Publicité
L'article provient de 24 heures

Sylvain Marcoux, le néonazi qui voulait devenir député du Québec

Photomontage Marilyne Houde
Partager
Photo portrait de Mathieu Carbasse

Mathieu Carbasse

2022-09-07T06:45:00Z
Partager

Un complotiste d’extrême droite, accusé en 2020 de harcèlement envers le Dr Horacio Arruda, prépare sa candidature dans la circonscription de Drummond–Bois-Francs. Dans son sillage, une poignée de militants identitaires devraient également se présenter comme candidats indépendants ou sous la bannière du nouveau parti qu’il souhaite créer: le Parti nationaliste chrétien.


[AVERTISSEMENT] Nous tenons à vous prévenir que ce texte contient des propos niant l’existence de l’Holocauste ou remettant en question la tuerie à la grande mosquée de Québec. Toutefois, nous pensons qu’il est d’intérêt public de mettre en lumière certains courants politiques susceptibles de mener à des dérives. Nous choisissons donc de les partager avec vous à des fins d’information, mais ne les soutenons d’aucune manière. Merci et bonne lecture.


Dans le dictionnaire Larousse, le terme «néonazi» définit une personne qui adhère à un mouvement d'extrême droite dont le programme s'inspire du nazisme. Selon les experts que nous avons interrogés, les prises de position de Sylvain Marcoux concernant notamment l’Allemagne nazie, l’Holocauste ou encore le suprémacisme blanc lui valent de figurer dans cette catégorie.  

«Ça fait un certain temps qu’on le voit graviter dans le monde politique, autant sur la scène fédérale, provinciale et même municipale, explique Frédérick Nadeau, chercheur au Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation du cégep Édouard-Montpetit (CEFIR). Il s’agit d’un militant néonazi très classique, qui baigne dans les théories du complot.» 

Publicité

Dans l'une des vidéos de Sylvain Marcoux, hébergée sur la plateforme Odyssee, on peut clairement identifier le collant du groupe White Lives Matter Québec (en haut à droite).
Dans l'une des vidéos de Sylvain Marcoux, hébergée sur la plateforme Odyssee, on peut clairement identifier le collant du groupe White Lives Matter Québec (en haut à droite). Capture d'écran

En entrevue à 24 heures, Sylvain Marcoux tient ainsi des propos qui ne sont soutenus ni par les historiens, ni par les experts scientifiques, ni par la grande majorité des spécialistes. Il nie par exemple l’existence des camps d’extermination et des «soi-disant chambres à gaz». Selon lui, il y a bien eu des camps de déportation sous le régime national-socialiste allemand, mais il n’y a jamais eu de politique génocidaire. «Auschwitz-Birkenau était un camp de travail, c’était une usine de production de caoutchouc. Il y avait des gymnases, des terrains de soccer, des piscines, des orchestres, etc.», explique-t-il le plus sérieusement du monde. 

(Pour tout savoir sur l’histoire de l’Holocauste, cliquez ici)

Le militant d'extrême droite demeure par ailleurs convaincu que «Hitler n’a jamais voulu la guerre» et n’hésite pas à vanter certains éléments du programme de l’Allemagne nazie. Ses positions ouvertement antisémites – pour lui, les Juifs sont «un groupe ethnocentré qui vise la domination totale en mettant sur pied un gouvernement mondial» – ne laissent planer aucun doute sur la nature profonde de ses convictions.  

Des convictions qui poussent aujourd’hui ce Drummondvillois de 47 ans à se porter candidat aux élections provinciales du 3 octobre prochain dans la circonscription de Drummond–Bois-Francs. Et personne ne peut l’en empêcher, pas même Élections Québec ou la Loi électorale. 

Intimidation du Dr Arruda 

Issu du mouvement identitaire, Sylvain Marcoux gravite à la droite de la droite depuis plus d’une dizaine d’années. Proche de la Fédération des Québécois de souche et, plus récemment, de la cellule québécoise du mouvement White Lives Matter, ce fervent partisan du Canada français a même déjà été candidat aux élections fédérales de 2021, ainsi qu’aux provinciales de 2018 où il avait recueilli 0,72% des votes (250 voix). 

Publicité

Mais sa carrière politique n’a pas connu que des échecs puisqu’il a déjà été élu comme conseiller municipal dans le petit village de Saint-Majorique de 2013 à 2017. Lors de l’élection, il avait obtenu 56,28% des voix (soit 345 au total). De quoi lui permettre de bénéficier d’une certaine légitimité, du moins localement. 

L'ancien directeur national de santé publique, Horacio Arruda
L'ancien directeur national de santé publique, Horacio Arruda Photo Agence QMI, Joël Lemay

Très actif sur les réseaux sociaux, notamment sur sa chaîne YouTube ou sur la messagerie Telegram, Sylvain Marcoux s’est fait remarquer récemment pour son opposition farouche aux mesures sanitaires reliées à la COVID-19. 

En septembre 2020, il a ainsi dû faire face à des accusations de harcèlement, d’intimidation et de menaces envers le Dr Horacio Arruda. Il lui était reproché d’avoir tenu des propos menaçants à l’endroit de l'ancien directeur national de santé publique sur les réseaux sociaux et d’avoir publicisé son adresse personnelle. Après lui avoir écrit une lettre d’excuses, le militant complotiste s’est engagé à ne pas troubler l’ordre public pendant 12 mois. Les accusations criminelles portées contre lui ont en contrepartie été abandonnées. 

Un parti en cours d’autorisation 

Le 11 août dernier, Sylvain Marcoux a déposé une demande d’autorisation auprès du directeur général des élections afin de créer un parti politique, le Parti nationaliste chrétien. Une demande qui, si elle est acceptée avant le 17 septembre (date limite du dépôt des candidatures), lui permettra de solliciter et de recueillir des contributions politiques, pour effectuer des dépenses ou pour contracter des emprunts. 

Publicité

En entrevue, ce dernier confie que la création d’un parti lui permettrait surtout d’avoir «plus d’impact au niveau national», car «ça prend plus qu’un candidat pour être capable de former un gouvernement». Surtout, ce serait un véhicule parfait pour essaimer ses idées au-delà de sa circonscription. 

Sur le site du Parti nationaliste chrétien, on trouve d’ailleurs une première ébauche de programme politique dans l’énoncé des objectifs du parti, parmi lesquels: réinstaller le crucifix au-dessus du siège du président de l’Assemblée nationale, proclamer la souveraineté du Québec, instaurer un moratoire complet sur l’immigration, mettre fin à toutes formes de «discrimination positive» et de subvention aux organismes promouvant le multiculturalisme, instaurer des politiques natalistes, etc. 

Mettre fin au «catastrophisme» climatique

Un peu comme le parti d’Éric Duhaime, le Parti nationaliste chrétien veut rallier à lui les antivaccins et tous ceux qui souhaitent mettre fin à «l’escroquerie pandémique», selon les mots de Sylvain Marcoux. Pour lui, la COVID n’est qu’une «instrumentation de la grippe pour faire peur à la population et endetter les États», une «fraude intellectuelle» dont les médias se rendent complices.   

Parmi les autres faussetés qu’il véhicule dans son discours, M. Marcoux veut ainsi abolir les politiques associés aux «délires de pseudo-changements climatiques anthropiques». Il serait temps d'après lui de «réhabiliter l’inoffensif et noble gaz CO2 qui est un élément essentiel à la végétation, à l’océan et au vivant en général». Et d’arrêter avec le «délire» et le «catastrophisme» climatique.

(Pour tout savoir sur les changements climatiques, consultez notre section Urgence Climat)

Publicité

Selon ce qu’affirme Sylvain Marcoux, le Parti nationaliste chrétien aurait déjà recueilli 125 signatures d’électrices et d’électeurs membres, soit plus que la barre de 100 signatures fixée par Élections Québec dans le cadre d’une demande d’autorisation.  

Autant dire que le parti a de bonnes chances de voir officiellement le jour dans les prochaines semaines. Si tel est le cas, il pourrait servir d’étiquette à plusieurs candidats proches de son chef, dans Johnson, en Beauce, à Repentigny ou encore dans L’Assomption. 

