Sonia Benezra fait de touchantes confessions sur le décès de sa mère
Michèle Lemieux
Même si on les voit venir, certaines étapes de la vie sont particulièrement difficiles à traverser. La perte d’un parent en fait partie. Le 30 janvier dernier, Sonia Benezra a perdu sa maman, Perla Louk Benezra, pour qui elle était une proche aidante depuis plusieurs années. Ce départ laisse chez l’animatrice un vide immense et un sentiment de solitude inédit, mais l’amour et la reconnaissance qui l’habitent lui donnent la force d’avancer à travers ce deuil douloureux. Sonia a accepté de partager son histoire non seulement en hommage à sa mère, mais aussi pour tous ceux qui traversent un deuil ainsi que tous les proches aidants qui travaillent dans l’ombre.
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Sonia, la ligne de manteaux que vous nous avez présentée l’année dernière se poursuit avec succès, semble-t-il...
Bien sûr. Au moment où j’ai lancé la collection avec mon ami Gaby Moyal, la santé de ma mère était très fragile. Je l’ai quand même mise sur pied tout en prenant soin de ma maman. Ma mère n’acceptait pas que j’arrête de travailler pour elle. Quand elle a vu la collection de manteaux, elle en a été très fière. Avec son départ, je n’ai pas eu le temps de m’y consacrer, mais je compte m’y remettre ces jours-ci. Je vis une période très difficile, mais je suis déterminée à poursuivre la collection. L’été dernier, Jean-Philippe Wauthier a été le premier à en porter un. Il m’avait vue porter le mien en arrivant à Bonsoir bonsoir! et l’avait trouvé cool. C’était l’échantillon du modèle LOVE. Récemment, Rita Baga portait l’un de mes manteaux, le modèle BETTY qui ressemble à une bande dessinée et qui est le plus flyé de ma collection. Il est tellement parfait pour Rita! Alors oui, je recommence à me concentrer sur le travail.
Le départ de votre mère semble avoir été un moment particulièrement douloureux pour vous. Avez-vous perdu vos repères, en quelque sorte? Lorsque je m’occupais d’elle, plusieurs me disaient que je n’avais pas de vie, mais je n’étais pas d’accord avec ce point de vue. Je considère que c’est depuis son départ que je n’ai pas de vie. Avec ma mère, j’avais un but, une raison d’être. Je ne pense pas que j’aurais pu faire quelque chose de plus important que de prendre soin de ma mère. Maintenant, j’espère avancer dans ma vie avec toute cette expérience que j'ai acquise. Faire de bons choix. Me sentir utile. Grandir...
Vous avez eu le chance de l'accompagner jusqu'à la fin?
Oui, et quel privilège ç'a été de pouvoir l'accompagner jusqu'au dernier moment. Toutes ces années, ma mère a été ma priorité. J’ai commencé mon deuil bien avant son départ. Je souffre depuis très longtemps... Je savais que ça allait arriver... (Sonia est submergée par l’émotion.) Les larmes sont imprévisibles chez moi: elles arrivent quand je ne m’y attends pas. L’autre jour, à la pharmacie, quelqu’un m’a demandé des nouvelles de ma mère, ignorant qu'elle était décédée. J'ai craqué. Encore maintenant, je trouve difficile de dire que ma mère est décédée.
Vous vivez difficilement l’absence?
Oui. Ma santé mentale en a pris un coup. Je vis beaucoup de tristesse. Mes sœurs sont inquiètes pour moi. Nous sommes toutes tristes, mais elles s’inquiètent pour moi, car je pleure beaucoup. Je me préparais pour son départ. Elle n’arrêtait pas de me dire: «Il va falloir que tu m’aimes moins...» Je n’en ai jamais été capable... Elle savait que ça serait difficile pour moi et ça l’inquiétait. Mes sœurs l’aimaient autant, mais elles me disent souvent que j’ai permis à notre mère de vivre ce qu’elle n’avait jamais vécu.
Parce que vous lui avez apporté beaucoup de joie au quotidien?
