Toujours malade trois ans après avoir fait retirer ses implants mammaires


Héloïse Archambault
Une femme de 42 ans qui est encore malade trois ans après avoir fait retirer ses implants mammaires potentiellement cancérigènes paie des milliers de dollars pour se faire soigner à Toronto, à défaut d’être prise en charge au Québec.
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«C’est comme si je vieillissais de 10 ou 20 ans plus vite que tout le monde, confie Maude Bordeleau. Mon système est complètement à terre.»
En 2012, la résidente de Trois-Rivières a subi une chirurgie d’implants mammaires. Comme beaucoup de femmes, elle n’aimait pas sa poitrine après avoir allaité ses deux enfants.
- Écoutez l'entrevue avec Julie Elliott, fondatrice du groupe de soutien Maladie des implants mammaires franco-canadien à l’émission de Benoit Dutrizac diffusée chaque jour en direct 13 h via QUB radio :
Problèmes rapidement
Or, la mère de 32 ans ne pensait jamais que cette chirurgie esthétique lui causerait autant de soucis de santé. Dès les premières semaines, son cycle menstruel était déréglé.
«J’ai eu des kystes ovariens, de gros saignements, de l’anémie, de la fatigue, énumère-t-elle. Je suis allée consulter, on me disait que tout était beau.»
Au fil des ans, les problèmes se sont accumulés : intolérance au froid, douleurs au dos et à la cage thoracique, perte de mémoire, plaques sur la peau. La liste est longue.
«La nuit, ça suintait autour des seins, se rappelle-t-elle. Je pensais que j’avais fait un AVC, je n’étais plus capable de lire un texte! Il fallait que je me fasse enlever ça, et vite. Ça ne marchait vraiment pas.»
En juin 2019, la dame a payé 8000 $ au privé pour se faire retirer ses implants.
«Mon défi, c’était de les faire enlever le plus vite possible. Plus je les gardais, plus je m’empoisonnais», confie-t-elle, déplorant le manque de prise en charge dans le réseau public.
Après la chirurgie, Mme Bordeleau a été choquée de réaliser que ses implants étaient rupturés. L’un d’eux ne pesait plus que 36 g, plutôt que les 375 g à l’origine.
- Écoutez l'entrevue avec Dr Stephen Nicolaidis, chirurgien plasticien à Montréal se spécialisant dans le retrait d’implants mammaires, à l’émission de Yasmine Abdelfadel diffusée chaque jour en direct 14 h 15 via QUB radio :
Rien de naturel
Polyuréthane, téflon, silicone : la femme qui s’est beaucoup renseignée sur les implants se considère comme « empoisonnée ».
«Il n’y a rien de naturel là-dedans, rien qu’on voudrait mettre dans un corps», dénonce-t-elle.
À la même époque en 2019, Santé Canada a retiré du marché le type d’implant qu’elle avait, soit les macro-texturés d’Allergan, en raison de risque de cancer. Depuis, la femme dit n’avoir jamais été contactée ni par les autorités de santé ni par son chirurgien esthétique, pour un quelconque suivi.
«Les médecins ne disent pas ce à quoi on a droit, je n’ai pas été informée!» déplore-t-elle, toujours en attente d’information sur le recours collectif contre Allergan.
«Je pensais être correcte après la chirurgie. Mais, je serai toujours à risque pour le cancer, même si on les fait enlever. Ça peut prendre des années avant de sortir», s’inquiète-t-elle.
Abandonnée par le système
Bien qu’elle ait pris du mieux depuis le retrait des implants, Mme Bordeleau continue d’éprouver toutes sortes de problèmes. La femme se rend même à Toronto subir des traitements d’ozone et de vitamine C pour se faire détoxifier. Depuis quelques mois, elle a dépensé au moins 5000 $.
«Je suis abandonnée par le système public», dit celle qui est sur la liste d’attente--- pour un médecin de famille.
Bien qu’elle regrette d’avoir eu des implants, Mme Bordeleau a bon espoir de retrouver la santé. Et elle suggère fortement aux femmes de se renseigner avant de passer sous le bistouri.
«Il y a beaucoup de femmes qui sont lésées. Dès qu’on voit le mot médical, on se dit que ce sera sécuritaire. Mais non», affirme-t-elle.
Tous les implants cancérigènes?
Un récent avis médical américain révèle que tous les types d’implants mammaires peuvent causer un cancer, une nouvelle préoccupante qui sera suivie de près par des médecins du Québec.
Le 8 septembre dernier, la Food & Drug administration (FDA) aux États-Unis, l’équivalent de Santé Canada, a révélé que tous les types d’implants (remplis d’eau saline ou de silicone, et de surface lisse ou texturée) peuvent causer des cancers (lymphomes et carcinomes squameux).
Pour le moment, seulement 22 cas ont été rapportés chez nos voisins. Le taux d’incidence et les facteurs de risque demeurent inconnus.
Rare, mais préoccupant
«C’est un problème émergent et notre compréhension évolue», lit-on dans l’avis. Selon la FDA, le cancer se développe dans le tissu cicatriciel autour de l’implant, qu’on appelle la capsule.
Rappelons qu’en 2019, les implants macro-texturés de la compagnie Allergan ont été retirés du marché canadien, après que des cas d’un cancer du système immunitaire (lymphome anaplasique à grandes cellules associé à un implant mammaire) ont été détectés.
Selon Santé Canada, 64 cas de ce cancer ont été confirmés jusqu’ici, et 25 sont soupçonnés. Trois décès sont aussi confirmés. À noter que ces données datent d’il y a un an.
Dans son dernier avis, la FDA invite les médecins et les patientes à rapporter des cas de cancers.
«C’est très nouveau. Pour l’instant, on dit que c’est très, très rare, réagit le Dr Stephen Nicolaidis, un chirurgien plasticien. Mais c’est exactement comme ça que ça a commencé avec le lymphome.»
À ce sujet, Santé Canada indique sur sa page internet: «Nous surveillons activement la situation. Nous en informerons la population canadienne selon les besoins.»
On suggère aussi aux femmes qui ont des implants de faire des examens des seins régulièrement.
Pas de cas au Québec
L’Association des spécialistes en chirurgie plastique et esthétique du Québec a refusé la demande d’entrevue du Journal à ce sujet. Elle indique dans un communiqué qu’elle suivra le «dossier de près», mais ne recommande pas aux femmes sans symptômes de retirer leurs implants.
Aucun cas de ces nouveaux cancers n’a été rapporté au Québec jusqu’ici, selon l’Association.
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