Last of Us Part II: le jeu qui a le plus testé mon endurance psychologique
Kazzie Charbonneau
Un jeu doit-il absolument être plaisant? Parce que The Last of Us Part II, c'est tout sauf une partie de plaisir et pourtant, ça demeure un jeu excellent. Mais durant ma critique, j'ai passé des semaines à trainer la lourdeur du jeu avec moi. Peut-être que la situation mondiale actuelle a également joué un rôle. Un jeu n'a jamais autant testé mon endurance psychologique. Si c'était l'objectif de Naughty Dog, mission accomplie.
La suite très attendue du jeu The Last of Us est sur le point d'arriver. Les gamers patientent depuis maintenant 7 ans, et le développement de Last of Us Part II a été tout sauf doux, surtout récemment. Le studio Naughty Dog a été la cible de fuites majeures qui concernent le synopsis du jeu plus tôt cette année, et les malheurs ne se sont pas arrêtés là: les membres de l'équipe ont dû fermer leurs sections commentaires sur les médias sociaux en raison des trolls qui s'amusaient à spoiler le jeu aux autres. Le jeu a aussi été repoussé à plusieurs reprises. C'est un lancement assez houleux.
Je n'ai vu qu'un seul spoiler concernant The Last of Us Part II avant de mettre la main sur la cassette. Ce spoiler m'est tombé dessus totalement par accident alors que je lisais la page Google News sur mon téléphone; un auteur avait mis l'information qui a fuité dans le titre. Quel cornichon. Je ne veux pas vous faire ça, alors cette critique sera majoritairement sans divulgâcheurs. Sachez cependant que je ferai des références aux événements dévoilés dans les bandes-annonces et diffusions officielles. Je vais également parler du premier jeu, alors, allez finir ce chef d'oeuvre et revenez-moi.
Court synopsis sans divulgâcheurs
Ellie est fâchée, et veut se venger. Peu importe le danger sur son chemin, elle a un objectif très clair en tête et elle détruira tout sur son chemin pour s'y rendre. Je m'attendais à une belle histoire de vengeance et de belles opportunités de gameplay furtif. Ce que j'ai eu: des palpitations cardiaques, des cauchemars et une énorme fatigue psychologique.
Et puis, as-tu aimé ça?
J'anticipe depuis des semaines cette maudite question-là. Car, pour la première fois de ma carrière, je suis incapable de répondre d'un simple « oui » ou « non ». Les deux réponses viennent avec leur lot d'explications, car The Last of Us Part II est le jeu qui m'a le plus fait philosopher. Pas juste réfléchir, mais vraiment tout remettre en question sur le rôle d'un jeu vidéo et le storytelling.
Quand je dis que j'ai vécu une fatigue psychologique avec The Last of Us Part II, c'est peut-être aussi car j'y ai joué des sessions de 7-8 heures sans bouger du divan, comme j'ai joué au premier. Part II est si drainant émotionnellement qu'il est plus apprécié en courtes sessions.
Oui c'est un bon jeu. Non, je n'ai pas toujours aimé ça. Mais ça n'enlève rien au jeu. Les raisons pour lesquelles je n'ai pas toujours aimé l'expérience du jeu font en sorte que c'est une réussite, selon moi. C'est mélangeant, mais vous allez comprendre.
C'est bon pour le moral! NOT.
Parlons des effets du jeu sur mon état mental. J'avais un énorme enthousiasme face à The Last of Us Part II, le premier étant l'un de mes jeux préférés. Le jeu est très familier au début et même doux; on voit beaucoup de moments de tendresse entre des personnages qui s'aiment. La menace des infectés est toujours très présente, mais le monde va bien.
Mais, il y a un élément déclencheur qui fera vivre un enfer à Ellie, le personnage principal. Fini la tendresse, elle est désormais aveuglée par une rage incontrôlable. Et Naughty Dog vous fera vivre chaque seconde de l'enfer d'Ellie.
Les jeux violents, j'aime ça. J'y suis habituée. Mais, ce n'est pas que dans les scènes violentes que Last of Us Part II est venu me brusquer; c'est dans son ensemble. Le jeu est tellement rempli de haine et de rage que celles-ci crèvent l'écran. C'est un peu comme si la scène de torture de GTA V durait 20 heures au lieu de 5 minutes. C'est l'équivalent d'un film de Lars Von Trier interminable. On ne voit pas la lumière au bout du tunnel. J'ai dû prendre de nombreuses pauses tellement j'étais tannée de me sentir comme de la merde.
Ellie rencontrera plusieurs clans dangereux dans sa mission, en plus de croiser les infectés qui sont plus effrayants que jamais. Mais la leçon qu'on apprend avec Last of Us, c'est que dans un univers postapocalyptique, ce sont les humains dont il faut avoir peur.
The Last of Us Part II tente, à travers toute cette noirceur, de faire comprendre au joueur qu'Ellie et ses adversaires sont tous dans le même bateau. Il n'y a pas de bonnes personnes; ni de personnes totalement mauvaises. Ce sont des gens pris dans une situation extrême. Le jeu tente de faire une leçon d'empathie ici, mais ultimement, je trouve l'exercice un peu futile. À moins de jouer totalement en mode furtif, on traverse le jeu en tuant plein de gens, pourquoi montrer le côté humain de seulement quelques ennemis?
