Tragédie de la garderie de Laval: les frères et sœurs des victimes des «laissés pour compte»
Alexandra Lopis
La mère d’une des victimes de la tragédie de la garderie de Laval trouve «injuste» que sa fille qui vit aussi un traumatisme n’ait pas le droit à des séances de psychothérapie à vie, payées par l’Indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC), au même titre que les parents.
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Jacob Gauthier, 4 ans, est l’une des deux victimes de la tragédie de la garderie de Laval, survenue le 8 février 2023, qui a également fait six blessés.
À la suite de ce drame inimaginable, les parents du petit garçon, considérés comme des victimes, ont droit à un suivi thérapeutique remboursé par l’IVAC tout au long de leur vie, tandis que leur fille âgée de 7 ans au moment des faits, n’a le droit qu’à 30 séances remboursées, car elle est considérée comme une «proche» de la victime.
«Anne-Sophie [qui a maintenant 10 ans] a déjà épuisé la moitié de sa banque de séances. [...] On ne sait pas, nous, quand le trauma va refaire surface. [...] On ne sait pas si ça va être dans 5, 10, 15, 20 ans, puis là, elle n'aura pas de ressources. Oui, on va toujours être là pour elle, mais il y a peut-être des parents qui n'en ont pas de ressources», a confié Marie-Christine Cloutier, la mère de Jacob, au micro de Benoit Dutrizac, diffusé au 99,5 FM Montréal.
«C'est vraiment injuste. [...] Pourquoi nous, on est reconnus comme des victimes, mais pas eux, pas elle?»
La mère de famille affirme que sa fille est «très résiliente» malgré son traumatisme.
«Il y a eu une alarme de feu à son école [deux ou trois mois après les évènements]. Ce n’est pas l'alarme qui l'a traumatisé, c'est quand elle a vu les pompiers. Elle s'est dit: ‘’Qu'est-ce qu'ils vont m'apprendre encore?'' Parce que c'est les mêmes pompiers entre guillemets qui étaient là quand elle l'a su», a-t-elle raconté.
Depuis la tragédie, sa fille est «consciente qu’elle peut perdre un être cher à tout moment. [...] Ça fait qu’elle dort moins bien, parce qu'elle se réveille en se demandant si on est toujours là».
«Pas en croisade contre l’IVAC»
Marie-Christine Cloutier souligne qu’elle «ne part pas en croisade contre l’IVAC» mais qu’elle se bat pour tous les enfants qui vivent des traumas. «C'est vraiment que justice soit faite [...] [pour] les frères et sœurs qui sont aussi impliqués dans cette tragédie-là.»
«Notre fille, c'est un exemple parmi tant d'autres exemples. [...] [Il est nécessaire] que nos enfants soient pris en charge.»
Elle a indiqué ne pas avoir eu de retour de la part du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, mais que celui-ci serait en train de «travailler là-dessus».
«Ne pas appliquer la loi sans émotion»
Pour l’avocate en droit social et administratif, Me Sophie Mongeon, Québec pourrait par exemple décider de «faire un amendement à la loi en apportant la précision que quand un proche est mineur, qu'on étudie son cas différemment et qu'on utilise un petit peu de discrétion».
Au micro d’Isabelle Maréchal, diffusé au 99,5 FM Montréal, mardi matin, elle a souligné que la Semaine des victimes et des survivants d'actes criminels aura lieu du 11 au 17 mai, et que ce serait «une belle opportunité pour le ministre justement de corriger cet oubli dans la loi pour protéger les victimes de proches ou indirects qui sont mineurs».
«C’est une loi qui est là pour des drames. On ne peut pas l'appliquer avec rigidité et sans émotion. Elle est là justement pour les victimes, les gens qui souffrent. C'est vraiment des gens qui sont [...] vulnérables. On ne peut pas agir avec droiture [...]. Il faut ouvrir notre cœur», a ajouté Me Sophie Mongeon.