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L'article provient de 24 heures

Un campement d’itinérants démantelé à Sherbrooke alors que l’hiver s’installe

Yoann, qui s'était installé dans le campement sous le pont Joffre.
Yoann, qui s'était installé dans le campement sous le pont Joffre. Photo Étienne Brière
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Photo portrait de Félix Pedneault

Félix Pedneault

2021-12-03T19:15:28Z
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Un an après l’évacuation du campement de la rue Notre-Dame à Montréal, un site réunissant des itinérants sera aussi démantelé dans la ville de Sherbrooke. Sur le terrain, cette décision pose des questions et soulève l'indignation.  

Sous le pont Joffre, qui surplombe la rivière St-François au centre de Sherbrooke, le campement ressemble à un petit village composé de tentes de camping, de murs de bois, de bâches et de couvertures. En prévision de l’hiver, certains itinérants ont accumulé quantité de biens comme des matelas, des sacs de couchage, des bottes et des vêtements de rechange. 

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Pourtant, et malgré les premiers flocons, la municipalité a décidé que les sans-abris seraient évincés et le campement démantelé progressivement d’ici le 6 décembre. Récemment élue, la mairesse Évelyne Beaudin assure qu’un suivi individuel sera fait afin d’éviter que ces derniers se retrouvent une nouvelle fois à la rue. 

Le choix de démanteler le camp, un dilemme pour la ville, a été pris en concertation avec la Table itinérance de Sherbrooke, pour éviter justement que des gens meurent de froid sous des tentes pendant les prochains mois.

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Malgré les bonnes intentions, sur le terrain, cette décision est décriée. Selon des bénévoles à qui le 24 heures a pu parler, les ressources pour loger les sans-abris sont déjà pleines à craquer partout dans Sherbrooke. Difficile donc dans ces conditions de loger les dizaines d’itinérants avant que les températures deviennent insoutenables. 

«Avant j’étais pas loin de Lennoxville, mais la police m’a dit "va au pont Joffre, c’est là qu’on te tolère. Pis là, ils me tolèrent plus!"», nous a raconté Yoann, un sans-abri qui a élu domicile au campement depuis quelques mois déjà. 

«Ils vont bien devoir me tolérer parce que j’m’en vais pas en appart, ça coûte bien qu’trop cher», dénonce-t-il. 

Des policiers plusieurs fois par jour   

Tandis que la police a déjà commencé à faire pression sur les itinérants pour qu’ils quittent les lieux, un bénévole qui préfère rester anonyme a déploré l’insistance des forces de l’ordre. «Ils viennent plusieurs fois par jour. Hier soir au milieu de la nuit ils ont embarqué quelqu’un», nous a-t-il confié. 

Sur les lieux, Jessica Duquette, une infirmière bénévole venue guérir les blessures quotidiennes des démunis ne se raconte pas d’histoire : «lundi, on sait très bien comment ça va se passer. Ils s’en iront pas et ça va brasser». 

«Y nous veulent tout seul»  

Le traitement que réservera la police aux itinérants qui ne voudront pas quitter le couvert du pont Joffre inquiète plusieurs itinérants, bénévoles et travailleurs de rue à qui on s’est adressé dans le campement. 

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Patrick, l’un des fondateurs du campement, voit d’un mauvais œil les policiers de Sherbrooke. «En ce moment on est tous ensembles, on est bien, mais eux y nous veulent pas tous ensemble. Eux [les policiers] y nous veulent tout seul», résume-t-il. 

Patrick
Patrick Photo Étienne Brière

Une travailleuse de rue qui tient à garder l’anonymat s’est aussi indignée de la disparition de ce campement «qui ne faisait de mal à personne». Selon elle, c’est insensible de laisser à eux-mêmes des itinérants qui s’étaient prémunis contre l’arrivée de l’hiver.

«Tout le monde vivait en harmonie ici, a-t-elle témoigné au 24 heures, les gens étaient inquiets de leur sort, ils venaient porter du matériel, de la nourriture, des vêtements».

Christine
Christine Photo Étienne Brière

«C'est ma communauté»   

Christine, qui se nomme elle-même la «maman» du campement, vit un déchirement en appréhendant la fin du campement où elle s’est installée. «J’ai jamais vu du monde aussi beau, aussi fin. Ils sont ma famille, c’est ma communauté. J’les laisserai pas partir de même», a-t-elle dit. 

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