Publicité
L'article provient de TVA Sports
Sports

Les probabilités de succès sont faibles pour Martin St-Louis

Partager
Photo portrait de Patric Laprade

Patric Laprade

2022-02-11T14:22:13Z
Partager

La nomination de Martin St-Louis au poste d’entraîneur-chef du Canadien de Montréal a certes fait jaser cette semaine.

Non pas parce que l’être humain n’est pas apprécié ou que l’ancien joueur et membre du temple de la renommée n’est pas respecté, mais bien parce que St-Louis n’arrive pas avec un fort bagage d’expérience pertinente comme entraîneur. Sa seule expérience en la matière est au niveau pee-wee dans l’état du Connecticut. On est bien loin des professionnels.

Je me suis donc posé la question.

Quels anciens joueurs de la Ligue nationale de hockey, quels membres du temple de la renommée ont eu une brillante carrière en arrière du banc, sans avoir une expérience appropriée. Par appropriée, j’entends avoir été entraîneur-chef au niveau junior ou professionnel, ou bien assistant-entraîneur dans la LNH, avant d’obtenir un poste d’entraîneur-chef dans celle-ci.

Dans mon analyse, j’ai écarté du processus ceux qui avaient une faible expérience, mais qui en avait tout de même une. Je pense notamment à Kevin Lowe, qui avait été assistant-entraîneur à Edmonton qu’une seule saison avant de remplacer Ron Low.

De 1971 à 1985, un hockey différent  

J’ai regardé 35 ans en arrière, jusqu’aux entraîneurs ayant débuté leur carrière durant la saison 1986-87. Avant ça, il arrivait plus fréquemment de voir un ancien joueur faire le saut plus rapidement comme entraîneur. Le hockey était différent. Les mentalités l’étaient aussi. Il fallait surtout connaître le hockey, il n’y avait qu’un entraîneur derrière le banc et il n’y avait pas un agent qui venait critiquer le temps de glace de son client. Les joueurs étaient liés presque à vie à la même équipe. On voulait souvent trouver une façon de garder un joueur qui avait passé toute sa carrière dans l’équipe ou qui s’était retiré avec l’équipe. Et l’entraîneur n’avait pas à gérer des millionnaires, des petites PME ambulantes, comme c’est le cas aujourd’hui.

Publicité

Question tout de même de comparer les époques, 17 anciens joueurs sont devenus entraîneurs sans expérience entre 1971 et 1985. La moyenne pour ceux-ci est de trois saisons, 170 parties et un pourcentage de victoires de 0.406. L’ancien ailier gauche Bob Pulford est celui qui ressort du lot, avec 829 matchs comme entraîneur dans la LNH.

Une rareté depuis 35 ans  

La réalité plus récente est bien différente.

En effet, de 1986 à 2006, seulement sept joueurs deviendront entraîneurs sans expérience. J’exclus Phil Esposito, qui était directeur-général et qui est devenu entraîneur que de façon temporaire, le temps de trouver un remplaçant aux entraîneurs qu’il venait de congédier.

Brian Sutter, l’un des frères de la célèbre famille, est celui qui a connu le plus de succès après être passé directement de joueur à entraîneur.

Après une carrière de 779 matchs dans la LNH, Sutter prend les règnes de la seule équipe pour laquelle il a joué, les Blues de St-Louis, en 1988. Il sera derrière le banc des Blues, des Bruins, des Flames et des Hawks 1 028 fois, dont 451 victoires. Toutefois, en séries, il ne se rendra jamais plus loin que la deuxième ronde, manquant les séries cinq fois en 13 saisons.

Butch Goring se retire en 1985 avec les Bruins après une carrière de 1 107 matchs. Les Bruins le nomment coach la saison suivante. L’aventure ne dure qu’un peu plus d’une saison. Il ne reviendra dans la LNH que 12 ans plus tard, avec les Islanders, pendant seulement deux saisons.

