Un cri du cœur d’Anishnabes pour la protection de l’orignal et de la biodiversité
Julien Lamoureux
À l’ouverture de la COP15, Sean McLaren, un Anishnabe de la Première nation de Timiskaming, appelle à considérer le savoir autochtone et l’expérience du terrain des aînés dans les discussions sur la biodiversité. «C’est quelque chose qu’on aurait dû faire depuis 50 ans, nous faire confiance, [parce qu’on] sait de quoi on parle», plaide-t-il.
• À lire aussi: COP15: jusqu’à 800 millions $ pour de nouvelles aires protégées, annonce Ottawa
• À lire aussi: [PHOTOS ET VIDÉO] Une manifestation contre la COP15 sous très haute surveillance à Montréal
L’homme dans la quarantaine fait partie du Comité anishnabe de l’orignal, un regroupement citoyen qui estime que l’orignal est en déclin en Abitibi-Témiscamingue. Cette conclusion de l’étude du comité, publiée au début novembre, va à l’encontre des estimations du gouvernement du Québec et de la plus récente étude du gouvernement fédéral sur la situation des espèces au Canada. Le mammifère ne fait pas non plus partie des nouvelles espèces désignées par Québec, au début décembre, comme précaires ou en danger.
L’inventaire aérien de la région effectué par le gouvernement provincial en 2017 dénombrait un nombre d’orignaux «équivalent à celui estimé au dernier inventaire remontant à l’hiver 2005» et déclarait que le cheptel était «à nouveau en croissance».
• À lire aussi: Voici pourquoi il n’y a pas de chefs d’État à la COP15 à Montréal
Pour Jaimie Vincent, qui a coordonné l’étude du comité, la parole des Autochtones qui occupent la région et qui constatent de leurs yeux un déclin doit être prise en compte.
«Ça vient complémenter et amener une perspective un peu plus nuancée de la situation que de juste dire: “on a fait un survol aérien, voilà les chiffres”», ajoute la biologiste, qui est aussi professionnelle de recherche à l’Université Carleton.
La chasse sportive et la déforestation en cause
Les Anishnabes qui ont participé à l’étude ont identifié deux grands facteurs qui causeraient du tort aux orignaux: les coupes forestières et la chasse sportive.
La question de la chasse est particulièrement chère aux yeux de Sean McLaren. Il rappelle que de nombreux habitants de la région chassent l’orignal pour «remplir le congélateur» pour l’hiver. «Ce n’est pas pour le thrill d’aller tuer l’orignal.»
Au-delà de la subsistance, c’est une question d’identité, affirme-t-il. «On a perdu beaucoup dans la vie. On a perdu notre langue, [...] notre culture. La seule chose qu’il nous reste, c’est la chasse et la pêche.»
«On espère ne pas manquer d’orignaux pour être capable de montrer de bonnes valeurs à nos enfants», ajoute celui qui est quatre fois papa.
Il espère donc qu’un jour, les Anishnabes puissent gérer les permis de chasse sur leur territoire traditionnel, situé en grande partie en Abitibi-Témiscamingue, afin de limiter la chasse sportive.
• À lire aussi: Voici les enjeux à surveiller à la COP15
Le Conseil tribal de la nation algonquine Anishinabeg «a toujours manifesté le désir d’établir avec les deux paliers de gouvernement une formule de cogestion qui permette aux Premières Nations d’avoir un droit de regard sur l’utilisation des ressources du territoire», selon son site web.
En 2021, 2919 orignaux ont été tués en Abitibi-Témiscamingue et 25 394 à travers la province, selon des données gouvernementales.
La communauté mise à contribution
L’étude du Comité anishnabe de l’orignal ne repose pas sur une montagne de données. Il se base plutôt sur une approche communautaire: des ateliers ont été organisés à différents endroits pour récolter la parole des gens qui habitent le territoire.
«Tant que tu impliques tout le monde, tant que tu impliques les voix des aînés, des chasseurs, de la jeunesse, des utilisateurs du territoire... Ça donne une validité au rapport parce que c’est comme un gros travail d’équipe. Ç’a été essentiel», résume Jaimie Vincent.
• À lire aussi: Des femmes autochtones confient avoir subi une stérilisation forcée
Elle ajoute que «ceux qui ressentent les impacts des changements climatiques et la dégradation de la biodiversité, souvent, ce n’est pas ceux qui ont causé ces problèmes-là»; il convient donc d’avoir leur perspective quand on parle de biodiversité et de changements climatiques.
«Juste [...] d’entendre que la COP15 veut impliquer les Autochtones, c’est déjà un pas en avant», se réjouit Sean McLaren.
Jaimie Vincent renchérit. «On est vraiment à un moment critique [où] il y a une belle opportunité à saisir pour collaborer, pour s’écouter, pour amener des changements, pour innover dans la façon [dont] on gère le territoire au Québec.»
À voir aussi:
: