Un débat sur la langue française dérape à CTV
Philippe Melbourne Dufour
Ce texte s’inscrit au catalogue du «Centre d’observation du Québec-Bashing», présenté par le Sac de chips.
• À lire aussi: Jagmeet Singh et le mot en «f»
• À lire aussi: Une journaliste anglophone fait un commentaire douteux sur le drapeau des Patriotes et «s’excuse»
• À lire aussi: Un YouTubeur anglophone critique sévèrement le bilinguisme canadien
• À lire aussi: Trois fois où le magazine Maclean’s a semé la controverse en parlant du Québec
Une table ronde diffusée sur les ondes de CTV vendredi dernier à propos de si oui ou non la langue française devrait être protégée au Québec s’est transformée en véritable (pardon my french) shitshow.
Premièrement, poser cette question est y répondre.
Deuxièmement, si on veut réellement avoir une discussion sur cette question, il faut beaucoup plus qu’une série d’amalgames, de demies-vérités et de statistiques qui ne veulent rien dire.
Alors, pourquoi est-ce que l’émission quotidienne The Social a jugé que c’était primordial de dédier huit de ses 43 minutes à ce sujet?
Comme tout débat de société important impliquant le Québec, celui-ci a été déclenché par la publication d’une lettre ouverte sur le site Cult MTL.
Dans la publication intitulée «A rant from an American about French language issues in Quebec», une Américaine ayant passé deux semaines au Québec en 2007 s’exprime sur ses impressions par rapport à la santé du français dans la Belle Province.
Parmi les exemples qu’elle cite pour exprimer que la langue de Molière se porte bien figure le fait que Kentucky Fried Chicken a été traduit en Poulet frit à la Kentucky.
Cependant, par ses mots, l'auteure de la lettre Charity Dell résume probablement comment les tensions linguistiques qui existent ici sont perçues par l’extérieur, qui n’est pas conscient de tout le bagage associé à ce combat.
Maintenant, pour revenir à nos moutons.
La chroniqueuse du Toronto Star Shree Paradkar lance le bal en disant que si le Canada était désert avant l’arrivée des colons français et anglais, elle serait plus investie dans la survie de la langue française. Elle rappelle ensuite que les Québécois sont responsables pour avoir éliminé les langues autochtones du pays, ce à quoi les trois autres panélistes ont répondu avec des «Mmmh» enthousiastes.
La journaliste Jan Wong enchaîne en disant que le français n’est pas en danger vu que la France et plusieurs de ses colonies existent encore. Elle dit qu’elle croit que les inquiétudes des Québécois ne sont pas réellement à propos de la langue, mais à propos de protéger leur «tribu». À titre d’exemple pour prouver ce point, elle dit que lorsqu’elle était à Montréal, son coiffeur, originaire de Paris, se sentait exclu lorsqu’il parlait avec des Québécois, même s’il était d’expression française, à quoi les trois autres panélistes ont répondu avec des «Mmmh» enthousiastes.
L’animatrice de l’émission Melissa Grelo revient avec le fait qu’on parle français dans plusieurs colonies, donc la langue n’est pas en danger. Ensuite, elle dit qu'il y a même un organisme qui sert de police à la langue. On pourrait croire à tort qu’elle parle de l’OQLF, mais non. Elle parle de l’Académie française. Selon sa compréhension de l’institution qu’elle qualifie de société secrète, son but est de servir d'arbitre et de police à la langue.
Ici, Paradkar relance en parlant de la loi 21. Une loi qui n’a aucun lien avec la langue. Jan Wong enchaîne en expliquant l’expression «pure laine», en disant que l’important n’est pas de parler français, mais bien de faire partie de la bonne tribu.
Au bout de l’extrait de huit minutes, les quatre femmes sont arrivées au consensus que le français ne devrait pas être protégé pour les raisons suivantes:
- D’autres langues ont déjà disparu
- Les Québécois sont une tribu
- Un coiffeur parisien ne s’est pas senti le bienvenu à Montréal
- Les colonies parlent français
- L’Académie française
- La loi 21
Si, après tout ça ,vous souhaitez commencer à parler anglais, nous ne vous jugerons pas. Ce sont de bonnes raisons après tout.