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L'article provient de TVA Sports
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«Marc voulait casser mon contrat» : un ancien espoir du CH se vide le cœur

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Photo portrait de Nicolas Cloutier

Nicolas Cloutier

2021-12-01T12:00:49Z
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La nouvelle du congédiement de Marc Bergevin suscite de vives réactions jusqu’à Lausanne, alors qu'un ancien espoir des Canadiens de Montréal se questionne sur les méthodes de développement des joueurs durant l'ère de l'ex-directeur général.

Les liens de ce club suisse avec le Tricolore sont particulièrement nombreux. On y retrouve cinq anciens membres de l’organisation, sans compter l’entraîneur des gardiens Cristobal Huet et le directeur des opérations hockey... Petr Svoboda! 

Bien que Lausanne connaisse une saison couci-couça et que plusieurs aspects étaient à corriger à l’entraînement, Bergevin et le CH se sont glissés dans les conversations, lundi dernier, au lendemain de la grande annonce.  

«J’ai vu une publication sur Instagram qui disait que Patrick Roy devrait être le prochain DG des Canadiens. J’en ai parlé brièvement avec Michael Frolik», raconte Jiri Sekac au téléphone.

«J’en ai discuté un peu avec Tim [Bozon], mentionne de son côté Mark Barberio. Je ne suis pas complètement surpris. Ça faisait quand même presque 10 ans qu’il était là.»

Tant Sekac que Barberio avaient de bons mots pour leur ancien directeur général. 

«Il a toujours été honnête avec moi, indique Barberio, qui a signé une entente d'un an, à deux volets, avec le CH à l'été 2015. Il m’a donné une chance de jouer avec les Canadiens. Quand j’ai signé mon premier contrat à Montréal, il ne m’a rien garanti. J’ai eu un bon camp et il m’a dit que je devais aller à St. John’s pour le moment, mais que je reviendrais si je continue à bien jouer. Deux mois plus tard, il a tenu parole. Et j’ai fini par avoir un contrat à un volet.»

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«Nous avions une très bonne relation. Il est l’homme qui m’a donné l’occasion de jouer dans la LNH. Il était poli. Je n’ai jamais eu de problèmes avec lui, je comprenais que le hockey était une business», souligne Sekac, échangé par Bergevin après seulement 50 matchs avec les Canadiens en 2014-2015.

Le discours de Tim Bozon tranche avec celui de ses deux coéquipiers. Sa relation avec Bergevin est plus... «compliquée». Son histoire sonne l’alarme relativement à l’approche des Canadiens en ce qui a trait au développement des jeunes talents de l’organisation. Une approche que Geoff Molson a lui-même promis de changer.

«À peine deux ans après ma maladie, il ne voulait même plus de moi dans l'organisation. Il n'a pas été patient, il a voulu me larguer au lieu de me donner une vraie chance.» 

Voilà qui donne le ton.

ANDRE FORGET/QMI AGENCY
ANDRE FORGET/QMI AGENCY

Frôler la mort                 

Attaquant choisi au troisième tour lors du premier repêchage de Bergevin à la barre du CH en 2012, Bozon ne l’a pas eu facile. Au mois de mars 2014, il est frappé de plein fouet par une grave méningite qui le plonge dans un coma presque fatal et lui fait perdre 40 livres à l’hôpital.

Bozon tient à le souligner : l’événement a été géré avec classe par Bergevin, Trevor Timmins, Rick Dudley, Larry Carrière et Martin Lapointe. 

«C’est après que ça s’est un peu compliqué», enchaîne-t-il.

Après s’être remis de cet épisode éprouvant qui l’a forcé à recommencer à zéro, Bozon dispute une dernière année dans les rangs juniors à l’âge de 20 ans, avec le Ice de Kootenay dans la Ligue junior de l’Ouest. C’est l’année suivante, lors de la saison 2015-2016, qu’il fait le saut chez les professionnels en se joignant aux IceCaps de St. John’s. 

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Là, tout commence à partir en vrille. 

«Je me suis blessé dès le camp d’entraînement à une épaule, explique le Français. J’ai eu du mal à revenir de ça. Il y avait de la concurrence avec les choix au repêchage de 2013. J’étais souvent laissé de côté. On m’a envoyé dans l’ECHL. J’ai fait une année à l’hôtel. On ne m’a jamais permis de me trouver un appartement.

«Je me sentais vraiment sous pression.» 

Bozon finit néanmoins la saison en force dans la Ligue américaine, si bien qu’il sort gonflé à bloc de sa rencontre de fin d’année. 

«J’ai eu de bons retours de la part des dirigeants à St. John’s et de l’entraîneur-chef Sylvain Lefebvre. J’étais excité de m’entraîner l’été pour revenir et construire là-dessus.»

Un appel choquant                    

Prochain arrêt : le Championnat du monde de hockey, où il représente la France. 

