Une canicule marine menace la Méditerranée
Agence France Presse
Certaines zones de la Méditerranée ont atteint cette semaine des températures supérieures de plus de 6°C à la normale pour cette période de l'année. Une canicule qui touche la mer depuis le mois de mai fait craindre pour les écosystèmes marins.
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Depuis deux mois, la Méditerranée occidentale subit une «grande vague de chaleur marine». C’est quatre à six degrés de plus que la normale.
Elle a démarré vers la fin du mois de mai en mer Ligure, située entre l’Italie et le nord de la Corse, puis s’est poursuivie en juin dans le golfe de Tarente, dans le sud-est de l’Italie, détaille l’océanographe pour le Mercator Océan International, Karina Von Schuckmann.
Cette organisation à but non lucratif basée à Toulouse rassemble les principaux instituts spécialisés en océanographie de France, d’Italie, d’Espagne, de Grande-Bretagne et de Norvège, en plus de piloter le service européen de surveillance des océans, le Copernicus Marine Service (CMEMS).
Cette semaine, la température de l’eau a atteint un pic de 30,7°C au large de la côte orientale de la Corse.
Les écosystèmes fragiles de la mer subissent l'équivalent d'un «feu de forêt marin». Ils pourraient être altérés de manière permanente par le réchauffement planétaire, préviennent les écologistes marins.
L'été 2022 devrait ainsi établir de nouveaux records en termes d'intensité et de durée de la canicule marine.
Danger pour les espèces
Plusieurs régions du sud de la France ont connu ce mois-ci des températures ambiantes record, ce qui, combiné à des vents faibles, a produit une couche d'eau de surface beaucoup plus chaude et plus profonde que d'habitude, mettent en garde les écologistes marins.
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«Une température de l'eau de 28°C ou 29°C peut sembler agréable pour les baigneurs, mais elle est inquiétante pour les écosystèmes de la Méditerranée», a fait savoir le journaliste spécialiste de l’environnement, Frédéric Denhez, à BFMTV.
Après les épisodes de canicules océaniques qui ont touché la Méditerranée en 1999, 2003 et 2006, de nombreux cas de mortalité massive d’espèces ont été observés.
Cette canicule peut en effet modifier la faune et la flore, entraînant des migrations d’espèces vers des eaux moins chaudes, une mortalité de masse ou une diminution de certaines espèces et l’apparition de nouvelles, détaille Karina Von Schuckmann, qui est aussi l’une des autrices des rapports du Groupe des experts de l’ONU sur le climat (GIEC).
Le professeur d’écologie marine à l’université Aix-Marseille, Charles-François Boudouresque, explique que des espèces provenant de Mer Rouge, entrées en Méditerranée orientale par le canal de Suez, se rapprochent des côtes françaises.
L’apparition du poisson-lapin et de la méduse géante Rhopilema pourrait «poser problème dans cinq à 10 ans», dit-il.
Le premier est «un herbivore extraordinairement vorace» qui «risque de court-circuiter les chaînes alimentaires normales». Déjà présent au large du Liban, sa prolifération en Méditerranée occidentale pourrait menacer les forêts d’algues qui servent de pouponnières à d’autres poissons.
La méduse géante provoque quant à elle des piqûres graves nécessitant une hospitalisation et la fermeture des plages, souligne M. Boudouresque.
Réduire les GES
Pour lutter contre ces canicules marines, «il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre», tranche Mme Von Schuckmann.
Mais, «même si on arrêtait aujourd’hui les émissions, les océans, qui stockent 90% de la chaleur du système Terre, continueraient à chauffer», précise-t-elle.
Ces vagues de chaleur marine ont déjà doublé en fréquence depuis les années 1980, selon le rapport du GIEC publié en août 2021.
Si la mer Méditerranée couvre moins de 1% de la surface océanique de la planète, elle abrite 18% de toutes les espèces marines connues, signale un rapport du réseau des experts méditerranéens sur le changement climatique (Medecc).
Elle présente déjà la plus forte proportion d’habitats marins menacés en Europe.
— Avec les informations du Guardian