Contre le système des partis 

Si son parti n’obtient pas l’autorisation d’Élections Québec à temps pour le scrutin du 3 octobre, Sylvain Marcoux envisage quand même de se présenter comme candidat indépendant. Car le plus important pour lui est d’être candidat, coûte que coûte. Un comble pour un militant qui n’a de cesse de fustiger le système démocratique.  

«Pour lui, le système des partis, c’est une illusion. Il n’y a qu’un seul parti au Québec, subdivisé en 5 partis: le PLQ, le PQ, QS, la CAQ et le parti d’Éric Duhaime, explique Frédérick Nadeau du CEFIR. Il critique même le Parti conservateur du Québec parce que, oui le Parti conservateur a été très critique sur la gestion de la pandémie. Mais il n’a pas remis en cause l’existence même de la pandémie. Il reproche aussi à Duhaime de vouloir freiner l’immigration illégale, mais pas la légale... Pour lui, Duhaime est un pro-immigration.» 

«Ces partis sont soumis selon lui au même agenda mondialiste. On revient au fameux complot juif qui est au centre du discours néonazi classique. On est vraiment dans cette optique-là. Il veut donc participer au système pour le changer de l’intérieur», résume le chercheur, spécialiste des mouvements d’extrême droite.  

Publicité

Aucun moyen de l’interdire  

Même si Élections Québec se dit «à l’affût du phénomène propre à l’extrémisme et aux discours haineux», notamment dans le contexte de son mandat lié à l’autorisation des partis politiques et des personnes candidates, il lui est impossible de refuser d'émettre ladite autorisation.  

«Les lois électorales québécoises n’encadrent pas les idées ou les programmes des partis ou des candidats. Elles protègent ainsi le droit fondamental de se porter candidat lors d’une élection et de former des partis politiques», explique Julie St-Arnaud Drolet, porte-parole d’Élections Québec. 

En d’autres termes, même si les principaux objectifs d'un parti étaient de fomenter la haine contre un groupe identifiable, aucune disposition de la Loi électorale ne permettrait actuellement de refuser l'enregistrement du parti ni de le radier.  

«J’assume ce que j’avance» 

Une situation d’autant plus préoccupante que Sylvain Marcoux refuse d’endosser la moindre responsabilité quant à la portée de sa parole et aux conséquences qu’elle pourrait avoir.  

«Est-ce que je dois me censurer parce que des gens vont mal interpréter mes propos? Ce n’est pas à moi de prendre ça sur mes épaules, se défend-il en entrevue. J’assume ce que j’avance. Si l’interprétation de mes propos conduit à l’irréparable... ce serait de ma faute? Voyons donc! C’est comme de dire qu’Alexandre Bissonnette, c’est à cause de Trump. C’est ridicule!»  

D’ailleurs, dans l’entrevue qu’il nous a accordée, le militant néonazi ne se prive pas de remettre en question la tuerie perpétrée à la grande mosquée de Québec.     

«C’est évident que le cas d’Alexandre Bissonnette a été instrumentalisé! Tout pousse à le croire: son appel au 911, son interrogatoire, etc. Pourquoi qu’il n’y a pas eu de procès? Il aurait plaidé coupable en plus... Avez-vous vu une seule photo, une seule image d’une victime? Est-ce que réellement Alexandre Bissonnette a tiré sur des gens à la mosquée de Québec? C’est loin d’être clair...», se demande ainsi Sylvain Marcoux lorsqu’on l’interroge sur ce qui s’est réellement passé le soir du 29 janvier 2017.   

(Pour mieux comprendre l’attentat à la grande mosquée de Québec, cliquez ici)

Un mouvement très marginal 

Si Sylvain Marcoux parvient à ses fins en créant un parti politique, et s’il se porte candidat aux prochaines élections, il ne faut pas croire cependant qu’il s’agisse là d’une tendance de fond à la droite de l’échiquier politique québécois. Selon Frédérick Nadeau, ce mouvement bien présent demeure toutefois très marginal.  

«Il y a des groupes néonazis actifs au Québec, présents sur les réseaux sociaux, mais ça reste une frange très marginale. Ces groupes profitent du cynisme d’une partie de la population envers la démocratie en général et les différents partis politiques. Ils profitent aussi de la montée du mouvement conspirationniste et anti-mesures sanitaires.» 

Publicité
Publicité