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L'article provient de Le Journal de Montréal

Paxlovid: un nouveau médicament antiviral très efficace contre la COVID-19

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Photo portrait de Richard Béliveau

Richard Béliveau

2021-11-15T05:00:00Z
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Un inhibiteur de protéase spécifique au coronavirus SARS-CoV-2, le Paxlovid, montre une activité clinique remarquable avec une diminution de 90 % des hospitalisations causées par la COVID-19.

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Les vaccins contre la Covid-19 ont permis de diminuer drastiquement les ravages causés par la pandémie. Mais il est difficile, voire presque impossible, de vacciner tout le monde (surtout à l’échelle mondiale) et le virus en profite pour continuer à se répandre, avec plus de 300 000 cas diagnostiqués chaque jour à l’échelle mondiale. 

Il semble donc de plus en plus certain que la découverte de moyens additionnels de freiner le virus sera nécessaire pour mettre définitivement un terme à la mortalité causée par cette pandémie. 

Inhibiteurs de protéase

Les virus sont des parasites obligatoires, qui doivent utiliser la machinerie enzymatique de nos cellules pour fabriquer les protéines qui leur permettent de se reproduire. Dans le cas du coronavirus, ce sont 29 protéines qui sont nécessaires à son cycle d’infection, dont quatre sont responsables de structure extérieure, incluant le fameux spicule qui lui permet de se lier au récepteur ACE2 et de pénétrer dans la cellule. 

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Les autres protéines non structurales, elles aussi absolument essentielles à la réplication du virus, sont quant à elles synthétisées sous forme de longues chaînes où les protéines sont liées entre elles à la queue leu leu. 

Ces chaînes de polyprotéines sont par la suite découpées par une protéase virale, ce qui génère une série de protéines plus petites qui deviennent alors aptes à accomplir leurs rôles dans le cycle de reproduction du virus. 

Cette étape de maturation représente une cible de choix pour le développement d’agents antiviraux, car en bloquant l’activité de la protéase, on empêche du même coup la production d’un grand nombre de protéines essentielles à la survie du virus.

C’est d’ailleurs ce principe qui est à la base des médicaments modernes contre le sida et l’hépatite C, des thérapies très efficaces et sécuritaires qui ont complètement révolutionné le traitement des patients touchés par ces maladies.

Inhibiteur spécifique

En 2003, les scientifiques de Pfizer avaient rapidement identifié un inhibiteur spécifique de la protéase du SRAS-CoV-1, responsable de l’épidémie de SRAS qui avait fait rage l’année précédente. La fin assez abrupte de l’épidémie (ce virus était beaucoup moins contagieux que son cousin actuel) a cependant mis un terme au développement clinique de ce médicament.

Presque 20 ans plus tard, cependant, il semble bien que ces efforts n’aient pas été vains : après quelques modifications moléculaires apportées à la molécule pour améliorer sa biodisponibilité orale, ils ont obtenu le composé PF-07321332 (appelé Paxlovid par la compagnie). 

Cette molécule possède une forte activité inhibitrice contre la protéase principale (Mpro) du coronavirus SARS-CoV-2 et démontre une forte activité antivirale1. De plus, une étude de phase 1 a montré que l’administration du médicament à des volontaires humains permettait d’atteindre des concentrations plasmatiques suffisantes pour bloquer la protéase in vivo. 

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Les résultats d’une étude de phase 3, réalisée auprès de patients présentant des facteurs de risque de complication de la Covid-19, viennent d’être annoncés par la compagnie et sont tout à fait spectaculaires : le traitement au Paxlovid a diminué de 89 % les hospitalisations lorsque le médicament est administré dans les trois premiers jours suivant l’apparition des symptômes de Covid-19 et de 85 % lorsqu’administré dans les cinq premiers jours. La supériorité du traitement comparativement au placebo était si importante que l’étude a été terminée prématurément pour des raisons éthiques.  

Globalement, si on examine l’ensemble des patients traités (trois et cinq jours post-symptômes), les données montrent que neuf personnes ont été hospitalisées et qu’il n’y a eu aucun décès sur un total de 996 patients, comparativement à 68 patients hospitalisés et 10 décès dans le groupe de 997 patients ayant reçu le placebo.

Cette protection est supérieure à celle observée (50 %) pour un autre antiviral, le molnupiravir, possiblement parce que le Paxlovid a été désigné spécifiquement contre la protéase du coronavirus, tandis que le molnupiravir est un antiviral plus général, initialement développé contre le virus de la grippe. 

Quelques points additionnels méritent d’être soulignés :    

  1. l’administration orale du Paxlovid permet une plus grande flexibilité dans son utilisation que d’autres médicaments qui doivent absolument être donnés aux patients à l’hôpital, en intraveineuse (les anticorps monoclonaux, par exemple) ;    
  2. la protéase virale ciblée par le Paxlovid est une protéase à cystéine qui possède un mode d’action unique, absente chez l’humain (coupure de la chaîne peptidique après l’acide aminé glutamine), ce qui limite les effets secondaires potentiels ; et    
  3. si l’on compte l’année nécessaire à l’identification de la molécule en 2003, les chercheurs n’ont eu besoin que de trois ans au total pour faire passer le médicament de l’éprouvette au chevet des patients, un exploit unique dans l’histoire de la biochimie pharmacologique.      

En somme, ces résultats suggèrent que l’administration de ce médicament à des personnes présentant des symptômes de Covid pourrait prévenir jusqu’à neuf hospitalisations sur dix et pratiquement éliminer les décès liés à la maladie. Il s’agit évidemment de résultats remarquables, qui pourraient représenter un tournant dans notre lutte face à la pandémie.


1. Owen DR et coll. An oral SARS-CoV-2 M pro inhibitor clinical candidate for the treatment of COVID-19. Science, publié le 2 novembre 2021.

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