Un projet télé pour un des romans de Michel Jean
Daniel Daignault
Il y a fort à parier que l’écrivain, journaliste et chef d’antenne de TVA, Michel Jean, connaîtra à nouveau le succès avec Qimmik, son nouveau roman. Il nous offre une histoire passionnante ayant pour toile de fond un drame qui a laissé des cicatrices profondes chez les Inuits: l’abattage de milliers de chiens d’attelage nordiques par les autorités policières dans les années 1960.
Au moment de notre rencontre, à quelques jours de la sortie de son nouveau roman, Michel Jean revenait de Paris pour le lancement de son romant précédent, Tiohtiá:ke, qui vient d’être publié là-bas. Le journaliste est d’ailleurs appelé régulièrement à se rendre à l’étranger pour accorder des entrevues, participer à des salons du livre ou à des rencontres. «Ça va bien en France, où Le vent en parle encore a été publié en format poche. Avec Kukum, on est rendus à 40 000 exemplaires vendus en France et à 195 000 au Québec. Il y a aussi de super beaux chiffres en Espagne, tout comme en Allemagne. C'est le fun!», lance-t-il.
Depuis que Kukum a été publié, en septembre 2019, on peut dire sans se tromper que la vie de Michel Jean a été chamboulée. Bien sûr, il est toujours chef d'antenne à TVA le midi, mais le succès de son roman a tout changé. C'est en 2008 qu'il a présenté, comme il le dit, son «premier vrai livre». «En toute franchise, je ne pensais jamais que mes livres auraient ce succès-là. Je n'écris pas toujours sur les questions autochtones; j'ai commencé à écrire sur ces questions-là en 2012, et c'est Kukum qui, d'une certaine manière, a changé ma vie. C'est seulement après ce livre que les gens ont découvert ce que j'avais écrit avant. Le meilleur exemple, c'est Atuk... On en avait vendu 1500 exemplaires et après Kukum, les chiffres ont monté jusqu'à 45 000 exemples. C'est la même chose pour Le vent en parle encore», ajoute-t-il, heureux de constater qu'il y a eu un effet d'entraînement et que les lecteurs ont voulu découvrir ses autres oeuvres. «Au-delà des chiffres de vente, tu as l'impression que ce que tu écris a une portée», commente-t-il.
Un projet multicouche
«J'ai la prétention d'écrire des romans à plusieurs couches. Tu peux lire Qimmik, mon nouveau livre, pour l'histoire d'amour qu'on y retrouve, pour le suspense et les meurtres, et tu peux le lire parce que tu aimes la nature et que ça se passe dans le Grand Nord. Mais le vrai thème du livre, c'est le massacre des chiens nordiques et comment le peuple inuit a été traumatisé. J'essaie de faire en sorte que les gens passent un moment lorsqu'ils la lisent.»
Michel s'est en quelque sorte posé en éveilleur de consciences avec ses romans portant sur les autochtones, sur des situations, des problèmes et des drames vécus au fil des ans. «Les Québécois sont un peuple extrêmement ouvert. Je m'en rends compte, je reçois chaque semaine des messages de gens qui me disent sensiblement la même chose: «Monsieur Jean, je viens de lire l'un de vos livres, et j'ai honte. Qu'est-ce que je peux faire?» Je les remercie de me lire et, en même temps, je leur dis qu'ils n'ont rien fait personnellement, mais que ce qu'ils peuvent faire est de se renseigner, de lire sur le sujet. Ils sont beaucoup plus ouverts que la classe politique et la classe médiatique. Ils découvrent, à travers mes livres, une partie de leur histoire, parce que c'est aussi l'histoire des Québécois et du Québec.»
Une deuxième vie
Les oeuvres de Michel Jean font des petits: Kukum, qui a été mis en lecture par Michel Poirier, est lu par Dominique Pétin au théâtre, et il y a aussi la série télé. «Il y a aussi un projet télé avec Tiohtiá:ke et un projet de film avec Le vent en parle encore. Et je ne peux pas encore te dire de qui il s'agit, mais on est en train de vendre les droits de Qimmik pour faire un film, et c'est moi qui va écrire le scénario», ajoute Michel.
Bref, les prochains mois, même les prochaines années seront passablement occupés pour Michel Jean avec tous ces projets et, bien sûr, son travail à TVA. «Je ne fais pas grand-chose d’autre que travailler, dit-il, loin de se plaindre. J’ai eu mes deux premières semaines de vacances en six ans au cours de l’été dernier. Ce que je fais, c’est ce que j’aime, alors ça ne me dérange pas, et je ne suis pas du genre à me stresser avec le travail. Mon plan est quand même de relaxer un petit peu plus à l’avenir, mais là, c’est comme une fusée! Quand la fusée décolle, ce n’est pas le temps de commencer à dire qu’on va couper les gaz! J’aime écrire: le matin, j’écris de 5h à 7h, puis je travaille sur le TVA midi. Je mange ensuite au bureau en préparant mes choses pour le lendemain. Puis, souvent, je prends mon portable et je vais m’installer dans un café pour travailler une heure ou deux avant d’aller souper à la maison.»
Vous ne serez sans doute pas surpris d’apprendre que l’écrivain a déjà commencé à travailler sur son prochain roman. «Ce n’est pas encore clair à 100 %, et avant de me lancer dans l’écriture, il faut vraiment que j’aie l’histoire en tête. J’ai le thème, je sais de quoi ça va parler, et j’ai commencé à construire l’histoire. Je n’écris pas vite; pour moi, faire un livre, c’est deux ans de travail. Comme pour Qimmik. Ça a pris du temps, il y a beaucoup de travail sur ce livre-là, parce que le Grand Nord n’était pas un territoire que je connaissais beaucoup. Je suis innu, pas inuit, ou inuk, comme on dit. J’ai fait de la recherche, j’ai regardé des documentaires sur le sujet et j’ai beaucoup lu.»
Un cadeau du ciel
Michel Jean avoue que ce n’est pas le succès qu’il connaît qui constitue sa plus grande fierté, ni les ventes de ses livres. «Tu vois, Kukum n’a jamais été en lice pour un prix littéraire au Québec, il n’a même pas été finaliste au prix du Salon du livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean.
Et pendant ce temps-là, Kukum était déjà finaliste pour deux prix en France, où ce sont des livres qui viennent de partout dans le monde qui sont retenus. Là-bas, les gens ne me connaissent pas, ni négativement ni positivement. J’ai gagné le prix France-Québec; j’en ai gagné six en tout, je crois, dont le dernier était celui du meilleur roman. Ça m’a fait plaisir, parce que c’était des gens qui ne me connaissaient pas et qui jugeaient objectivement le texte.»