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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

Un discours de Poutine plus conspirationniste que sensé

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Julien Corona

2022-10-03T20:00:00Z
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** Avertissement: certains propos retranscrits dans cet article peuvent choquer. ***


Bien avant le début de l’agression russe en Ukraine en février, les accros de la conspiration n’avaient d’yeux que pour Poutine. C’est que les discours du dictateur russe et des cliques conspirationnistes se rejoignent désormais énormément.

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La haine des valeurs libérales est à la base des discours du dictateur russe. C’est aussi souvent le cas pour les propos des membres de groupes assez larges, allant d’anonymes sur internet à certains commentateurs de la chaîne américaine Fox News.

  • Écoutez l'entrevue avec Michel Roche, spécialiste de l’URSS à l’émission de Richard Martineau diffusée chaque jour en direct 9 h 05 via QUB radio : 

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Après le discours du vendredi 30 septembre qui formalisait l’annexion des quatre régions ukrainiennes, comparons certaines «affirmations» conspirationnistes avec les propos récents, retranscrits ici en français, du président russe.

AFP
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Sur le droit de la Russie à défendre «ses terres»

«Nous défendrons notre terre avec tous les pouvoirs et moyens à notre disposition», explique le président russe, dans son discours parsemé de références à la défense de «terres historiques».

«Le champ de bataille auquel le destin et l’histoire nous ont appelés est le champ de bataille de notre peuple, de la grande Russie historique», ajoute-t-il.

«Je veux que les autorités de Kïyv et leurs vrais maîtres en Occident m’entendent pour qu’ils s’en souviennent. Les habitants de Lougansk et de Donetsk, de Kherson et de Zaporijjia, deviennent nos citoyens», conclut-il sur le sujet.

Les milieux conspirationnistes d’ici et là partagent les mêmes lignes de ce discours. L'une des personnalités le plus souvent reprises pour illustrer cette affirmation est l'activiste néonazi américain, proche de la représentante Marjorie Taylor Greene, Nick Fuentes.

Il justifie souvent le droit de la Russie de reprendre le contrôle de «ses terres» et de «libérer l’Ukraine». Il est même allé hier jusqu’à se réjouir des récentes «annexions» russes.

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Sur les valeurs occidentales

La désignation de l’Occident comme ennemi amène certains commentateurs à pointer du doigt la radicalité du discours de Poutine.

Le président russe, dans son discours du vendredi 30 septembre, avance que nous [l’Occident] «sommes passés à un déni radical des normes morales», ajoutant que «c’est un renversement de la foi» prenant la forme d’un «pur satanisme».

Il continue: «Voulons-nous vraiment avoir parent numéro un et parent numéro deux, qu’il y ait soi-disant des genres en plus des femmes et des hommes, et que les enfants aient la possibilité de subir des opérations de changement de sexe?»

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L'affiliation des valeurs occidentales modernes au satanisme n'est pas nouvelle dans l'intelligentsia russe. Elle a néanmoins été l'un des éléments de langage les plus repris tout au long de la journée du 30 septembre à Moscou.

Ces propos ressemblent à ceux étant à la base du discours de QAnon. Pour les adeptes de «Q», nos dirigeants en Occident font tous partie d’une grande «cabale pédosatanique» cherchant à dominer le monde et à contrôler nos faits, nos gestes et nos pensées. Des dirigeants comme Donal Trump ou Vladimir Poutine seraient alors les seuls à s'opposer à cette infamie.

La mouvance est aussi reconnue pour son discours transphobe des plus virulents. Différentes analyses ont montré, depuis l'éclosion du culte, que les causes LGBTQ+ sont associées à la cauchemardisée «cabale pédosatanique» qui gouvernerait le monde. 

Sur «les biolaboratoires»

Au début de la guerre, différents dignitaires, comme le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov, parlèrent de la menace que représentent pour la Russie les présumés biolaboratoires militaires américains en Ukraine.

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Poutine a reformulé hier cette accusation en expliquant que «[les Anglo-Saxons] appellent de “nobles recherches médicales” les ordres et les menaces qu’ils donnent, à leurs vassaux euroatlantiques, pour travailler à la création d’armes biologiques en utilisant des sujets de test humains, comme en Ukraine».

QAnon, ses disciples et des commentateurs d’extrême droite américaine ont eux aussi été extrêmement vocaux à ce sujet. C’est même l’une des théories conspirationnistes majeures utilisées pour justifier l’agression russe en Ukraine.

Rentre alors en jeu le présentateur américain Tucker Carlson. Animant l’émission Tucker Carlson Tonight sur Fox News, émission la plus suivie sur le câble américain, Tucker, à de nombreuses reprises, a repris cet argument. L’angle fut étonnement favorable à la Russie.

De nombreux experts se sont accordés pour dire que cette affirmation est fausse. Oui, des laboratoires ont existé, mais ces derniers ne servaient qu’à démanteler les anciennes armes chimiques de l’URSS, ancien Projet Manhattan, version russe

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Sur «les complots occidentaux»

Là encore, laissons parler M. Carlson.

À l’issue du discours, M. Poutine a signé les documents d’annexion des quatre régions ukrainiennes de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijjia. Alors que les corrélations entre le discours conspirationniste dans nos contrées et la parole officielle russe posent la question de savoir qui inspire qui, les potentiels crimes de guerre russe continuent de s’accumuler pendant que la contre-offensive ukrainienne reconquiert de nouveaux points stratégiques.

Dans cet extrait vidéo, le présentateur explique que le gouvernement américain aurait pu jouer un rôle dans l’endommagement des gazoducs Nord Stream. Évidemment, la télévision d’État russe ne s’est pas gênée pour reprendre les propos de Carlson.

Vient alors l'enchaînement logique par Vladimir Poutine. Ce 30 septembre, il affirme que «les sanctions n’ont pas suffi aux Anglo-Saxons: ils sont passés au sabotage. C’est difficile à croire, mais c’est un fait qu’ils ont organisé les explosions sur les gazoducs internationaux Nord Stream».

Pour rappel, de plus en plus de preuves s’accumulent montrant les origines russes de ce sabotage.

AFP
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À l’issue du discours, M. Poutine a signé les documents d’annexion des quatre régions ukrainiennes de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijjia. Alors que les corrélations entre le discours conspirationniste dans nos contrées et la parole officielle russe posent la question de savoir qui inspire qui, les potentiels crimes de guerre russe continuent de s’accumuler pendant que la contre-offensive ukrainienne reconquiert de nouveaux points stratégiques.

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