Trois témoignages pour comprendre que le féminisme intersectionnel, c'est important
Anne-Lovely Etienne
BILLET - Le féminisme intersectionnel, c’est de reconnaître que les femmes forment un groupe hétérogène, et qu’elles se butent à différents obstacles selon leur identité. Leur genre a un impact, oui, mais aussi leur origine ethnique, leur religion, leur orientation sexuelle et leur statut socio-économique. En cette Journée internationale des droits des femmes, la moindre des choses est de le reconnaître.
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Mais ce n’est pas ce que veut entendre le gouvernement Legault, qui rejette cette approche du féminisme. C’est une deuxième douche froide pour des personnes comme moi. (Rappelons-nous que ce même gouvernement ne reconnaît toujours pas l’existence du racisme systémique.)
Pourtant, je connais une tonne de femmes qui ne se rapprochent en rien de l’image de la femme blanche, privilégiée, mature et éduquée véhiculée par les médias pour représenter le féminisme. Plusieurs d’entre elles doivent bûcher pour avoir accès aux mêmes droits que leurs consoeurs, ici même au Québec.
En voici trois, qui témoignent de leur réalité, nageant dans l’intersectionnalité.
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Yolette, mère immigrante
Parmi les femmes qui se sont confrontées à divers obstacles, il y a ma mère, Yolette Plantin. Elle a quitté Haïti et tous ses repères à 24 ans, avec 200$ en poche.
«Les premiers temps étaient durs. Je me souviens des premières fois où je cherchais un appartement. On m’a refusée, je ne sais combien de fois. Finalement, j’habitais un tout petit appart à Parc-Extension et chaque fois que je croisais la police, je croyais qu’on allait m’arrêter parce que je n’avais pas encore mes papiers à l’ordre», raconte-t-elle.
«Et lorsque j’ai recommencé à zéro mes études, on croyait que j’étais analphabète à cause de mon accent. Pourtant, j’avais l’équivalent d’un diplôme collégial en main. Je maîtrisais parfaitement le français tant à l’oral qu’à l’écrit. C’était très frustrant», se souvient-elle.
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Daniella, femme taille plus
Daniella Johnson se décrit comme une femme grosse et selon elle, il est loin d’être facile de se faire prendre au sérieux dans le système de santé.
«Une personne grosse qui a un problème X ou Y, qui n’a rien à voir avec son poids, et qui se présente devant un médecin va systématiquement se faire dire qu’elle doit perdre du poids», témoigne-t-elle.
«Il y a un nombre incalculable de femmes qui n’ont pas été prises en charge, ou pire, qui se sont fait refuser des soins de santé, en raison de leur poids. Je suis une migraineuse chronique, et cela a été long avant d’être référée à une neurologue spécialisée parce que personne ne me prenait au sérieux...», relate la spécialiste en communications.
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Fariha, femme musulmane
Pour la journaliste anglophone et musulmane Fariha Naqvi-Mohamed, qui porte le hijab, la discrimination par rapport à sa religion, sa langue et son origine ethnique se fait ressentir.
«Avec les lois 21 et 96, je sens que la société québécoise est en train de créer des fossés et on ressent une discrimination. Prenons, par exemple, deux femmes qui appliquent pour le même emploi et l’une porte le hijab... Elles n’auront pas les mêmes chances d’accès à l’emploi et c’est la réalité des femmes musulmanes», note avec inquiétude celle qui se qualifie de fière Québécoise.
Quelques statistiques
En terminant, je vous laisse avec quelques statistiques intéressantes, qui démontrent que l’intersectionnalité est importante :
- Au Québec, une femme qui travaille à temps plein fait en moyenne 0,75 $ pour chaque 1 $ gagné par un homme. C’est un écart déjà choquant, mais qui augmente si on ajoute d’autres facteurs de discrimination comme l’origine ethnique ou une orientation sexuelle autre que l’hétérosexualité.
- En 2021, un rapport de l’Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation a dévoilé que 160 femmes et filles ont été tuées par la violence, une hausse par rapport en 2019. Et il n’y a qu’à prendre le triste cas des femmes et filles autochtones disparues et assassinées pour comprendre en quoi l’intersectionnalité est importante ici.
Ces statistiques sont frappantes: elles sont la preuve de l’inégalité qui existe chez les femmes, et ce, à divers degrés.
On doit donc continuer à se battre pour une approche intersectionnelle.
Chères femmes issues de la communauté LGBTQ+, femmes autochtones, femmes racisées, femmes en situation d’itinérance, travailleuses du sexe, femmes âgées, femmes en situation d’handicap... à vous toutes, je souhaite une bonne Journée internationale des droits des femmes!