Une attitude «exemplaire» a aidé à convaincre le SKA

Nicolas Cloutier
La perspective d’un affrontement entre Ivan Demidov et Alex Ovechkin a contribué à convaincre Roman Rotenberg de libérer sa pépite, mais il y a un autre facteur à considérer. Le SKA de Saint-Pétersbourg a fait une fleur à un prodige qui a démontré une attitude exemplaire à travers énormément d’adversité.
Le vétéran journaliste de Sport-Express Alexey Shevchenko a été, comme plusieurs d’entre nous, soufflé d’apprendre que le SKA a laissé partir Demidov avant le 31 mai, mardi.
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«J’étais persuadé que le SKA ferait tout en son possible pour le garder, a confié le scribe dans un échange de messages privés. Mais Ivan voulait vraiment partir. Et il ne s’est jamais disputé avec la direction de l’équipe. Ce comportement exemplaire a été apprécié par l’organisation, qui lui a fait un cadeau.»
Un talent rare comme Demidov aurait pu perdre les pédales assez rapidement. À plusieurs occasions au cours de la saison, Rotenberg lui a enlevé du temps de jeu sans raison apparente et l’a même humilié en le faisant moisir sur le banc pendant un match complet. Rien qui n’a empêché «Vanya», de son surnom en Russie, de terminer la campagne au premier rang des pointeurs du SKA.
Demidov est différent des autres. L’attaquant s’est retroussé les manches et s’est contenté de contrôler ce qu’il pouvait contrôler. Il se doutait bien que la saison allait être compliquée avec sa situation contractuelle (lire ici, son entente avec le SKA qui venait à échéance au terme de la saison).
«Plusieurs jeunes individus, confrontés à des embûches, se mettent à pleurnicher, à se plaindre, à blâmer l’entraîneur, a poursuivi Shevchenko. Ivan ne s’est jamais plaint. Ils lui ont dit d’aller jouer en MHL [l’année de son repêchage] – il a joué. Ils lui ont dit d’aller en VHL – il a joué. S’il avait peu de temps de glace, il serrait les dents et il se mettait au travail. Ça, pour moi, ça s’appelle grandir.
«Ivan va juste écouter ce que les entraîneurs lui disent. On parle pour parler, mais si on lui demande de jeter les gants – il va le faire. Si on lui demande de jouer à la défense – il va le faire. Il a l’esprit ouvert.»
Du haut de ses 19 ans, Demidov a beaucoup de vécu. Ce n’est pas un détour par Laval la saison prochaine qui le perturberait. Il hausserait les épaules et enfilerait les bottes de travail.
«Il n’aura pas peur d’aller à Laval, jure Shevchenko. Il n’aura peur de rien. Si on lui demande d’apprendre le français – il va se mettre au travail.»
Un monde différent du nôtre
La relation entre le joueur et le journaliste n’a pas été un long fleuve tranquille. «On a eu un petit malentendu», avoue Shevchenko.
Ce dernier n’en demeure pas moins admiratif de la croissance dont il a été témoin chez Demidov sur le plan personnel.
«Cependant, je suis encore certain que c’était trop tôt pour lui d’aller dans la LNH», enchaîne-t-il à notre grande surprise.
Comme quoi, en Russie, la perspective est franchement différente de la nôtre. Alors que Montréal est prête à accueillir Demidov en héros, les propos de Shevchenko nous offrent une fenêtre sur l’humeur de certains des intervenants là-bas.
«Il y a beaucoup de pression à Montréal, tant de la part des spectateurs que des médias, note Shevchenko. Je serai heureux pour lui si tout fonctionne. Mais je suis un journaliste qui couvre la KHL. Je veux qu’Ivan joue en Russie.»
On lui donne des points pour l’honnêteté.
Comme Kaprizov?
Demidov a établi le record de points pour un joueur de moins de 20 ans dans l'histoire de la KHL. Les attentes énormes à son endroit sont justifiées par des faits, des statistiques irréfutables.
Peut-on s’attendre à un impact aussi immédiat que celui de Kirill Kaprizov? Dès son arrivée au Minnesota, Kaprizov a produit à un rythme d’un point par match et, la saison suivante, il empilait plus de 100 points.
«Ivan et Kirill ne peuvent être comparés, tranche Shevchenko. Kaprizov était une star de la KHL qui avait énormément d’expérience au niveau professionnel contre des adultes avant de quitter. Demidov a une saison dans la KHL derrière la ceinture, une saison incomplète. Et ils ont grandi dans des systèmes qui sont différents, ceux du SKA et du CSKA.
«Kaprizov a eu la chance de jouer à profusion et il composait avec la pression de décider de l’enjeu du match. Ivan était dans une équipe profonde qui regorgeait de joueurs d’expérience. Kirill est arrivé du Salavat Yulaev au CSKA comme un joueur établi et Ivan, dans le système du SKA, devait attendre pour obtenir sa chance.»
Ce à quoi on pourrait répondre: Demidov s’en est admirablement bien sorti même s’il n’a pas toujours eu sa chance.