Un cauchemar qui se répète
Jonathan Tremblay et Laurent Lavoie | Journal de Montréal
C’est un réel cauchemar qui se répète pour des milliers de travailleurs au Québec, alors que le variant Omicron se propage à une vitesse fulgurante à travers la province. Sous l’ordre du gouvernement de François Legault, bars, gyms et spas ont dû abruptement fermer leurs portes hier soir, étouffant tous les efforts pour revenir à un rythme prépandémique.
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L’« arrêt de mort » des tenanciers
Une onde de choc a frappé hier après-midi les tenanciers de bars, qui pouvaient depuis à peine quelques semaines fonctionner à leur pleine capacité.
« J’ai eu au téléphone des gens qui pleurent, qui me disent qu’ils ne savent pas s’ils vont passer à travers, qu’ils foncent vers la faillite et qui me demandent si le gouvernement peut nous aider », a fait savoir Peter Sergakis, président de l’Union des tenanciers de bars du Québec (UTBQ).
L’annonce brutale du gouvernement, qualifiée d’« arrêt de mort » par l’UTBQ, a effectivement pris de court plusieurs gestionnaires.
« Ça me fâche, ce sont des choses de dernières minutes en plus. On s’était acheté de la bière, on avait prévu des plans pour le jour de l’An », a déploré Luc Laplante, propriétaire de trois établissements à Sherbrooke.
Mince consolation, des propriétaires pourront continuer de rouler grâce à un permis leur permettant de vendre de la nourriture. En effet, il sera permis que les salles à manger soient ouvertes entre 5 h et 22 h, mais leur capacité seront réduites de moitié.
À Montréal, le propriétaire du Bar Mamie, Max
Rosselin, avait prévu le coup en fermant ses portes dès dimanche pour ne pas mettre à risque les 250 commandes prévues pour le 24 décembre.
Il s’agit de revenus importants, comme le resto-bar est fermé tout le mois de janvier.
« Ce n’est jamais cool pour le business et le moral des troupes, mais on est en mode solutions plutôt qu’en mode lamentation », a souligné M. Rosselin.
Main-d’œuvre mise à mal
« On s’y attendait parce qu’on est toujours dans les premiers fermés et les derniers ouverts », a lâché Stéphanie Morin, propriétaire du bar karaoké Au Vieux St-Hubert, situé dans le
Quartier latin.
Cette autre fermeture risque de devenir un enjeu pour la main d’œuvre, qui est particulièrement difficile à recruter. « D’être obligé de dire [aux employés] seulement après quelques mois qu’il faut qu’ils se trouvent autre chose qu’ils aillent sur le chômage... On a beaucoup pleuré », a avoué Mme Morin.
Les impacts financiers de cette pause sont également redoutés. « On commençait à remonter un peu la pente », a-t-elle dit.
Incompréhension totale
Bien qu’il semblerait que les cas de COVID-19 sont inexistants dans les spas, ces derniers devront aussi mettre un terme à leurs activités. Au Bota Bota, dans le Vieux-Port de Montréal, la massothérapie et les soins esthétiques seront toujours offerts, mais c’est insuffisant pour remplir les coffres. « Le circuit d’eaux, c’est notre raison d’être, c’est notre pain et notre beurre, donc de se faire couper ça la veille de Noël, on ne s’y attendait pas », a déploré la propriétaire Geneviève Emond.
« Honnêtement, on ne pensait pas qu’on irait aussi loin, jusqu’à tout fermer nos spas, à l’exception des soins personnels [et esthétiques], d’autant plus qu’il n’y a eu aucune éclosion dans les spas du Québec », a réagi Véronyque Tremblay, présidente de l’Association québécoise des spas.
Vitesse de décision critiquée
La fermeture drastique des gyms et studios de yoga pourrait avoir un impact sur le bien-être de plusieurs Québécois.
« C’était aujourd’hui. C’était comme boom : à 13 h, vous êtes fermés à 17 h. On avait des cours. C’est ça qui était choquant », s’est désolée Sonia Raposo, gérante au Modo Yoga Montréal.
Elle s’inquiète pour ses clients. « La plupart ou presque toute notre communauté, c’est leur deuxième maison ici. Comme établissement de santé, on prend ça au sérieux, la santé mentale de notre communauté », a indiqué Mme Raposo.
Au pire moment
La nouvelle arrive au pire moment pour les salles de sport, qui connaissent toujours une forte demande au retour des Fêtes.
« Je trouve ça difficile qu’on nous relaie encore à un loisir. On laisse les centres d’achat ouverts, on peut aller se faire coiffer les cheveux, il n’y a pas de problème, mais on ne peut pas aller s’entraîner pour prendre soin de notre santé », a déploré Gabriel Hardy, kinésiologue et copropriétaire du Gym Le Chalet.
Au Sweat Club, un centre d’entraînement à Québec, la propriétaire, Stéphanie Marchand, se dit aussi « découragée » alors que c’est la quatrième fermeture subie par son industrie, même si elle appuie la décision du gouvernement.
– Dominique Lelièvre