[TÉMOIGNAGES] Ces jeunes ont dit non aux réseaux sociaux
Axel Tardieu
Ils ont entre 17 et 20 ans et font partie des très rares de leur génération à être joignable uniquement par téléphone ou SMS. Poster des vidéos de leurs états d'âme ou des photos de leur latté au matcha est loin de leur réalité. Pourquoi ont-ils fait ce que personne n’ose faire, quitter les réseaux sociaux?
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Reprendre confiance en soi
Il y a trois ans, Marilou Dubois passait en moyenne 45 minutes par jour sur les réseaux sociaux jusqu’à ce qu’elle réalise qu’Instagram avait un effet sur sa santé mentale.
«Je trouvais qu’à chaque fois, je me sentais juste mal, dit-elle. C’était une perte de temps. Je n’étais pas fière de moi.»
L’étudiante au cégep de Saint-Laurent se souvient qu’Instagram la poussait à se comparer aux autres et à juger. «Pour me réconforter, j’avais besoin de me dire: “Cette personne est super jolie, mais je ne comprends pas c’est quoi le trip de poser devant un verger aux pommes” (...) alors que regarder ça et générer des pensées négatives était aussi stupide.»
Elle a tout arrêté cet été. «Ça m’a permis d’avoir une meilleure confiance en moi. Je me sens plus fière de moi parce que je ne tombe pas dans le piège des réseaux sociaux.»
Sur TikTok, les tendances se font et se défont en un instant; à cause de cela, Marilou avoue se sentir parfois décalée dans certaines conversations avec ses ami.es. Malgré tout, elle ne compte pas se reconnecter de sitôt.
«C’est comme une drogue légale»
Adam Krisko, 17 ans, a eu droit d’avoir un téléphone seulement en secondaire 3. Il se rue donc sur Instagram «parce que c’était à la mode». Il passe trois heures par jour sur les réseaux sociaux, pour un total de 21 heures par semaine. «Presque une journée complète de perdue», réalise-t-il maintenant.
Toutes ces heures le nez collé sur son téléphone avaient un impact sur son sommeil, sur ses relations sociales et sur ses notes.
Pendant ces heures connectées, «j’envoyais plein de messages à tout le monde et ça me mettait aussi la pression de devoir répondre». Une responsabilité que l'élève du Collège André-Grasset voit avec le recul comme «totalement futile».
Son cerveau était constamment en train d’attendre la prochaine notification, la prochaine distraction. «T’aimes pas les trois quarts des posts que tu vois», se rappelle-t-il.
Depuis trois ans, il a dit stop à ce qu’il appelle une «drogue légale» et s’est imposé une routine. Il lit 30 minutes avant de dormir et a désactivé toutes notifications possibles sur son téléphone. Il dit avoir repris le contrôle sur son temps, «la seule ressource, au bout de ta vie, que tu vas regretter de ne pas avoir plus utilisée».
Ses notes ont augmenté. Avec ce nouveau style de vie, il s'autorise même à rêver grand. «J’aurais jamais pensé vouloir essayer la médecine... je suis vraiment content.»
«J’ai plus de patience»
Orphée Dubé-Gervais s’est inscrite sur ses premiers réseaux sociaux à l’âge de 13 ans. Ils l’ont accompagnée dans sa vie pendant plus de cinq ans. Elle utilisait TikTok tous les jours «par ennui», dit-elle.
«C’est la culture de l’instantanéité. C’est du contenu qui était rapide, accrocheur. Ça me prenait beaucoup, beaucoup de temps», se souvient-elle. Orphée réalise un jour que ces heures à scroller diminuent sa capacité de concentration et lui grugent du temps qu’elle pourrait réinvestir dans «quelque chose de plus constructif».
En septembre, elle fait le saut et quitte la plateforme. «J’ai plus de patience et j’ai tendance à plus souvent finir les contenus que je regarde», constate l’étudiante de 19 ans. Cette décision a aussi modifié ses relations sociales.
Ses relations sont devenues plus «organiques» et authentiques. «Il y a une espèce d’homogénéité qui se crée entre les gens qui fréquentent TikTok. Ils sont exposés aux mêmes références culturelles.» Loin de ces «chambres d’écho», Orphée se sent exposée à plus de diversité et ressent «une amélioration globale» de sa qualité de vie.