La fierté d’un pilote d’avion-citerne après une saison des feux de forêt complètement folle
Le travail acharné des combattants du feu a permis d’éviter le pire


Dominique Lelièvre
Fierté et reconnaissance, voilà les sentiments qui habitent Sébastien Marquis, pilote d’avion-citerne, pour le travail acharné accompli cet été, alors que le pire semble avoir évité malgré des feux de forêt qui ont pulvérisé tous les records.
«Ça a été très exigeant. Déjà, de voler l’avion, c’est assez physique. Puis on l’a volé beaucoup cette année», souligne le quinquagénaire, qui travaille depuis plus d’une dizaine d’années au Service aérien gouvernemental, responsable d’opérer les avions-citernes.
La saison a commencé tôt et aura tenu en haleine les combattants du feu tout l’été, affectant près de 5,3 millions d’hectares de forêts sur le territoire québécois à ce jour. C’est l’équivalent de plus de 100 fois la superficie de l’île de Montréal.

«Ce qui est arrivé, c’est qu’on a eu un nombre important de feux qui ont démarré en même temps. À un moment donné, on ne pouvait tout simplement pas travailler sur tous ces feux-là [en même temps]», relate le commandant, qui est également pilote instructeur et assistant-chef pilote.
Le pire évité
Que ce soit en zone de protection intensive, dans le sud du Québec, ou en zone nordique, «aucune saison connue ne se rapproche, ni de près ni de loin, à la saison 2023», confirme Stéphane Caron, coordonnateur à la prévention et aux communications à la SOPFEU.
Malgré cette situation exceptionnelle, le travail acharné des pilotes et des pompiers semble nous avoir évité le pire.
Les feux de forêt au Québec n’ont fait aucune victime, et bien que les flammes ont menacé «très sérieusement» plusieurs municipalités et communautés autochtones, aucune n’a été touchée, selon M. Caron. Les infrastructures névralgiques ont été préservées.

«Les feux qu’on avait généraient énormément de fumée. Les conditions étaient quand même assez difficiles. Ça a été une grosse saison de ce côté-là. Moi, je suis fier [de tout] le groupe de pilotes», dit Sébastien Marquis, qui calcule avoir volé déjà plus de 200 heures cette année, dont 100 à 150 à combattre les incendies.
Il a été appelé à travailler notamment au Saguenay–Lac-Saint-Jean, à Lebel-sur-Quévillon, dans le secteur La Grande, et au nord de Chibougamau.
Reconnaissant
«Il n’est pas arrivé d’événement [majeur], on est quand même assez reconnaissant et des fois même un peu surpris», lance-t-il, tout en saluant «le travail d’équipe» essentiel avec les pompiers au sol, les pilotes d’hélicoptère, les techniciens, ainsi que le personnel de soutien et de bureau.
Le Québec compte 14 avions-citernes, qui sont manœuvrés par une quarantaine de pilotes. M. Marquis souligne leur dévouement, alors que l’horaire typique est de 15 jours de travail, pour trois journées de congé.
«Donc pendant 15 jours, les pilotes peuvent partir sur une base au Québec ou à l’extérieur du Québec. [...] C’est certain qu’il y a des sacrifices familiaux à faire», dit-il.
«Cet été, ça a été peut-être un petit peu plus intense, parce qu’on est sortis beaucoup plus sur la route.»
Un largage aux deux minutes
Lors des missions de combat contre les incendies, il n’y a pas de temps à perdre.
«Quand on part en mission, on a quatre heures de carburant au feu. On fait quatre heures de mission au feu, puis on revient. On prend une pause, on mange, puis on repart pour un autre quatre heures, puis on vient à la maison», indique Sébastien Marquis.

Les réservoirs de l’appareil n’ont besoin que de 10 à 12 secondes pour avaler plus de 6000 litres d’eau. Au rythme d’un largage toutes les deux minutes, «on peut faire plus de 120 largages, facilement, en deux périodes de quatre heures par appareil», dans une seule journée.
En règle générale, on envoie au minimum deux appareils, qui ont chacun un équipage de deux personnes. Ces derniers doivent au préalable s’assurer de la présence d’un lac à proximité, que ce dernier est sécuritaire, et détecter tout obstacle dans l’environnement qui pourrait représenter un danger.
Risque «calculé»
Vols à basse altitude, virages serrés, visibilité réduite par la fumée, météo changeante: le pilotage d’avion-citerne exige habileté et précision. C’est pourquoi tous les pilotes doivent avoir une licence de pilote de ligne et une expérience d’aviation de brousse, avant de s’engager dans la lutte contre les incendies de forêt, explique M. Marquis.
De plus, les pilotes suivent un entraînement à chaque début de saison et s’exercent à une foule de situations en simulateur de vol. «Je vous dirais que oui, c’est un métier qui, quand même, comporte une certaine forme de danger, mais par contre, c’est un danger qui est calculé. Nous avons des procédures d’opération qui sont standardisées.»

Vers une nouvelle ère?
En juin, le premier ministre, François Legault, a ouvert la porte à investir davantage dans l’adaptation aux changements climatiques et à l’achat d’appareils supplémentaires.
Selon Sébastien Marquis, même si le Québec a «une des plus grosses flottes d’avions-citernes» et «un des groupes de pilotes les plus expérimentés» en Amérique du Nord, la question se pose effectivement.
«[Est-ce que] ce qu’on a vécu cette année, c’est [la] prémisse de quelque chose qu’on va revivre? Au lieu de le vivre une fois aux 40 ans, on va le vivre une fois aux 10 ans? [...] Je pense qu’il faut qu’il y ait une analyse qui soit faite», dit-il.
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