Tour de France: Houle 3e de la 13e étape
Jean-François Racine
Le cycliste Hugo Houle a presque touché au rêve ultime en signant la plus belle performance québécoise de l’histoire du Tour de France avec une superbe troisième place lors de la 13e étape, ce vendredi, à Saint-Étienne.
Dans le département de la Loire, même l’annonceur maison à la ligne d’arrivée s’est permis de souligner ses origines en parlant du Canadien Hugo Houle, «qui représente également la belle province de Québec».
Ci-dessus, voyez l'entrevue qu'a accordé Hugo Houle à LCN, vendredi après-midi.
Le meilleur résultat québécois à la Grande Boucle revenait déjà à Houle, qui avait fini septième de la 12e étape en 2020.
Le champion du monde de 2019, le Danois Mads Pedersen, a remporté cette étape de 193 kilomètres devant le Britannique Fred Wright. Le classement général reste inchangé.
Aucun Québécois n’a jamais remporté de victoire sur la Grande Boucle et Houle était tout près de connaître son moment de gloire à sa quatrième participation. Steve Bauer est le dernier Canadien à avoir gagné une étape individuelle il y a 34 ans, en 1988.
Depuis plusieurs jours, Houle se disait dans la forme de sa vie et la preuve flamboyante a été déposée devant témoins, à près de 45,6 km/h de moyenne.
La tête haute, le cycliste de la formation Israel-Premier Tech a avoué qu’il n’avait aucun regret même si une telle occasion est extrêmement rare dans une carrière.
«Aucun regret»
«Quand j’ai vu la composition de l’échappée avec sept coureurs, j’ai compris que nous avions une sérieuse chance pour l’étape, mais le peloton ne voulait pas nous laisser beaucoup de temps. Avec trois minutes d’avance à la fin, j’ai commencé à y croire. Je savais qu’au sprint ça serait compliqué contre Padersen. J’ai couru de la meilleure façon que je pouvais. J’ai tout donné et je n’ai aucun regret», a expliqué Houle.
À la flamme rouge, Houle s’est retrouvé un peu coincé devant les deux autres rescapés pour lancer le sprint final. Avec seulement 300 mètres à faire, il n’a rien pu faire contre l’incroyable pointe de vitesse de Pedersen, qui a facilement pris plusieurs longueurs de vélo.
Avant de lever les bras, le Danois s’est même permis de regarder derrière lui à trois reprises. Malgré une course presque parfaite du Québécois, la supériorité de son opposant ne faisait aucun doute.
Une arrivée à trois
Houle, 31 ans, était du groupe de sept fuyards en tête de course depuis plus de 140 km. Leur avance a grimpé jusqu’à 3 min 30 s, mais le peloton a refusé de leur accorder plus de marge de manœuvre. Les équipes Lotto-Soudal, Alpecin-Deceuninck et BikeExchange voulaient aussi cette épreuve, mais une chute de Caleb Ewan a brisé leur travail.
À l’avant, Matteo Jorgenson, Stefan Küng, vainqueur d’étape en 2018 et coéquipier d’Antoine Duchesne chez Groupama-FDJ, ainsi que Filippo Ganna, double champion du monde au contre-la-montre, ont été distancés après une attaque avec 12 km à faire.
Très costaud, Pedersen était sans aucun doute le plus dangereux du groupe. À 26 ans, il remporte sa première victoire d’étape sur le Tour de France.
Près du but
Depuis David Veilleux en 2013, les Québécois ayant participé au Tour de France se comptent toujours sur les doigts d’une seule main.
Quelques instants après cette performance historique, même le premier ministre François Legault a félicité l’athlète sur Twitter.
«Je me rapproche de l’objectif d’une victoire. C’est ce que je rêvais cette année. Je n’ai pas la victoire au bout, mais je vais essayer encore!» a conclu l’athlète olympique de Sainte-Perpétue, au Centre-du-Québec.
♦ Coéquipiers de Hugo Houle, Guillaume Boivin et Michael Woods se sont classés 17e et 97e, ce vendredi, tandis que Duchesne a fini 63e.
♦ En 2010, le Canadien Ryder Hesjedal avait pris la quatrième place de la troisième étape du Tour de France, de même que le quatrième échelon de la 17e étape au sommet du Tourmalet. Il avait aussi terminé sixième du classement général.