Publicité

À la suite du congédiement de Goring, c’est au tour de Terry O’Reilly, qui venait de prendre sa retraite, après avoir joué toute sa carrière avec les Bruins, d’être nommé entraîneur-chef. Il y restera pendant trois saisons, avant de quitter afin de prendre soin de son garçon malade. Il avait pourtant connu du succès avec les Bruins. En 227 parties, il a maintenu une fiche de 115-86-26 et a entre autres mené son équipe à la finale de la coupe Stanley en 1988. Il ne sera plus jamais entraîneur-chef par la suite.

Un autre ancien Bruin, le défenseur tout étoile Brad Park, prend sa retraite avec les Red Wings au printemps 1985 et en décembre 1985, est nommé coach et directeur du personnel des Red Wings. Après seulement huit victoires en 39 parties, il sera remercié et ne coachera plus jamais.

Comment oublier Mario et Wayne?  

Ce qui nous amène aux années 1990, alors que notre bleuet national, Mario Tremblay, s’amène à Montréal en 1995 après avoir passé la dernière décennie dans les médias. Tremblay obtient un pourcentage de victoires de 0.447 en saison régulière. Sa fiche est pire en séries, avec seulement trois victoires en 11 parties. Il démissionne au bout de deux saisons et ne sera plus jamais entraîneur-chef dans la ligue.

Les années 2000 nous proposent deux autres anciens joueurs, les deux derniers joueurs sans expérience à avoir été nommé entraîneur-chef avant la nomination de Martin St-Louis.

Après 1 031 matchs dans la LNH, Ed Olczyk se retire pour devenir commentateur pour les matchs des Penguins de Pittsburgh. À l’instar de Tremblay, quelques années plus tard, on le nomme entraîneur-chef de ces mêmes Penguins. En 113 parties, il n’obtient que 31 victoires et sera remplacé par Michel Therrien avant de pouvoir compléter sa deuxième campagne.

Publicité

Presque au même moment, le meilleur joueur de l’histoire du hockey, Wayne Gretzky, est nommé entraîneur des Coyotes de Phoenix. Depuis quatre ans, il avait des parts dans l’équipe de l’Arizona.

Comme quoi un bon joueur ne fait pas toujours un bon coach, Gretzky ne participera jamais aux séries, en plus d’avoir une fiche de 143 victoires en 328 parties. Il démissionne au terme de sa quatrième saison et ne reviendra plus jamais derrière le banc d’une équipe.

Déterminer l’expérience pertinente, pas toujours simple  

Comme toute analyse, on tombe sur des cas qui ne sont pas tout noir ou tout blanc, rendant la notion d’expérience pertinente interprétable.

Par exemple, l’histoire de Jim Schoenfeld. Après 13 saisons dans la LNH, principalement avec les Sabres, il est engagé comme coach des Americans de Rochester dans la Ligue américaine. Mais après seulement 25 parties, il revient au jeu avec les Sabres. L’année suivante, Scotty Bowman l’embauche comme entraîneur. Cependant, à la mi-saison, Bowman le congédie. Ça n’arrête pas Schoenfeld qui continuera sa carrière jusqu’en 1999. En 580 parties, il a maintenu une fiche de 256-246-78, mais son parcours en séries sera moins étincelant.

Quelques années plus tard, toujours à Buffalo, Craig Ramsay est nommé assistant-entraîneur, après avoir passé toute sa carrière avec les Sabres. Mais après seulement 13 parties, il remplace Scotty Bowman qui voulait se concentrer sur son travail de directeur-gérant. L’expérience sera toutefois de courte durée alors qu’il sera congédié le mois suivant. La place à Bowman était définitivement derrière un banc! Ramsay retournera à la barre d’une équipe 13 ans plus tard seulement, pendant 75 matchs, puis 10 ans après cette dernière expérience, en 2010-11, pour une seule saison avec les Thrashers.

Publicité

Tout comme Ramsay, Tony Granato n’aura pas grand temps pour s’acclimater à sa nouvelle réalité.

