Directeur de santé publique: un poste qui n’est pas reposant
Nora T. Lamontagne | Journal de Montréal
Le Dr Luc Boileau, nommé de façon intérimaire pour remplacer le Dr Horacio Arruda, aura besoin de sang-froid et d’une carapace à toute épreuve pour occuper le poste prestigieux, mais aussi casse-cou, de directeur national intérimaire de santé publique.
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« Ça prend énormément de courage pour travailler dans cet environnement », souligne d’emblée l’ex-ministre délégué à la Santé, David Levine.
Surtout que la tâche qui attend l’ancien président de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESS) s’annonce encore plus ardue qu’au début de la pandémie.
« À l’époque, il y avait moins d’enjeux politiques et électoraux. La population n’était pas encore frustrée, presque en révolte contre la pandémie », croit le gestionnaire de la santé à la retraite.
Critiques incessantes
Les 22 derniers mois n’ont pas été de tout repos pour le Dr Arruda.
Ce sont d’ailleurs les critiques incessantes et l’exposition médiatique qui l’ont usé, a avancé le premier ministre François Legault, pour justifier sa démission de la veille.
Le coloré fonctionnaire prendra un congé mérité avant de réintégrer le ministère de la Santé, a-t-il précisé.
Il conservera son poste de sous-ministre adjoint et la même rémunération.
Tout semble indiquer que le Dr Boileau, nommé à titre intérimaire, sera en poste au moins le temps de surmonter cette cinquième vague d’infections au coronavirus.
Le temps venu, le processus de nomination de son successeur sera chapeauté par le Secrétariat aux emplois supérieurs, qui fera sa recommandation au gouvernement.
Québec solidaire a demandé hier que cette future nomination soit entérinée par les deux tiers des députés, comme c’est par exemple le cas pour le directeur de la Sûreté du Québec. François Legault n’a pas voulu se prononcer sur cette possibilité.
Plus indépendant
Par ailleurs, plusieurs observateurs considèrent que le temps est venu de séparer le rôle du directeur national de santé publique de celui de sous-ministre adjoint au ministère de la Santé.
« [Le directeur] ne devrait porter qu’un seul chapeau, celui de scientifique, afin qu’on puisse distinguer les avis de la Santé publique des décisions parlementaires », estime le Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins.
Le Collège aimerait aussi voir les avis de la Santé publique « rendus publics et clairement communiqués ».
D’autres rêvent de voir le prochain directeur faire des points de presse séparément et être conseillé par une équipe d’experts indépendants.
« Ces gens-là n’ont pas peur de déplaire, d’amener de mauvaises nouvelles, ou de dire que ce qu’on a en ce moment ne marche pas », soutient l’analyste indépendant de politiques publiques, Patrick Déry.
En conférence de presse, M. Legault a toutefois mis un frein à ces ardeurs.
CINQ CANDIDATS POUR REMPLACER ARRUDA
Dre Mylène Drouin
Directrice régionale de santé publique de Montréal
POUR
La proactivité de la docteure Mylène Drouin, à la tête de la Santé publique de Montréal, a été grandement saluée par les analystes depuis le début de la pandémie. Sa candidature est appuyée par plusieurs médecins montréalais. En entrevue à Radio-Canada hier, elle n’a pas démenti son intérêt envers le poste.
CONTRE
Le gouvernement pourrait préférer mettre à profit ses talents dans la métropole, qui a souvent été l’épicentre de la pandémie au Québec. La direction de santé publique de Montréal offre, paradoxalement, plus de liberté que le même poste au niveau provincial, note une source.
Dre Joanne Liu
Pédiatre urgentiste
POUR
Pédiatre, sommité et ancienne présidente internationale de Médecins sans frontières, Joanne Liu a une impressionnante feuille de route où figure la gestion de catastrophes naturelles et de l’épidémie d’Ebola. Plusieurs aimeraient la voir jouer un rôle actif dans la gestion de la pandémie au Québec, alors qu’elle a été écartée par le passé.
Hier, la Dre Liu a écrit au Journal préférer «laisser la poussière retomber» après le départ du Dr Arruda, sans confirmer ou infirmer qu’un tel poste l’intéresserait.
CONTRE
La Loi sur les services de santé et les services sociaux indique que le directeur ou la directrice nationale de santé publique doit être un spécialiste en santé communautaire.
Dr Luc Boileau
Ex-président de l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux
POUR
Peu d’autres candidats auraient pu remplacer le Dr Arruda au pied levé comme il l’a fait. Selon sa gestion de la prochaine vague, le gouvernement pourrait lui offrir le poste à plus long terme.
CONTRE
Peut-être lui a-t-on demandé de prendre la relève du Dr Arruda seulement pour éteindre des feux en attendant que la pandémie se stabilise.
Dr Alain Poirier
Directeur régional de santé publique de l’Estrie
POUR
Il a été le prédécesseur du Dr Horacio Arruda comme directeur national de santé publique de 2003 à 2012. Il occupe cette fonction à titre intérimaire en Estrie.
CONTRE
Après une carrière de 35 ans en santé publique, le Dr Poirier a confié à la station 107,7 Estrie, il y a deux semaines, avoir un « engagement verbal avec un autre projet », sans en préciser la nature.
Dr Richard Massé
Ex-conseiller médical stratégique à la direction générale de santé publique
POUR
Longtemps considéré comme le bras droit du Dr Arruda, il pourrait être l’un de ses successeurs logiques. Il a aussi occupé les fonctions de Directeur national de la santé publique de 1998 à 2003.
CONTRE
Le Dr Massé a quitté ses fonctions de conseiller médical en août dernier en raison de problèmes de santé, rapportait Radio-Canada. Il comptait néanmoins continuer à travailler sur certains dossiers au ministère.
Hier, tard en soirée, il a cependant confirmé par écrit au Journal qu’il ne souhaitait pas retrouver ses fonctions de directeur national.
– Avec Marc-André Gagnon