[VIDÉO] Une autre intervention violente du SPVQ dans la même fin de semaine
Une autre arrestation, filmée elle aussi vendredi soir, montre un client du Portofino frappé à plusieurs reprises
Pierre-Paul Biron
La vidéo d’une autre arrestation musclée où l’on voit des agents du Service de police de la Ville de Québec frapper un homme au visage et aux côtes a fait surface sur le web. Fait troublant, cette intervention est survenue quelques heures seulement avant l’arrestation violente de Pacifique Niyokwizera, vendredi.
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Selon la victime, Jean-Philippe St-Laurent, c’est aussi l’escouade GRIPP du SPVQ qui a procédé à son arrestation entre 21h30 et 22h00 vendredi, au restaurant Portofino de Sainte-Foy. L’escouade est mandatée pour intervenir notamment dans les bars de Québec.
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L’homme de 29 ans se trouvait au restaurant avec des amis pour célébrer un anniversaire quand les policiers sont entrés pour vérifier les passeports vaccinaux des gens présents. L'un des individus présents à la table ne pouvait se trouver dans un bar en raison de conditions de justice et a été interpellé par les agents, selon M. St-Laurent.
«Je me suis interposé, parce qu’on était dans un restaurant et qu’il ne devait pas y avoir de problèmes pour ça. Je me suis obstiné un peu, je n’ai pas peur de le dire», confie l’homme, ajoutant que la situation a rapidement dégénéré.
«Il y en a un qui m’a ramassé sur la banquette et qui m’a lancé au sol. Ils m’ont sauté dessus pour me maîtriser», raconte-t-il.
Roué de coups
Jean-Philippe St-Laurent affirme s’être alors retrouvé le visage dans des éclats de vitre au sol. Il dit avoir paniqué et s’être agité «par instinct de défense, de survie».
«Et là, ils ont commencé à me frapper», soupire l’homme.
La vidéo filmée par un ami montre un policier lui asséner plusieurs coups de genou dans les côtes et, à au moins deux reprises, des coups de poing au visage. Clairement, Jean-Philippe St-Laurent s’agite et résiste, compliquant le travail des agents, mais il soutient avoir réagi par instinct.
«La seule chose que ton corps veut, c’est se protéger. [...] Je me suis vraiment senti en danger. Tout ce que je voyais, j’avais mon gilet sur la tête et je voyais une mare de sang. Je capotais», raconte la victime.
«À un moment, je me suis demandé s’ils allaient me tuer là. Je me faisais rouer de coups et tu ne sais pas quand ça va arrêter», ajoute-t-il.
Deuxième événement
Cette vidéo s’ajoute à celle de l’arrestation de Pacifique Niyokwizera, qui circule abondamment depuis le week-end. Les deux interventions, survenues à quelques heures d’intervalle, auraient été menées par l’escouade GRIPP, spécifiquement formée pour agir dans les bars et contre les gangs de rue.
Le service des communications du SPVQ a confirmé en journée mardi que cinq policiers avaient été suspendus en lien avec ce dernier événement et qu’une enquête interne serait ouverte pour faire la lumière sur l’intervention du Portofino.
#INTERVENTION | À la suite des événements survenus dans la nuit du 26 au 27 novembre 2021 et dans le cadre de notre enquête évolutive, la direction du SPVQ tient à communiquer la décision de suspendre 5 policiers impliqués dans les événements.
— Service de police de la Ville de Québec (@SPVQ_police) November 30, 2021
Au-delà de la force nécessaire
Pour des policiers à la retraite, il ne fait pas de doute qu’une enquête s’imposait après cet autre événement «qui soulève des questions», notamment sur le niveau de force nécessaire à employer.
«La force nécessaire, c’est variable. Ça peut être la voix, ça peut être une poussée, des coups, le poivre, le bâton et même dans certains cas, l’arme à feu. Oui, des fois, ça peut être un coup de poing sur la gueule ou un coup de genou, mais la question, c’est toujours: est-ce que c’était la force nécessaire pour se rendre maître d’une situation?» explique François Doré, retraité de la Sûreté du Québec.
«Dans ces cas-ci, je trouve qu’il y en a beaucoup pour un gars qui n’a plus l’air de beaucoup se débattre à la fin», ajoute-t-il.
Son homologue Guy Ryan a un avis similaire, qualifiant les coups de poing et les coups de genoux de «pas nécessaires».
«Tu n’as pas besoin de frapper dessus, ça ne change rien. Ils sont formés pour maîtriser les gens, ils ont des moyens de créer une douleur sans frapper dessus 15 fois, ils les connaissent, les techniques», indique l’ex-policier du SPVM, qualifiant surtout l’intervention de «routine».
«Si tu n’as pas le contrôle là, si tu perds ton sang-froid là, tu ne contrôleras jamais rien. Ce n’est pas une prise d’otage ou un cas de violence conjugale, c’est une intervention dans un resto.»
– Avec la collaboration de Marie-Pier Roy et de Nicolas Saillant