Oui. Ces dernières années, comme elle ne pouvait plus marcher, elle a lâché prise et, pour une fois dans sa vie, elle s’est laissé gâter et aider après avoir constamment été celle qui gâtait et aidait les autres. Elle a été heureuse dans cet abandon qu’elle n’avait jamais connu auparavant. Elle a aimé que je lui fasse des manucures, que je la coiffe, que nous jouions aux cartes, que nous écoutions de la musique ou que nous regardions nos films préférés, choses que nous n’avions jamais faites régulièrement avant. Lorsqu’elle était jeune, ma mère a aidé ses parents, puis elle a travaillé très tôt dans la vie. Elle a eu beaucoup de responsabilités, a vécu l’immigration, a eu quatre filles.
Votre mère a été chanceuse d’être ainsi accompagnée par ses filles...
Elle n’arrêtait pas de dire à quel point elle était chanceuse. Certains tiennent cela pour acquis, mais pas elle. Nous aussi, nous avons été chanceuses et nous le savions. Et nous non plus, nous n’avons rien tenu pour acquis. Je remercie la vie pour ces années bonus que nous avons eues avec elle. Ses problèmes de santé nous ont permis de nous arrêter pour vivre chaque moment à ses côtés. Elle s’est abandonnée et a accepté ce qui lui est arrivé. Elle n’a jamais été en colère. Après son départ, j’ai été malade comme je ne l’avais jamais été... Lorsque j’ai parlé à ses funérailles, je ne sais pas où j’ai trouvé la force de le faire, j’étais dans une autre zone. Dans la religion juive, on enterre la personne le lendemain de son décès. Commence alors Shiva, une période de sept jours où la famille endeuillée s’assoit à la maison sur des chaises plus basses que la normale afin d’être près de la terre où se trouve l’être aimé. Nous n’avons pas le droit de préparer de la nourriture: ce sont les autres qui l’ap-ortent et nous l’offrent. C’est un moment de partage de souvenirs.
À cette occasion, vous avez sûrement entendu de beaux témoignages...
Oui, car la beauté dans tout cela, c’est que nos meilleurs amis, la famille, des gens que nous aimons profondément viennent nous visiter, mais c’est aussi l’occasion de retrouver des amis d’enfance. J’ai même reçu la visite d’amis que je n’avais pas vus depuis l’école primaire. J’ai été touchée par tous ces gens qui nous ont partagé de beaux souvenirs de notre mère. Selon la tradition juive, nous devons aussi garder les mêmes vêtements. Le jour de l’enterrement, le rabbin nous donne un petit foulard qu’on coupe sur nous pour signifier que nous sommes en deuil. Nous n’avons pas touché aux effets personnels de ma mère, car dans la religion juive, nous considérons que l’âme reste près de nous pendant près d’un an. Nous ne touchons rien pendant 10 mois. Encore aujourd’hui, je trouve difficile de rentrer chez elle... Je pleure chaque fois que je mets la clé dans la porte. Ma sœur Esther, quant à elle, préfère être chez notre mère plutôt que chez elle. Moi, j’ai besoin de temps. La plupart des gens le comprennent, mais certains ne savent pas quoi dire, et je les comprends...
À quoi faites-vous allusion?
Selon moi, on ne devrait pas dire à quelqu’un qui est endeuillé: «Il va falloir que tu t’en remettes! C’est la vie!» Je le sais que c’est la vie! Ce n’est pas méchant, mais c’est malhabile. Logiquement, je comprends, mais émotivement, je n’y parviens pas. J’admire les gens qui contrôlent leurs émotions, mais ce n’est pas mon point fort. Ma meilleure amie, Éliane, m’a dit: «Je ne veux pas que tu pleures en public!» Elle a raison! Quand ça m'arrive, je ne suis pas fière de moi. Une mère aurait beau avoir mille ans, son départ surviendrait toujours trop tôt dans la vie. Certains pensent que les gens âgés veulent mourir. Ce n'est pas nécessairement le cas!
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La première année d’un deuil, c’est aussi toutes ces premières fois sans la personne aimée.
