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La Chine peut-elle (et veut-elle) mettre fin à la guerre en Ukraine? On vous explique

Les présidents russe et chinois Vladimir Poutine et Xi Jinping.
Les présidents russe et chinois Vladimir Poutine et Xi Jinping. AFP
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Gabriel Ouimet

2022-03-23T17:30:02Z
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La Chine reçoit de plus en plus de pression de la communauté internationale pour clarifier sa position sur la guerre en Ukraine. Mais pourquoi les yeux du monde entier sont-ils tournés vers Pékin? Quel rôle la Chine pourrait-elle jouer dans la suite du conflit et quelle relation entretient-elle avec la Russie? On vous explique.

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La Chine pourrait-elle intervenir militairement en Ukraine?   

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a demandé le week-end dernier aux dirigeants chinois de se joindre aux Occidentaux pour «condamner la barbarie russe», alors que l’offensive de Moscou continue chaque jour de faucher la vie de nombreux civils ukrainiens. Le premier ministre britannique, Boris Johnson, l’a imité le lendemain. 

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky Photo AFP

 Plus tôt, le président américain Joe Biden avait pour sa part mis en garde son homologue chinois, Xi Jinping, contre les «conséquences» d’une possible intervention en faveur de la Russie pour la Chine. 

Joe Biden
Joe Biden AFP

 

Pendant ce temps, Pékin dément envisager de soutenir la Russie. Les experts à qui nous avons parlé s’entendent d’ailleurs pour dire que la Chine aurait trop à perdre si elle intervenait militairement dans le conflit qui déchire l’Ukraine.

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«Si ça continue, il y a beaucoup de risque que ça dégénère. La Chine sait que si c’est le cas, les impacts se feront ressentir sur l’économie mondiale, et donc sur son économie», explique l’ancien ambassadeur du Canada en Chine, Guy Saint-Jacques.

«Les Américains et l’Union européenne sont des partenaires commerciaux trop importants pour que la Chine prenne le risque de se voir imposer des sanctions de l’ordre de celles imposées en Russie», poursuit-il.  

Existe-t-il une alliance entre la Russie et la Chine?       

Contrairement aux puissances occidentales, la Chine a refusé d’imposer des sanctions à la Russie, rappelle le titulaire par intérim de la Chaire Raoul-Dandurand, président de l’Observatoire de géopolitique et professeur au Département de géographie à l’UQAM, Yann Roche. 

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Ce refus s’explique par la relation historique qu’entretiennent les deux pays sur plusieurs fronts. Face aux Occidentaux, par exemple, la Russie et la Chine se présentent comme des alliers stratégiques, indique Roromme Chantal, spécialiste des relations internationales et des questions chinoises et professeur de science politique à l’École des hautes études publiques (HEP) de l’Université de Moncton. 

«Il y a une alliance qui prend forme entre la Russie et la Chine depuis quelques années. En dépit de certaines divergences, ils sont unis face à ce qu’ils ressentent comme une menace en provenance de l’Occident et particulièrement des États-Unis. Ils dénoncent l’hégémonie occidentale dans les relations internationales et ils veulent mettre fin à l’ordre mondial libéral qui constitue une menace pour leur politique intérieure», détaille-t-il. 

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Bien qu’il n’existe pas de document officiel confirmant cette alliance entre les deux pays, les présidents Xi Jinping et Vladimir Poutine, «deux dirigeants autocrates», ont renforcé ce partenariat en annonçant «une amitié sans limites» le 4 février dernier, note Guy Saint-Jacques. 

Les présidents russe et chinois Vladimir Poutine et Xi Jinping.
Les présidents russe et chinois Vladimir Poutine et Xi Jinping. AFP

«Ils en ont profité pour annoncer toute sorte de nouveaux engagements et de nouveaux projets, surtout des oléoducs et des gazoducs pour acheminer les ressources russes de la Sibérie vers la Chine», soutient-il. 

La Russie a d’ailleurs poliment attendu la fin des Jeux olympiques de Pékin, qui se sont déroulés en février dernier, avant de lancer son attaque en Ukraine, souligne M. Saint-Jacques. 

Photo Didier Debusschère
Photo Didier Debusschère

La Chine a-t-elle le pouvoir de mettre fin au conflit?      

En raison de sa proximité avec le Kremlin, «la Chine est le seul pays qui pourrait mettre suffisamment de pression sur la Russie afin d’atteindre un cessez-le-feu», affirme M. Saint-Jacques. 

Yann Roche est du même avis. Il estime d’ailleurs qu’un arbitrage chinois serait un moyen intéressant pour Vladimir Poutine de sauver la face si le conflit s’éternisait et que la Russie se dirigeait vers une impasse. 

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«Si la guerre se prolonge et que la Russie peine à obtenir une victoire décisive [...], on pourrait devoir en arriver à une escalade, ou à une solution négocier. Poutine ne veut pas négocier avec Zelensky, avec les Américains ou encore avec les Européens de manière directe. Plutôt que de se tourner vers eux, je le vois beaucoup plus se tourner vers la Chine», indique-t-il. 

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Un moyen pour la Chine de redorer son image à l’international?      

En jouant un rôle de médiateur et en contribuant à mettre fin au conflit en Ukraine, la Chine pourrait faire d’une pierre deux coups: redorer son image à l’international, tout en imposant certaines conditions aux Occidentaux. 

«L’image de la Chine a été très ternie à l’internationale dans les dernières années avec le génocide qui a cours au Xinjiang, la fin de la démocratie à Hong-kong, la militarisation de la mer de Chine et la mauvaise gestion de la COVID-19 au début de la pandémie. Se présenter comme la solution pour la paix, ce serait une occasion de redorer son image et de faire valoir son modèle,», souligne Guy Saint-Jacques.  

AFP
AFP

«Elle pourrait aussi tenter d’arracher des concessions aux Occidentaux: vous arrêtez de nous critiquer dans le Xinjiang, vous arrêtez de nous critiquer sur la situation au Tibet et à Hong-kong. La mer de Chine méridionale, c’est à nous autres», détaille-t-il. 

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Mais une fois que l’on sait tout ça, une question demeure: la Chine souhaite-t-elle et surtout peut-elle véritablement agir comme médiatrice dans ce conflit? Ce serait compliqué, selon Guy Saint-Jacques. 

«Elle se présente comme la prochaine grande puissance, mais elle n’a pas l’expérience sur la scène internationale pour jouer le rôle de médiateur. Ça serait aussi très difficile pour elle d’assumer ce rôle, puisqu’un des principes fondamentaux de sa politique étrangère, c’est de ne pas s’ingérer dans les affaires d’un autre pays», conclut-il. 

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