Une nouvelle technique antigivrage écolo inspirée par... les manchots
Jean-Michel Clermont-Goulet
Des chercheurs en génie chimique de l’Université McGill ont mis au point une solution sans produits chimiques inspirée du plumage des manchots permettant de dégivrer les fils électriques, les drones, les ailes d’avion et les éoliennes.
• À lire aussi: Urgence climatique: il faut repenser complètement le voyage, estiment des experts
• À lire aussi: Fonte des glaces: une nouvelle pandémie à cause du réchauffement climatique?
Selon l’étude publiée récemment dans le ACS Applied Material Interfaces, les techniques de dégivrage et d’antigivrage employées actuellement sont souvent coûteuses, énergivores et prennent beaucoup de temps, en plus d’utiliser des produits chimiques, en grande majorité composés d’éthylène glycol, aussi présent dans le lave-glace des voitures.
Pour vous donner une idée, entre 550 à 3800 litres l’éthylène glycol sont utilisés pour le dégivrage d’un seul avion, ce qui est contreproductif pour résoudre des problèmes environnementaux, explique le doctorant en génie chimique et chercheur principal de l’étude, Michael Wood, en entrevue au 24 heures .
Un «plumage» métallique
L’équipe de Michael Wood et de sa collègue Anne-Marie Kietzig a imité la hiérarchie et les propriétés hydrofuges et antigivrages du plumage du manchot, en pratiquant des nanorainures sur une toile métallique d’acier inoxydable usinée au laser.
Les résultats de l’étude sont prometteurs. Les surfaces recouvertes de la toile métallique affichaient une résistance à l’accumulation de glace de 95% supérieure à celle d’une feuille d’acier inoxydable poli non recouverte.
Comme aucun traitement chimique n’est nécessaire, cette nouvelle technique pourrait devenir une solution antigivrage passive «sans entretien» et écologique pour les éoliennes, les pylônes, les fils électriques et les drones.
Une recherche basée sur la curiosité
Pourquoi avoir choisi le manchot papou, qui vit et nage dans les eaux glacées du pôle Sud, plutôt qu’un autre animal des glaces? «Par simple curiosité», confie M. Wood.
«Nous nous sommes demandé pourquoi son plumage ne glaçait pas une fois sorti des eaux glaciales», dit-il au bout du fil, précisant que la disposition des plumes fait en sorte que l’adhérence de la glace y est pratiquement nulle.
Ce qu’il faut savoir, c’est que le manchot papou n’accumule aucune glace sur ses ailes, malgré des températures sous la barre du 0 degré.
C’est notamment grâce au Biodôme de Montréal que les recherches ont pu aboutir. L’établissement a fourni les plumes de ses manchots, qui, en janvier et février, muent et perdent leur plumage.
D’autres études suivront
En raison des risques et la réglementation applicable au transport aérien de passagers, «il est peu probable» que les ailes d’avion finissent par être recouvertes d’une toile métallique, mentionne dans le communiqué Anne-Marie Kietzig.
La prochaine étape des recherches, dit pour sa part Michael Wood, sera de se pencher sur la manière dont on pourra rendre la solution efficace pour un avion en simulant, par exemple, une aile.
«Ce sera plus facile à tester sur une éolienne en premier lieu», précise-t-il en riant.