Effectivement. Rien ne comblait plus ma mère que d’être avec ses filles et ses petits-enfants, et nous aussi. Depuis son départ, tout a changé... Toutes les fêtes, toutes les traditions sans elle... Le 10 mars dernier, c’était l’anniversaire de ma mère. Elle aurait eu 95 ans. C’était pénible. Ma mère, qu’on avait toujours célébrée en grand, n’y était plus. Ma mère n’a jamais dit qu’elle n’en pouvait plus, qu’elle ne voulait pas vivre. Elle était heureuse. Elle est partie comme elle a vécu: sans déranger personne. Je pense qu’elle s’inquiétait plus pour nous. Ç’a été une année difficile... J’ai perdu ma mère, et aussi mon cousin, la sœur et le frère de ma mère un mois auparavant. Ma pauvre tante a perdu son fils et trois frère et sœurs... Nous n’avions pas le temps de faire le deuil de l’un que nous en perdions un autre. Ma mère est restée veuve si longtemps... J’espère que mes parents se sont revus... Je trouve extraordinaire d’avoir vécu cet amour si fort avec ma mère et mes sœurs. Depuis le départ de ma mère, pour la première fois de ma vie, je me sens seule. Je n’avais jamais éprouvé ce sentiment avant...
Vous avez au moins eu la chance de profiter de sa présence, de prendre le temps de mieux la connaître...
Oui, sachant qu’elle allait partir, je lui ai posé toutes sortes de questions sur son enfance, son premier amour, sa famille, ce qu’elle avait vécu. J’ai envie de dire aux gens qui ont un parent de ne pas attendre qu’il soit malade pour lui poser toutes ces questions qu’on pose souvent aux autres, mais rarement à nos proches. Il faut profiter de chaque instant. Même si c’est difficile, ce sont des moments que vous ne regretterez jamais. Le cadeau, il est pour vous. Le deuil est toujours difficile, mais le traverser avec un sentiment de culpabilité, c’est pire... Je sais que j’ai fait tout ce que je pouvais faire. Je n’ai aucun regret. La seule chose que je regrette, c’est de ne pas avoir réalisé à quel point ma mère était extraordinaire... Je le savais, mais pas à ce point. Je suis tellement reconnaissante envers la vie que nous ayons pu la garder à la maison pendant plus de six ans. Nous avons été ensemble, unies.
Votre maman était fière de vous?
Ma mère était contente que j’aie réalisé mon rêve. J’ai eu la chance de la présenter au grand public quand j’avais mon émission. Elle regardait tout ce que je faisais. Elle s’assoyait devant sa télévision 15 minutes avant le début de l’émission... au cas où! (rires) Ma mère n’était pas plus fière de moi que de mes autres sœurs. Elle m’aimait, moi sa plus jeune, mais elle adorait sa douce Kelly, sa belle et généreuse Myriam et Esther, toujours disponible, fiable et d’une intelligence incomparable. J’ai des sœurs exceptionnelles! Je l’ai toujours dit et je le dirai toujours: avec ma famille, j’ai gagné à la loterie!
En terminant sur une note positive, Sonia, serez-vous de retour sur nos écrans prochainement?
Oui, je serai de retour à Bonsoir bonsoir! Jean-Philippe Wauthier a été parmi les premiers à m’envoyer un message lors du décès de ma mère. J’ai été très touchée. Beaucoup de gens du milieu m’ont aussi écrit un mot. Jean-Philippe m’a invitée à revenir à son émission cet été, et j’ai accepté. Travailler m’oblige à penser à autre chose... J’aimerais pouvoir travailler plus. Je pourrai me concentrer sur mon projet. Et je continue à travailler sur ma collection de manteaux... Je ne voudrais pas terminer cet entretien sans remercier tous ces gens qui ont pris le temps de m’écrire un message. Ils ont été si gentils à mon égard... Recevoir autant d’amour et de compassion durant cette épreuve si difficile fut un véritable baume sur nos cœurs. Merci beaucoup!
Une passion commune
Passionnée de mode, Sonia Benezra a lancé sa collection de manteaux signée Karma pendant la pandémie. Cette idée visait à lui remonter le moral. À travers ces pièces, Sonia rend hommage à l’auteure de ses jours, cette mère adorée dotée de doigts de fée qui lui a transmis sa passion pour la couture.
La collection Karma est disponible au karmaitaly.com.