raconterais l’histoire de chaque pièce. Je me verrais faire des visites guidées.

Bruno Petrozza
Bruno Petrozza

As-tu des déceptions concernant ta carrière ou ta vie personnelle?

J’aurais aimé connaître ma blonde plus tôt. Il me semble que ça aurait été extraordinaire si je l’avais rencontrée plus rapidement. Elle est un tel phare dans ma vie! Elle a fait de moi un homme meilleur. Sinon, je n’ai pas de regret quant à ma carrière, même que je suis fier d’avoir réussi à durer. Ce que je souhaite à tous les humoristes, c’est de perdurer. Faire encore des spectacles dans des salles pleines après 40 ans de carrière est un grand privilège. Quand j’entends des jeunes de 20 ans rire comme des fous de mes histoires de vieux bonhomme, ça me rend heureux de voir que je suis encore pertinent auprès d’un jeune public. La durée est ma plus grande réalisation professionnelle. 

Et quelle est ta plus grande réalisation personnelle?

Je vais tomber dans le cliché, mais ce sont mes enfants. Ils me rendent si fier! C’est aussi d’avoir trouvé quelqu’un dans ma vie que j’aime. Maude m’a rendu la vie tellement simple et heureuse! Notre relation n’est pas en montagnes russes: c’est une belle ligne droite de bonheur. C’est précieux pour moi, ça. Je veux rester allumé dans ma vie, et ma Résidence Soleil à moi, ce sera mon Harley-Davidson dans le désert, et si je meurs, ce sera en frappant un cactus. 

Michel sera en tournée partout au Québec dès le 2 février avec son nouveau spectacle, Un mot, une histoire. Les billets sont en vente maintenant à michelbarrette.ca.

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