On sent, tout au long du jeu, que la mission d'Ellie mènera tout simplement à encore plus de haine et de colère. C'est ce manque d'optimisme qui a tant pesé sur mon état mental; j'étais tout simplement épuisée. Rares sont les fois où j'arrête un jeu en me disant « OK, je ne suis plus capable ». Ça semble dramatique, mais c'est aussi une excellente preuve, selon moi, que Neil Druckmann a réussi à construire le jeu qu'il voulait. Pour venir chercher un joueur dans le plus profond de son âme, il faut qu'un jeu dans son ensemble soit puissant à travers son histoire, le gameplay, l'environnement, le design, la scénarisation et le voice-acting.
La rage d'Ellie est au coeur de Last of Us Part II; on se sent coincé au bal des finissants avec Carrie White. C'est une expérience assez unique.
Ok mais, le jeu. Parle du jeu.
Côté mécaniques, le jeu apporte d'excellentes améliorations, notamment au niveau du mode furtif. Ellie peut maintenant ramper dans le gazon, nager, se cacher sous l'eau et elle peut améliorer son mode écoute avec des mises à niveau. Elle peut également esquiver des attaques; une option fort utile dans des combats contre des infectés motivés. Maîtriser l'esquive, c'est un peu comme apprendre une nouvelle danse, mais je vous suggère fortement de l'utiliser car vos ennemis sont plus imprévisibles que dans le premier jeu.
Vous allez être en mesure de construire votre gameplay selon vos préférences. Personnellement, j'aime bien lancer des cocktails Molotov contre des infectés. Dans une zone ennemie cependant, contre des méchants humains, je préfère y aller en mode furtif et traverser la zone sans être détectée. Le bricolage est de retour aussi; vous allez pouvoir faire des mise à niveaux de vos armes et vos techniques de combat.
L'IA est visiblement meilleure, aussi. Vos adversaires sont intelligents et ne vous oublient pas aussi vite qu'avant. Ils vont vous chercher, peu importe où vous êtes. Certains ont aussi des chiens, qui pourront suivre votre odeur et vous mettre dans le pétrin. Ces chiens sont assez paniquants: ils vous suivent longtemps, et il est difficile de s'en enfuir.
Les éléments de la ville de Seattle sont impressionnants. La pluie torrentielle, la nature qui perce chaque rue délabrée et les immeubles complètement démolis font tous en sorte que la mission d'Ellie est ardue et remplie d'obstacles. Visiblement, Naughty Dog souhaitait voir les joueurs explorer ces lieux. Vous serez bien récompensé (en objets) si vous décidez de vous aventurer un peu plus loin que nécessaire. Parfois cependant, ça voudra dire plus de combat.
Le chemin est aussi beaucoup moins linéaire que dans le premier jeu. À Seattle, on a presque le sentiment d'un petit Open World. Même si le jeu vous guide subtilement vers les bons endroits, vous pouvez choisir de visiter certains objectifs sans suivre d'ordre précis. Et parfois, il y a plus d'une façon pour se rendre au même endroit. C'est une belle amélioration du premier jeu qui était parfois trop strict et linéaire.
Le design sonore est excellent dans Last of Us Part II. Avec des écouteurs, j'entendais parfois des crapauds, ou le bruit de la pluie sur une fenêtre. Naughty Dog a mis beaucoup d'efforts pour que l'expérience soit totalement immersive et en partie grâce au son. Mais, en jouant sur la PS4, j'étais obligée de porter des écouteurs car la console faisait autant de bruit qu'une fusée. Je crois que l'expérience serait beaucoup plus plaisante sur une PlayStation 4 Pro.
J'ai rencontré quelques bogues déplaisants, quand même. J'entendais dans mes écouteurs un son de « clic, clic, clic » lors des premières scènes du jeu. Après quelques heures, c'est disparu. Le cheval aussi est parfois vraiment difficile à contrôler surtout lorsque l'on souhaite jouer un peu avec les caméras. Même chose pour les échelles; touchez pas à la caméra, le jeu va se fâcher.
Il est quand même important de noter les nombreuses options d'accessibilité pour le jeu. Ce dernier a été testé par des non-voyants avec les améliorations sonore; c'est tout un exploit. Avec mon daltonisme, j'ai utilisé quelques fonctions pour améliorer mon expérience aussi. Consultez le menu accessibilité, c'est vraiment impressionnant.
Est-ce que je recommande The Last of Us Part II?
Oui, tout comme je recommande Martyrs de 2008. Ces deux suggestions viennent avec un avertissement: attendez-vous à beaucoup d'inconfort. Il faut être préparé; The Last of Us Part II n'a rien de doux. Il est brutal, choquant et acharné, et c'est fait délibérément. Même les moments plus calmes sont hantés par une lourdeur.
Chaque action prend du temps et on sent la fatigue physique et psychologique des personnages. Est-ce le genre de sentiment que l'on veut en jouant à un jeu?
Malgré l'expérience, l'histoire demeure fascinante et le gameplay, surtout en mode furtif, demeure solide.
The Last of Us Part II ne laissera personne indifférent. Le jeu arrive le 19 juin sur PlayStation 4.