Trump et les tarifs: un carambolage économique

Pierre-Olivier Zappa
Qu’est-ce qui arrêtera Donald Trump et sa folie des tarifs? Pas le Canada. Pas le Mexique. Mais probablement des millions d’électeurs américains, prêts à klaxonner leur colère quand ils verront le prix de leurs voitures s’envoler.
S’il y a une industrie sacrée aux États-Unis, c’est l’auto. Ce n’est pas pour rien que Washington l’a sauvée à coups de milliards lors de la crise de 2008. Mais avec ses tarifs douaniers sur ses voisins, Trump s’apprête à faire l’inverse: un carnage!
Selon l’Anderson Economic Group, chaque voiture coûtera entre 3500$ et 12 000$ US de plus à produire en Amérique du Nord. Pourquoi? Parce que les véhicules modernes sont de véritables casse-têtes roulants. Chaque modèle est assemblé avec environ 30 000 pièces qui traversent sans cesse la frontière. On parle de 238 milliards $ US d’importations en jeu depuis le Canada et le Mexique!
Prenons une simple pièce: le différentiel en aluminium d’un Chevrolet Silverado. Il commence sa vie au Québec, est moulé au Mexique, affiné en Ontario, assemblé en Indiana, puis installé dans un camion vendu au Texas. Avec les tarifs de Trump, chaque passage de frontière devient un péage supplémentaire.
Résultat? Un Silverado à 45 000$ US pourrait grimper à 55 000$ US en un clin d’œil. Et ce n’est qu’un exemple des ravages annoncés. «Les tarifs, c’est des coûts et du chaos», avertit Jim Farley, PDG de Ford, inquiet pour toute l’industrie.
Un plan aussi rouillé qu’un vieux moteur
Trump n’a rien inventé. En 1890, le président William McKinley – un autre apôtre des tarifs – a tenté de piéger le Canada avec des taxes punitives. Il croyait que les Canadiens allaient supplier pour un accord. Résultat? Nous avons développé d’autres marchés et McKinley a perdu son pari.
Aujourd’hui, Trump rejoue la même partition. Il croit que les constructeurs vont rapatrier leurs usines aux États-Unis. Mais déplacer une ligne de production prend des années et coûte une fortune. Les manufacturiers ne vont pas s’adapter à Trump, ils vont plutôt contourner le problème. Traduction? Délocalisation ailleurs, hausse des prix et chaos logistique.
Ce n’est pas tout. La hausse des coûts risque de ralentir la production et de faire bondir le prix des voitures d’occasion. Ceux qui pensaient échapper à l’inflation en achetant une auto usagée vont vite déchanter. Bref, que vous achetiez une voiture neuve ou un vieux modèle, préparez-vous à sortir le portefeuille.
Sortie de route annoncée
Trump ne peut pas l’ignorer. L’auto, c’est sacré aux États-Unis. Les consommateurs étranglés par des paiements mensuels hors de prix ne resteront pas silencieux. L’électorat de la Rust Belt, celui-là même qui l’a porté au pouvoir, va se demander si «Tariff Man» roule vraiment pour eux... ou s’il les envoie directement dans le décor.
Si le président persiste dans cette direction, tout indique qu’il connaîtra le même sort que la Pontiac Aztek, cette voiture américaine jadis assemblée au Mexique: rejeté par le public, ignoré par le marché et incompris de tous.