CLASSEMENT GÉNÉRAL APRÈS 13 ÉTAPES
1. Jonas Vingegaard (DEN/Jumbo) 50 h 47:34
2. Tadej Pogacar (SLO/UAE) à 2:22
3. Geraint Thomas (GBR/INE) à 2:26
4. Romain Bardet (FRA/DSM) à 2:35
5. Adam Yates (GBR/INE) à 3:44
6. Nairo Quintana (COL/ARK) à 3:58
7. David Gaudu (FRA/GFJ) à 4:07
8. Thomas Pidcock (GBR/INE) à 7:39
9. Enric Mas (ESP/MOV) à 9:32
10. Aleksander Vlasov (RUS/BOR) à 10:06
35. Hugo Houle (CAN/ISR) à 1 h 06:09
62. Michael Woods (CAN/ISR) à 1 h 30:41
91. Antoine Duchesne (CAN/GFJ) à 2 h 01:49
134. Guillaume Boivin (CAN/ISR) à 2 h 36:34
D'autres chances à saisir
À distance, la famille et les proches de Hugo Houle croient qu’il aura bientôt une autre chance de passer à l’histoire
Après des années à jouer le rôle important d’équipier modèle, le cycliste québécois s’impose de plus en plus comme un meneur et un capitaine de route pour sa nouvelle formation Israel-Premier Tech, qui lui laisse beaucoup de latitude pour passer à l’attaque.
Munis d’une tablette pour suivre l’action, ses parents se trouvaient à Montréal dans une clinique.
«On a réussi à voir la fin. J’avais oublié de charger la batterie! On capotait un peu. C’était vraiment beau. Il va se ressayer parce qu’il lui reste une étape à franchir», a lancé sa mère, Diane Allard.
«Au début, je ne pensais pas que l’échappée irait au bout. Il va pouvoir se reprendre», a ajouté son père, Yvon Houle, peu de temps après un bref appel du champion.
«Notre cœur était là»
La logistique de course, les déplacements quotidiens et les restrictions liées à la COVID-19 font en sorte que parents et amis sont moins présents sur la plus grande course au monde.
Certains coureurs qui ont des enfants passent parfois quelques minutes avec eux après une étape, mais sans plus, généralement.
Le Tour de France n’est pas comme un tournoi de tennis qui se déroule dans le même stade pendant 10 jours.
«On s’habitue. Notre cœur était là», termine sa mère.
«Impressionnant»
À Monaco, la conjointe de l’athlète de 31 ans de longue date avait un client à voir pour son travail de comptable chez KPMG, mais elle a pris une pause forcée pour assister à la bataille.
«La connexion était mauvaise et j’ai dû trouver un endroit pour avoir du visuel. Il ne fallait pas rater sa plus belle journée à vie! C’était impressionnant, et je suis vraiment fière. Depuis longtemps, il dit qu’il se sent bien, et c’est de loin sa meilleure saison», a affirmé Stéphanie Matteau, qui s’adonne aux triathlons demi-Ironman.
Même si elle a choisi de vivre en Europe, elle ne peut pas être présente très souvent sur les épreuves.
«Je vais aller à l’arrivée du Tour, mais chaque année, c’est pratiquement la seule chose que je fais. C’est difficile parfois de ne pas être là», mentionne la jeune femme.
Des années d’efforts
Près de Québec, l’homme d’affaires Louis Garneau, qui soutient Houle depuis l’adolescence, a aussi failli mourir trois fois devant son écran.
«Mon internet a lâché à moins d’un kilomètre! Je tenais ma croix tellement fort. Il a fait une course parfaite. C’est le plus en forme de son équipe et c’est rendu un grand coureur. Il a tellement travaillé», a précisé l’ancien athlète olympique.
Souvenirs d’Afrique
Dès l’âge de 16 ans, Houle se rendait parfois à Lac-Saint-Joseph, près de Québec, pour s’entraîner avec le fils aîné de Louis Garneau, William.
En 2008, les deux jeunes hommes, alors âgés de 18 ans, ont représenté ensemble le Canada au Championnat du monde junior en Afrique du Sud. Sur les résultats de l’époque, on remarque les noms de futures vedettes comme Peter Sagan, Thibaut Pinot et Romain Bardet.
«Il est sur le point d’en gagner une. C’est l’un des meilleurs pilotes du peloton actuellement. Il a une job dure et c’est tout à son honneur. Il vient d’augmenter sa notoriété et il peut continuer jusqu’à 35 ans... peut-être plus. Le meilleur est à venir», affirme M. Garneau.
En excluant les deux jours à venir dans les Pyrénées, le contre-la-montre lors de la 20e étape et l’arrivée sur les Champs-Élysées, il reste environ quatre étapes plus propices à un autre coup d’éclat de Houle.