Une championne «russe» à Wimbledon
Mathieu Boulay
En avril dernier, les dirigeants de Wimbledon ont décidé d’exclure les joueurs russes de leur tournoi. Samedi, de façon ironique, c’est une joueuse d’origine russe qui a mis la main sur le titre féminin du tournoi du Grand Chelem.
Elena Rybakina, qui est née et a grandi à Moscou, mais qui défend les couleurs du Kazakhstan depuis 2018, l’a emporté 3-6, 6-2 et 6-2 contre la deuxième raquette mondiale, Ons Jabeur.
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Du même coup, elle est devenue la première joueuse du Kazakhstan à remporter un titre du Grand Chelem. À 23 ans, elle est la plus jeune championne de Wimbledon depuis Petra Kvitova en 2011. Elle met la main sur un chèque de 3,1 millions $ canadiens.
«Je n’arrive pas à y croire, a indiqué Elena Rybakina en conférence de presse. Peut-être dans quelques jours, je vais réaliser ce que je viens de faire.»
«Je suis super fière de moi, de mon équipe et de tous ceux qui travaillent avec moi. Ce fut difficile et je crois qu’on a réussi ensemble.»
Rybakina a livré une grande performance pour obtenir la victoire. Lors de la première manche, elle a été brisée dès sa deuxième partie au service. À compter de ce moment, Jabeur a gagné du rythme et elle a suivi son plan de match à la lettre. La Tunisienne était en contrôle de la rencontre grâce à une belle variété dans ses attaques.
Toutefois, le vent a tourné dès les premiers instants de la deuxième manche. Rybakina a pris les choses en main avec un bris dès le départ. Elle a pris confiance en ses moyens et elle s'est mise à enchaîner les bons coups.
L’inconstance de Jabeur
Pour sa part, Jabeur n’a pas été en mesure de saisir les opportunités pour freiner l’élan de sa jeune rivale. Elle n’a pas été capable de convertir quatre balles de bris durant cette manche. Comme on l’a vu à plusieurs reprises depuis le début du tournoi, Jabeur a fait preuve d’inconstance.
Si elle a pu se sortir du pétrin lors de ses matchs précédents, ce ne fut pas le cas contre Rybakina. Celle-ci est entrée dans la porte qui s’est ouverte à elle.
La Kazakhe a brisé Jabeur d’entrée de jeu à la troisième manche. Un dur coup. Le point final à cette rencontre est survenu à 3-2 en faveur de Rybakina. Jabeur avait la chance de ramener les deux joueuses à la case départ avec trois balles de bris. Encore une fois, elle a échoué.
Le reste de la rencontre a été une formalité pour Rybakina. Après la confirmation de son triomphe, la nouvelle championne a eu une réaction réservée. On était loin des cris de joie des autres championnes.
«Elle mérite ce titre, a souligné Ons Jabeur. Je suis triste de la tournure des événements, mais ça fait partie du tennis. Il ne peut avoir qu’une seule gagnante.»
«Ce fut une excellente expérience pour moi. Je suis sûre que je vais beaucoup apprendre de ce match. Ce sont deux semaines positives pour moi. Je vais garder la tête haute.»
Une nationalité qui laisse des doutes
Pour revenir sur ses liens avec la Russie, Rybakina s’est fait poser plusieurs questions durant son parcours vers les grands honneurs en sol londonien.
«Je représente le Kazakhstan depuis plusieurs années et je suis très heureuse, a-t-elle mentionné. Ils croient en moi. Je n’ai aucun doute dans mon esprit. J’ai représenté ce pays lors des Jeux olympiques et de la Fed Cup.»
«Je suis une joueuse de tennis et je suis heureuse d’être ici. J’essaye de faire de mon mieux. C’est dommage pour les joueurs (russes et biélorusses) qui n’ont pas pu participer au tournoi.»
Elle a tenté de mettre le couvert sur la marmite à plusieurs reprises.
«Je suis née en Russie et je représente le Kazakhstan. Je ne sais pas pourquoi je dois revenir là-dessus. J’ai déjà répondu à plusieurs questions à ce sujet.»
«Lors de mes matchs, le président de la fédération kazakhe est venu m’encourager. C’est gros. C’est un appui incroyable.»
Les larmes de la championne
Elena Rybakina a été calme et humble dans les secondes après avoir remporté son premier titre majeur en carrière. C’est à l’image de sa personnalité.
«J’ai toujours été calme après chacune de mes victoires, a raconté Rybakina. Quand j’ai parlé au micro, j’ai failli pleurer, mais je me suis retenue.»
«Peut-être que mes émotions vont sortir lorsque je serai seule dans ma chambre. Je vais pleurer sans arrêt.»
Elle n’a pas attendu d’être seule. Lorsqu’un journaliste lui a posé une question sur ses parents, elle a craqué.
«Je ne leur ai pas encore parlé. Ils doivent être super fiers de moi, a-t-elle expliqué avant d’arrêter sa phrase pour verser quelques larmes. Vous vouliez des émotions, en voici.»
Rybakina a fait montre de caractère après avoir perdu la première manche.
«Je n’ai pas bien commencé le match. J’ai mis toute ma concentration sur le match et sur ce que je faisais sur le terrain.»
«Ons [Jabeur] a joué de façon incroyable. Elle est une adversaire difficile à affronter avec ses amortis et le reste de son arsenal. Quand je suis rentrée dans le match, je me suis concentrée à jouer un match à la fois.»
Pas son meilleur tennis
De son côté, Ons Jabeur n’a pas connu une bonne journée au bureau.
«Je n’ai pas joué mon meilleur tennis lors des deuxième et troisième manches, a-t-elle mentionné. Elle a commencé à être plus agressive.»
«Elle [Rybakina] a pris le contrôle du terrain en mettant beaucoup de pression sur moi. Je n’ai pas trouvé de solution pour cela aujourd’hui. Elle a très bien joué et elle méritait de gagner.»
Malgré la défaite, elle est fière de sa prestation durant sa quinzaine à Wimbledon.
«Je n’ai aucun regret. J’ai tout donné aujourd’hui [samedi]. J’ai perdu plusieurs finales au début de ma carrière. J’ai pris un pas de recul et j’en ai gagné une.
«Je vais continuer de croire en moi et je sais que je vais gagner un Grand Chelem un jour.»
Jabeur retournera en Tunisie pour quelques jours. Par la suite, elle reviendra en Amérique du Nord pour le début de la saison sur surface dure.
«Je vais possiblement participer au tournoi de San Jose. J’ai besoin de quelques points. J’ai confiance en mon jeu. J’ai hâte aux Internationaux des États-Unis. Ce sera incroyable et je suis positive par rapport à mes chances.»