Une drag-queen nous explique pourquoi son art peut aussi s’adresser aux enfants
Sarah-Florence Benjamin
Comme aux États-Unis, assistons-nous à une montée du sentiment antidrag au Québec? Cette question se pose, car une manifestation contre la tenue d’une activité de contes pour enfants animée par Barbada a dégénéré le week-end dernier, sur la Rive-Sud de Montréal. On en a discuté avec une drag-queen qui a demandé de garder l’anonymat, craignant d’être la prochaine cible de ces attaques.
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Es-tu inquiète de voir le climat antidrag des États-Unis s’installer ici?
Malheureusement, le sentiment antidrag est déjà bien présent au Canada. Les séances de contes animées par des drag-queens à Montréal, à Ottawa et à Calgary attirent déjà des manifestations.
Ces opposants sont en minorité, mais c’est une minorité très vocale.
On a la chance, au Québec et en Ontario, d’avoir le soutien de la classe politique et de la majorité de la population. On reconnaît que cette haine est homophobe et transphobe et que leur objectif est de semer la peur.
Nous prenons les menaces envers notre communauté très au sérieux, mais c’est important de souligner tout le soutien que nous recevons!
L’art du drag devrait-il être réservé à un public adulte?
Les artistes drag, comme la majorité de la culture queer, ont été forcés de performer majoritairement dans les clubs et les bars à une époque où les gens ne nous comprenaient pas et avaient peur de nous.
Les drag-queens n’avaient pas le choix de faire leur numéro dans des espaces réservés aux adultes et maintenant, on utilise cet argument pour dire que c’est un art qui n’est pas approprié pour tous les âges, ce qui est faux!
Si on avait eu le choix de performer où on voulait, de nombreux artistes auraient préféré des espaces en dehors des bars et des clubs.
Comme n’importe quel artiste, il est possible d’adapter notre matériel au public à qui il s’adresse. Certains artistes drag ne font pas de contenu kid-friendly et ceux-ci ne désirent tout simplement pas performer devant des enfants!
Il y a du drag pour tous les goûts et tous les publics, comme avec la musique, les livres, les films et l’art en général.
Pourquoi accuse-t-on les drag-queens de pervertir les enfants?
Cette rhétorique est une tactique pour créer une panique morale, rien de plus.
L’objectif des lois antidrag est surtout une manière détournée de criminaliser les personnes trans. Ces fanatiques ne comprennent pas la différence entre drag et personnes trans et ne souhaitent pas la comprendre non plus.
Comme avec la panique satanique des années 80, accuser un groupe de pervertir ou de faire du mal aux enfants est une tactique classique de panique morale. Si on essaie de se défendre de ces accusations ridicules, on se fait traiter comme si on était en faveur de mettre des enfants en danger.
Nous ne sommes que des artistes qui veulent vivre et rendre le monde meilleur et plus fabuleux!
Il existe des brunchs drag pour tous les âges. En quoi ça consiste?
C’est semblable à un souper-spectacle, sauf qu’on y sert des œufs bénédictine! Ce sont des spectacles différents de ceux donnés dans les bars parce qu’on adapte le matériel selon le public.
Certains brunchs sont destinés aux enfants et auront des thèmes comme «contes de fées» ou «princesses de Disney», d’autres sont grand public et on y présente des chansons populaires qui passent à la radio.
On choisit des chansons appropriées pour tous les âges ou des versions censurées pour ce genre de performance. Comme ça se passe souvent assez tôt le matin, les performances sont souvent énergiques et joyeuses. On veut que le public commence la journée fabuleusement du bon pied!
As-tu déjà reçu des menaces personnellement?
On reçoit des commentaires haineux en rapport avec nos événements de drag, mais l’écrasante majorité des gens avec qui nous interagissons sont juste enthousiastes de nous voir performer.
Si je dois me lever à 7h du matin pour prendre ma douche, me raser, me maquiller avant de donner un show survolté, je ne suis pas d’humeur à perdre mon temps avec des gens négatifs.