«Je me suis blessé juste avant le début du tournoi et je n’ai pas fait bonne figure. Mais après ça, je reçois un coup de téléphone de mon agent [Rollie Thompson] comme quoi Marc ne me veut plus. Il ne veut même pas que j’aille au camp de développement en juin. 

«Il voulait en fait casser mon contrat.»

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Un appel qui a de quoi vous scier les jambes. 

«C’était la douche froide, confie Bozon. J’étais très, très surpris considérant les discussions que j’avais eues avec le staff, comme quoi j’avais bien fini et qu'ils avaient hâte que je revienne.»

Qui plus est, Bozon s’attendait à plus de patience de la part de l’organisation. Après tout, il luttait pour sa vie il y a deux ans, à peine. 

«On m’annonce ça après seulement 40 matchs dans la Ligue américaine, déplore-t-il. On ne voulait même pas que je vienne au camp d’entraînement en septembre, on m’a fait comprendre que je n’étais pas le bienvenu. 

«Moi, je me suis battu et j’ai dit que c’était hors de question.»

Bozon se rapporte au camp d’entraînement et tente de conserver une attitude exemplaire, bien qu’il doive piler sur son orgueil.

«Tous mes copains, tous les autres joueurs de l’organisation me demandaient pourquoi j’étais dans le groupe C, pourquoi je ne participais pas aux matchs intra-équipe. Plus tard, on m’a échangé [aux Panthers de la Floride], mais on ne m’a jamais donné une vraie opportunité avec les Canadiens.»

IceCaps de St. John's
IceCaps de St. John's

Des méthodes à changer?                   

On pourrait croire que Bozon est en croisade contre Bergevin et l'organisation du CH. 

Or, au téléphone, on sent ironiquement une certaine retenue dans son propos. Le Français cherche à peser ses mots tout en demeurant honnête.

«Je n'ai pas envie de dire du mal de l'organisation, ni de Marc», précise-t-il. 

Bozon prend toutefois la défense des espoirs repêchés par Trevor Timmins. 

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«Je pense que chaque année de repêchage, Timmins et les recruteurs faisaient du bon boulot pour sélectionner les meilleurs joueurs, mais après, c’est comment tu les développes, comment tu leur donnes de la confiance et du temps qui, je pense, pose problème.

«À mon année de repêchage, tout le monde parlait d’une cuvée vraiment forte avec Charles Hudon, Sebastian Collberg et Dalton Thrower, mais finalement, il n’y en a aucun qui a vraiment percé.

«Pareil après en 2013 et en 2014 avec les Scherbak, les McCarron, des joueurs avec un gros potentiel. Est-ce qu’ils ont été bien développés? Je pense que la question se pose.» 

Lors de son point de presse de lundi, Geoff Molson parlait de la nécessité de fournir des outils aux espoirs et de les soutenir dans le marché montréalais. 

«Il faut être patient et mettre les joueurs dans de bonnes conditions, fait valoir Bozon. Les faire jouer à leur plein potentiel et ne pas essayer de transformer des joueurs talentueux en plombiers.»

Un rêve de plus en plus inatteignable                   

Par souci d'objectivité, il faut mentionner que Bozon n'a jamais fait mentir le CH à la suite de son échange. 

Il n'a pas réussi à percer dans l'organisation des Panthers et il n'a jamais vraiment pris son envol en Europe par la suite. 

N'empêche, il est plus difficile de donner le bénéfice du doute aux Canadiens en matière de développement à la lumière de son histoire. 

À 27 ans, Bozon n'a toujours pas lâché le morceau. L'idée de jouer dans la LNH occupe encore ses pensées.

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«Tant que je suis joueur de hockey, je garde la foi, assure-t-il. C’est clair que je suis réaliste avec moi-même. C’est de plus en plus compliqué, je prends de l’âge, mais il y a des joueurs qui à 28, 29 ou 30 ans ont réussi à faire la LNH de nulle part. 

«Nous, on a un bon exemple en France, soit Pierre-Édouard Bellemare qui y est parvenu à 29 ans.»

Il y a également lieu de se demander si, n'eût été sa méningite, Bozon aurait atteint son plein potentiel.

«Il n'y a aucune raison pour laquelle je n’aurais pas goûté à au moins un match dans la Ligue nationale si je n’avais pas été malade, affirme l'attaquant des Bleus sur la scène internationale. Si je me compare aux joueurs au même moment dans le junior qui ont percé dans la LNH et qui ont du succès... je ne vois pas pourquoi, moi, je n'en aurais pas eu.

«J'ai joué avec Sam Reinhart. Contre Chandler Stephenson. Avec et contre Dryden Hunt, qui est avec les Rangers.

«Je peux en nommer tellement et je me dis : "Pourquoi pas moi?" À l'époque, au même âge, j'avais autant de succès, voire plus qu'eux.» 

N'empêche qu'avec des «si», on va à Paris. 

«J'essaie de ne pas trop y penser, parce que ça ne sert à rien, finalement, avoue le principal intéressé. Mais je me dis que c'est dommage, parce que j'aurais pu faire au moins quelques matchs, c'est sûr.»

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