Tournoi des Maîtres: dernier tour de piste d’un grand champion
Bernhard Langer, vainqueur en 1985 et en 1993, fait ses adieux à l’Augusta National cette semaine


François-David Rouleau
AUGUSTA | Quand il s’est installé dans la salle de conférence en lever de rideau de la semaine du Tournoi des Maîtres, Bernhard Langer a poussé une petite blague: «Il y a longtemps que je me suis assis ici». En effet. À titre de champion, il n’avait pas visité ce lieu depuis 32 ans. Et, à titre de vétéran, il y était pour la dernière fois.
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Car l’Allemand de 67 ans qui a remporté les vestons verts de 1985 et de 1993 tire sa révérence à Augusta après cette 41e visite, cette semaine. Celle-ci se terminera-t-elle vendredi soir ou dimanche? La dernière fois qu’il a résisté au couperet, c’était en 2020. Il était alors âgé de 63 ans et il avait fait la barbe à de jeunes loups en terminant au 29e échelon.
S’il avait pu, Langer aurait fait ce dernier tour de piste l’an dernier. Mais une horrible blessure au talon d’Achille avait quasi mis un terme à sa carrière. De retour à la compétition depuis l’automne, il a depuis annoncé son chant du cygne à l’Augusta National.

Pas de gêne
Que ce soit vendredi ou dimanche, il tentera de se contenir. Un peu. Car derrière l’homme droit comme un chêne et ses traits sévères allemands en pleine mission se cache un homme émotif qui ne craint pas de verser quelques larmes.
Quand le rideau tombera, les centaines de souvenirs accumulés depuis 1982 défileront à grande vitesse dans ses yeux.
«C’est une aventure incroyable pour un gars d’un village de 800 habitants où le golf ne voulait rien dire, a relaté celui qui est né à Anhausen, un bled de l’ouest de l’Allemagne qui compte aujourd’hui 1400 âmes. Recevoir une invitation au Masters alors que c’était très difficile pour un joueur européen ou international d’y participer à l’époque et gagner ce tournoi à ma troisième tentative, c’était un rêve devenu réalité.

«Quand je me suis avancé sur Magnolia Lane la première fois en 1982, ce fut pour moi une réelle prise de conscience de l’endroit. Je n’avais jamais vu un parcours de golf aussi manucuré et un tournoi aussi efficace. Ce qui me frappe aujourd’hui, c’est de constater à quel point il a évolué et progressé afin d’offrir l’expérience ultime pour les joueurs, les champions et les spectateurs.»
Décision réfléchie
Déjà, par un lundi après-midi pluvieux à Augusta, la voix du sexagénaire était tremblotante sur le podium. Il savait que la semaine s’annonçait haute en émotions.
Il a préparé cette sortie il y a quelques années en demandant au président s’il existait un âge maximal pour participer à la compétition. Soixante ans? Non. On lui avait alors répondu que, le temps venu, il saurait et aurait à prendre la décision.
Il l’a mûrie. Selon lui, le parcours est devenu trop long avec ses 7555 verges. Moins puissant, il s’époumone des tertres, doit frapper des bois d’allée pour attaquer les fanions tandis que ses rivaux, beaucoup plus jeunes, s’exécutent avec des fers courts.

«Je ne suis plus en mesure de me placer au plus fort de la course», a-t-il expliqué avec sagesse. Pourtant, s’il y a bien un tournoi du Grand Chelem où les vétérans peuvent se démarquer, c’est bien le Masters. Son temps est toutefois venu.
Aussi plus fragile aux longues promenades, comme celles très exigeantes à l’ANGC, il continuera dorénavant à se démarquer sur le circuit des Champions de la PGA.
Féroce adversaire
Langer a marqué l’histoire du Tournoi des Maîtres et du circuit de la PGA. Durant sa carrière, il a signé 50 victoires en relevant d’innombrables obstacles. Depuis son enfance, son parcours est synonyme de combativité et de constance pour défier les lois de la longévité dans son sport.

«La longévité et la constance dans le golf sont deux mots très fragiles et volatiles. Ils sont comme les marchés boursiers», a-t-il plaisanté en les comparant aux désastres financiers des dernières semaines.
Lui, il n’a pas piqué du nez après d’excellentes performances. Épargné par les dieux du golf et bien entouré, il s’estime chanceux.
Cette semaine, il savourera chaque instant. Il espère être en mesure de contrôler ses émotions. «Je ne peux le garantir. Mais ce que je sais, c’est que si mes émotions ne me frappent pas hâtivement, elles le feront au 18e!»