Au terme de la saison 2000-2001, Granato conclut une carrière de 15 saisons. Seize mois plus tard, il est embauché pour seconder Bob Hartley avec l’Avalanche du Colorado. Toutefois, après seulement 31 parties, Hartley est congédié et Granato le remplace.

L’équipe finit l’année en force, mais se fait éliminer en première ronde des séries. À sa première année complète, Granato mène l’équipe au deuxième rang de sa division, mais perd en deuxième ronde contre les Sharks. Granato démissionne et demeure l’assistant du nouvel entraîneur, Joël Quenneville. En 2008, à la suite du départ de Quenneville, Granato revient à la barre de l’Avalanche, mais sa fiche de seulement 32 victoires, la pire depuis la fin des Nordiques, lui est fatale et il se fait montrer la porte. Bien qu’il ait coaché à d’autres niveaux et qu’il dirige maintenant la destinée des Badgers du Wisconsin, il n’est toujours pas revenu dans la LNH.

Lorsque Bob Gainey quitte le Canadien en 1989 pour aller en France, il est nommé joueur-entraîneur avec l’équipe d’Épinal en deuxième division de France. C’est à la suite de cette mince expérience qu’il est embauché comme entraîneur-chef des North Stars du Minnesota.

À sa première saison, il amène son club à la finale de la coupe Stanley, perdant en six matchs contre Mario Lemieux et les Penguins. En 1992, il cumule les fonctions d’entraîneur et de directeur-gérant, rôle pour lequel il sera principalement reconnu dans les années à venir. Après la saison 1995-96, il ne retournera derrière le banc qu’à deux reprises, à Montréal, afin de terminer une saison suite au congédiement d’un de ses entraîneurs. Sa fiche est de 194-218-60, tandis qu’en séries, après la finale de 1991, il se fera éliminer en première ronde quatre fois, en deuxième ronde une fois et manquera les séries à une autre occasion.

Publicité

Alors je vous pose la question.

Est-ce qu’avoir été assistant-entraîneur pendant 30 parties ou moins est une meilleure expérience que celle qu’avait Martin St-Louis avant le match d’hier? Qu’en est-il d’une saison complète comme joueur-entraîneur en France?

Avouez qu’il n’est pas facile de trancher.

En conclusion  

Au cours des 35 dernières années, la ligue a vu passer pas moins de 186 entraîneurs. De ce nombre, 29 ont coaché pendant 10 saisons ou plus, 39 ont participé à au moins 500 parties, 43 ont obtenu au moins 300 victoires, 19 ont remporté la coupe Stanley et 43 ont un pourcentage de victoires supérieur à 50%.

Sur les 11 entraîneurs sans expérience que j’ai répertoriés, incluant les cas interprétables, deux ont coaché pendant 10 saisons ou plus, deux ont participé à au moins 500 parties, un seul a obtenu au moins 300 victoires, un autre a remporté la coupe Stanley et un dernier à un pourcentage de victoires supérieur à 50%.

Bien que l’échantillon soit faible, comme en fait foi le tableau ci-bas, toute proportion gardée, les entraîneurs-chefs sans expérience ne font pas le poids.

Avec exp.   

10 saisons: 0.16 

500 matchs: 0.21 

300 victoires: 0.23 

1 coupe: 0.10 

50% de vict.: 0.23

Sans exp.   

10 saisons: 0.18 

500 matchs: 0.18 

300 victoires: 0.09 

1 coupe: 0.09 

50% de vict.: 0.09

Évidemment, l’expérience, petite ou grande, n’est pas un gage de succès. Il n’y a pas une formule parfaite pour devenir un bon entraîneur-chef. Cependant, ce qui est certain, c’est que les probabilités de succès, basées sur ces statistiques, ne l’avantagent pas.

Une longue et fructueuse carrière ou plutôt une courte carrière sans éclat, Brian Sutter ou Mario Tremblay, telle est la question, qui aura réponse plus tôt que tard.

Publicité
Publicité