Une employée d'un restaurant congédiée après des avances refusées
L’ancien codirigeant du restaurant écorché par le Tribunal administratif du travail
Dominique Lelièvre
Un juge administratif reproche au restaurateur Guillaume Boutin, connu pour le menu controversé de l’enseigne Pho King Bon, d’avoir congédié une employée qui avait refusé ses avances sexuelles alors qu’il était son supérieur dans un établissement de Sainte-Adèle.
Avant de faire parler de lui à l’automne 2020 pour le langage utilisé sur le menu du Pho King Bon situé à Rosemère, Boutin était gérant dans un autre restaurant aujourd’hui fermé, à Sainte-Adèle, dans les Laurentides.
Celui-ci s’appelait également Pho King Bon, et Boutin était alors le conjoint de la propriétaire.
Le Tribunal administratif du travail devait déterminer si une ancienne serveuse de ce restaurant avait été victime de harcèlement psychologique dans le cadre de son travail, comme elle l’alléguait dans une plainte en janvier 2020.
Le juge administratif Guy Blanchet lui a donné raison en mai dernier et a ordonné à l’entreprise de lui verser une indemnité de 1004 $, soit l’équivalent de deux semaines de travail avec pourboires.
C’est l’employeur qui était mis en cause dans cette affaire, et non Boutin directement. Or, l’entreprise n’a envoyé aucun représentant lors de l’audience, même si elle était convoquée.
Récit troublant
Dans sa décision, le juge explique que, selon la plaignante, «le gérant Boutin s’approchait régulièrement d’elle et [...] la touchait à la hanche ou au bras», ce qui la mettait «fort mal à l’aise».
Le 10 janvier 2020, il aurait invité des collègues à prendre une bière à son chalet situé près du restaurant. Il aurait alors proposé à la plaignante de visiter l’étage supérieur et essayé de l’embrasser à deux reprises contre son gré, selon le récit présenté dans le jugement.
«Elle s’éloigne alors de lui, mais ce dernier la rejoint et la plaque au mur et procède à des attouchements et l’embrasse de force. Elle affirme alors avoir complètement figé. Il lui demande alors qu’elle lui fasse une fellation, ce qu’elle refuse. Il la force à se mettre à genoux afin qu’elle fasse ce qu’il lui a demandé», est-il relaté.
Cet épisode aurait pris fin lorsqu’un collègue est monté à l’étage pour voir ce qui se passait. Le lendemain, le gérant a mis fin à l’emploi de la travailleuse, selon le document.
L’événement du 10 janvier 2020 est «une conduite très grave. On parle ici d’une agression sexuelle», note le juge administratif, précisant que la plaignante a eu de la difficulté ensuite à réintégrer le marché du travail.
À ce jour, aucune accusation criminelle n’a été portée contre Guillaume Boutin relativement à ces allégations, selon un registre public.
Il réfute
Lors d’un entretien avec Le Journal, celui-ci a nié en bloc les allégations et a soutenu qu’il n’a pas eu l’occasion de donner sa version des faits lors des procédures.
«Je n’ai pas eu l’occasion de me faire entendre et je trouve ça vraiment injuste. [...] Il est clair que je vais demander une rétractation du jugement dans le présent dossier et que je vais faire valoir mes droits», a déclaré M. Boutin.
«Les gestes commis par le gérant Boutin ne sont pas contestés par ce dernier. L’employeur a décidé de ne pas se présenter à l’audience afin de donner sa version des faits», écrit le Tribunal.
La saga du Pho King Bon
DÉCEMBRE 2019
- Le premier restaurant Pho King Bon ouvre à Sainte-Adèle, dans les Laurentides, sans grand bruit. Il est aujourd’hui fermé.
SEPTEMBRE 2020
- Une autre succursale portant le même nom ouvre à Rosemère à la fin août et fait vite parler d’elle en raison des jeux de mots à connotation sexuelle sur son menu, comme le shooter Lichi MWA LKU (« liche-moi le cul ») ou la boisson Pho Kyu (fuck you). Certains dénoncent un manque de respect à la culture et la langue vietnamiennes. L’Office de la langue française visite le nouveau resto. Le copropriétaire Guillaume Boutin défend cette stratégie sur plusieurs tribunes, avant de présenter ses excuses quelques jours plus tard.
NOVEMBRE 2020
- Le restaurant de Rosemère envisage pendant quelques jours de défier le gouvernement et d’ouvrir sa salle à manger malgré les règles sanitaires, avant d’y renoncer.
MAI 2022
- Un juge administratif conclut qu’une serveuse a été victime de harcèlement psychologique alors qu’elle travaillait au restaurant de Sainte-Adèle au début 2020.
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