Une boussole pour suivre l’état de la biodiversité au Québec en temps réel
Anne-Sophie Poiré
Vous remarquez une bestiole, un oiseau au plumage coloré ou une espèce de plante jusqu’ici inconnue lors d’une promenade en forêt? En partageant ces observations sur une base de données citoyenne, vous pourriez contribuer à mesurer les effets des changements climatiques sur la biodiversité au Québec.
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C’est en partie la mission que s’est donnée Biodiversité Québec avec sa nouvelle plateforme lancée jeudi, juste à temps pour la conférence des Nations unies sur la diversité biologique (COP15).
À la manière d’une boussole, elle vise à répertorier les espèces d’animaux, d’insectes ou de plantes présentes sur le territoire, puis à suivre de près les changements qui s’opèrent dans la biodiversité, comme la perte d’habitat ou la taille des populations animales.
«On cumule déjà 21 millions d’observations de plus de 2223 espèces faites par le grand public et nos équipes de recherche dans les 286 stations réparties à travers le Québec», souligne le professeur de biologie à l’Université de Sherbrooke et chercheur à Biodiversité Québec, Dominique Gravel.
Il reste toutefois du travail à faire, sachant que près de 40 000 espèces seraient présentes dans la province.
Cet outil est le résultat d’une dizaine d'années de recherches du Centre de la science de la biodiversité du Québec, de l’Université de Sherbrooke et du ministère de l'Environnement.
La contribution du public est essentielle
La plateforme sera nourrie au fil du temps par de nouvelles informations collectées sur le terrain. Et tout le monde peut y participer.
«Les citoyens ne peuvent pas inscrire leurs observations directement sur la plateforme, mais leur contribution est très importante, assure le professeur Gravel. On a utilisé beaucoup de données d’ornithologues ou d’observateurs de papillons amateurs.»
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Il recommande au public de noter les espèces rencontrées dans les applications comme iNaturalist ou eBird. «C’est là-dedans qu’on va puiser les données citoyennes», dit-il.
L’idée est d’informer tout le monde sur l’état de la nature en temps réel et à plus long terme: scientifiques, décideurs, activistes, journalistes, gardes de parc ou amateurs de fleurs sauvages. Et pas seulement au Québec, précise le chercheur.
Prédire la migration des espèces
«Notre base de données est plus large, on a 100 millions d’observations au total, précise le professeur Gravel. On a besoin de données en Ontario et aux États-Unis pour savoir quelles espèces de plantes ou d’animaux vont migrer au Québec avec les changements climatiques.»
Des exemples? «L’évolution de l’Urubu à tête rouge dans le sud de la province» illustre l’expert.
Le vautour, qui se nourrit presque exclusivement de carcasses d’animaux morts, migre avec le réchauffement climatique et la hausse du transport routier, qui augmente notamment le nombre de collisions avec les cerfs de Virginie. Les risques d’en croiser sont donc plus élevés.
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Il cite également les libellules qui progressent vers le nord du Québec, observées pour la première fois un peu avant la pandémie.
La recherche québécoise avait «grandement besoin» d’un tel système d’information, selon lui. Ne serait-ce que pour localiser certaines espèces vectrices d’infections, comme la tique porteuse de la maladie de Lyme, arrivée dans la province il y a une vingtaine d’années.
«Avec les données citoyennes, on a des millions d'yeux et d’oreilles pour prévoir quelles nouvelles espèces pourraient arriver dans la province [...] et leur impact sur la santé», résume M. Gravel.