Un remède pour dompter la COVID-19
Anne Caroline Desplanques | Journal de Montréal
Les Canadiens ont maintenant accès à un traitement contre la COVID-19 qui promet de désengorger les hôpitaux, puisqu’il s’agit de pilules à avaler à la maison qui empêchent le coronavirus de causer une grave maladie ou la mort.
Les autorités fédérales ont donné hier le feu vert au médicament Paxlovid mis au point par la pharmaceutique Pfizer.
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« Dans les études cliniques, ce qu’on a vu, c’est que ce médicament diminue de 88 % à 90 % les risques d’hospitalisation et de décès, c’est très significatif », se réjouit Alain Lamarre, professeur-chercheur spécialisé en immunologie et en virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).
Il s’agit d’un traitement antiviral, c’est-à-dire qu’il diminue la capacité du virus à se reproduire, et freine ainsi considérablement la maladie. Pour être efficace, il doit être pris dans les cinq jours suivant l’apparition des premiers symptômes.
Un cycle de traitement comprend trois comprimés à prendre deux fois par jour, pendant cinq jours, pour un total de 30 cachets.
« C’est une excellente nouvelle, a déclaré la Dre Theresa Tam, cheffe de l’Agence de la santé publique (ASPC). Je crois que les Canadiens devraient être très heureux de savoir que les traitements oraux antiviraux commencent à être accessibles au Canada. »
Elle a souligné que ce traitement ne permettra pas d’anéantir la vague actuelle d’Omicron à cause des stocks limités. Pfizer travaille à augmenter sa capacité de production. Mais, comme pour les vaccins, ceci prendra du temps.
Le Canada dispose seulement de 30 000 traitements pour le moment et 120 000 autres arriveront d’ici la fin du mois de mars, a indiqué le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos.
Un tournant
Néanmoins, ce remède a le potentiel de marquer un tournant dans la lutte contre le virus, estiment M. Lamarre et Benoît Barbeau, virologue, professeur au département de sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
« Ça va bénéficier à tout le monde si des gens sont traités et n’aboutissent pas aux soins intensifs », dit M. Lamarre.
« Ce qu’on vit en ce moment, c’est une crise au niveau hospitalier. Il est là, l’enjeu. Donc, limiter le nombre de personnes qui se retrouvent à l’hôpital, c’est très important », croit M. Barbeau.
Il souligne que Santé Canada a été « assez lent » à approuver ce médicament homologué avant les Fêtes aux États-Unis, en Israël, en Corée du Sud et en Europe. Ici, il aura fallu un mois d’analyse avant l’annonce d’hier.
« On était dû pour se donner plus d’options de traitement au Canada face aux symptômes graves de la covid-19, dit M. Barbeau. On a peut-être trop misé collectivement sur le fait que les vaccins pouvaient à eux seuls nous sortir de la pandémie. »
Pas pour tout le monde
« La vaccination demeure notre plan de match principal, ajoute le virologue. Mais ce traitement est un outil complémentaire au vaccin. L’un ne va pas sans l’autre. »
Cinq jours de Paxlovid coûtent cependant plus de 800 $, d’après les prix publiés aux États-Unis, et les stocks sont limités.
Donc les pilules ne seront pas distribuées à tous comme de banals comprimés d’acétaminophène. Seules les personnes qui risquent le plus de développer une forme grave de COVID-19 se les verront prescrire.
« On pense aux personnes vaccinées qui ne répondent pas bien à la vaccination, comme les gens immunosupprimés, ceux qui ont reçu une greffe, qui ont le VIH ou les personnes très âgées au système immunitaire vieillissant », explique M. Lamarre.
Huit questions sur le Paxlovid de Pfizer
Qui pourra se faire prescrire ce traitement en priorité ?
Les personnes les plus vulnérables et à risque de développer des complications, y compris les non-vaccinés. Plus précisément : les personnes sévèrement immunosupprimées, celles de 80 ans et plus dont le statut vaccinal n’est « pas à jour », et celles de 60 ans et plus résidant dans les régions rurales, dans des centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) ou dans une communauté autochtone.
Le Canada dispose de combien de doses ?
Le Canada a reçu un premier envoi de 30 400 traitements, hier. Il s’attend à en recevoir 120 000 de plus d’ici la fin mars. L’entente d’Ottawa avec Pfizer prévoit l’achat d’un million de traitements Paxlovid et des discussions sont en cours afin d’en obtenir davantage. Une autre entente avec Merck, dont le traitement reste à être approuvé, prévoit l’achat de 500 000 doses.
Quand le traitement sera-t-il disponible ?
Le produit pourrait se rendre aux patients dès cette semaine. Comme le premier envoi a été reçu hier, le ministre Duclos a indiqué que la distribution pouvait commencer « immédiatement ».
Comment le traitement est-il utilisé par le patient ?
Il s’agit d’une combinaison de deux comprimés de nirmatrelvir et un de ritonavir qui doivent être pris deux fois par jour pendant cinq jours consécutifs.
Dans quel contexte sera-t-il offert ?
Il faut avoir reçu un diagnostic positif à la COVID-19 pour recevoir une prescription. Les dépistages à partir de tests rapides pourraient être acceptés, en raison de la pénurie de tests PCR, selon la Santé publique fédérale.
Le traitement remplace-t-il le vaccin ?
Les autorités sanitaires insistent pour dire que le Paxlovid ne remplace en aucun cas la protection qu’offre le vaccin. « La vaccination et les mesures de santé publique demeurent les outils les plus importants pour prévenir les maladies causées par l’infection à la COVID-19 », selon le directeur du Bureau des sciences médicales à Santé Canada, le Dr Marc
Berthiaume.
Qui peut prescrire le traitement ?
Les médecins pourront faire une prescription pour Paxlovid. Le traitement ne sera pas en vente libre à la pharmacie. Québec doit bientôt préciser s’il compte donner le droit aux pharmaciens de prescrire le médicament.
Quel est le coût du traitement ?
Tout comme pour les vaccins, le gouvernement fédéral refuse de révéler le coût du traitement oral de Pfizer, citant les clauses de confidentialité qui le lient avec la pharmaceutique. Au Québec, les frais seront entièrement couverts par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).