Une île sud-coréenne sidérée par une alerte au missile
Agence France-Presse
Lorsqu'un missile nord-coréen a déclenché une alerte aérienne, les habitants de l'île sud-coréenne d'Ulleungdo étaient censés courir se mettre à l'abri. Mais personne, pas même le maire adjoint, n'a su que faire.
Située à quelque 120 kilomètres à l'est de la péninsule coréenne, Ulleungdo, île pittoresque peuplée de 9000 habitants, attire les touristes locaux avec ses escarpements verdoyants et ses eaux d'un bleu brillant.
Mais mercredi, Pyongyang a tiré une salve record de plus de vingt missiles dont l'un a franchi la «Ligne de limite du Nord» (NLL) qui prolonge en mer la frontière terrestre Intercoréenne, tout en restant dans les eaux internationales.
Le président sud-coréen Yoon Suk-yeol a évoqué «une invasion territoriale de faits par un missile qui a franchi la Ligne de limite du Nord pour la première fois depuis la division» de la péninsule.
Le missile a semblé se diriger directement vers Ulleungdo. Il a fini par amerrir à 167 km de l'île.
Le tir a provoqué dans l'île une alerte aérienne jamais activée jusqu'alors, de mémoire d'habitant, selon des témoignages recueillis par l'AFP.
«Ulleungdo a toujours été perçu comme un endroit très sûr», confie à l'AFP le maire adjoint du comté d'Ulleung, Kim Kyu-youl. «Quelque chose comme ça, c'est du jamais vu ici», selon lui.
Lorsque lui-même et son équipe ont entendu l'alerte, ils n'avaient aucune idée de ce qu'elle signifiait parmi la diversité des sirènes d'alarme correspondant chacune à une situation particulière.
«Dans l'émotion du moment, il était difficile de comprendre ces différences, surtout que nous avons aussi pensé qu'elle pouvait avoir été activée par erreur», explique-t-il.
Ils ont ensuite reçu un message du ministère de l'Intérieur les alertant du missile. Alors, «nous avons décidé de prendre des mesures pour assurer la sécurité de nos concitoyens».
Le protocole aurait voulu que M. Kim et son équipe se rendent immédiatement dans des abris comme tous les habitants. Mais la confusion était telle qu'ils n'en ont rien fait.
À la place, ils ont envoyé des messages d'avertissement par textos pendant que des employés gouvernementaux se dispersaient dans les rues pour demander aux gens d'aller s'abriter.
«Je reconnais que notre réponse ne correspondait pas aux normes auxquelles s'attend notre population», dit-il. Avec son équipe, ils comptent chercher comment s'améliorer.
«Nous préparons des abris supplémentaires» qui s'ajouteront aux huit abris aériens actuels, assure-t-il. «Les abris dont nous disposons actuellement sont des installations souterraines en béton, mais cette situation vient nous rappeler qu'ils pourraient être insuffisants face à une menace plus grande», juge M. Kim.
Quand elle a entendu la sirène, Chae Young-sim, une commerçante de 52 ans, s'est demandée s'il y avait une cérémonie à la mémoire des 156 personnes tuées samedi dans une bousculade en fêtant Halloween à Itaewon, quartier cosmopolite de Séoul.
«J'ai pensé que l'alerte était liée à la tragédie d'Itaewon», dit-elle à l'AFP.
Des habitants se sont rassemblés sur le port principal de l'île, en plein désarroi.
«On a appris aux informations télévisées que la Corée du Nord avait lancé un missile vers notre île», se souvient-elle.
«Nous étions choqués et effrayés, car rien de tel ne s'était jamais produit auparavant. Nous ne savions pas où nous réfugier», ajoute-t-elle.
Le maire adjoint et son équipe ont fini par les contacter avec des textos explicatifs «mais à ce moment-là nous savions déjà que le missile était tombé assez loin d'ici», ajoute Mme Chae.
La plupart des habitants n'avaient aucune idée de ce qu'il fallait faire, renchérit Wie Jeong-ae, 46 ans, une responsable au terminal des passagers.
«Nous n'avons appris où s'enfuir qu'avec des textos et des forums de discussion», poursuit Mme Wie. «Il n'y a pas de bunkers ou de vrais refuges à Ulleungdo -les endroits utilisés lors d'évacuations sont des tunnels et des installations souterraines» construites dans les années 1960 et 1970.
«La plupart d'entre nous ignoraient même leur existence, mais nous l'avons découverte ce jour-là», dit-elle.
Des personnes âgées qui se souvenaient de la construction des abris ont expliqué aux plus jeunes à quel endroit se rendre.
«Nous étions tous très troublés», résume Mme Wie.