Voici l'extraordinaire histoire de Frigo, le robineux amoureux du Centre-Sud de Montréal, racontée par le romancier Francis Ouellette dans «Sirop de poteau»
Marie-France Bornais
Auteur du roman primé Mélasse de fantaisie, Francis Ouellette offre un nouveau roman très attendu, juste à temps pour le temps des sucres: Sirop de poteau. Dans une langue vivante, puissante, unique, sincère, drôle, très proche de l’oralité, il raconte le destin tragique d’un des personnages du roman précédent, Frigo. Le fameux robineux amoureux du Centre-Sud mange la claque en s’intéressant de trop près à la belle Chantal et se retrouve à l’hôpital. Maganné. Dans une autre chambre du même établissement, le narrateur, Francis, vient au monde.
Francis Ouellette offre un roman rafraîchissant, écrit dans un style très personnel, loin d’être générique: le texte est rempli à ras bord d’expressions savoureuses et bien québécoises.
Le Frigo des années 70 qu’il décrit a réellement existé. «J’ai toujours trouvé que Frigo méritait qu’on raconte l’importance de sa symbolique dans le rapport qu’il a avec le Centre-Sud et le Faubourg à m’lasse», dit d’entrée de jeu Francis Ouellette, en entrevue.
La figure des fous
«J’ai toujours été obsédé par la figure des fous, des fous du village, des ramancheux, des survenants qui se promènent de village en village, qui ont toutes sortes de talents ou de petites facultés. Ils ramanchent des os, ils chantent des chansons. Je me rendais compte qu’il y a la même chose en ville, finalement, je trouve.»
Pour Francis Ouellette, c’est ce que Frigo a représenté, depuis qu’il est tout petit: le genre de bonhomme qui symbolise le quartier en lui-même.
«En vieillissant, ça me tentait beaucoup de lui rendre hommage, au sein d’une histoire qui serait en partie une fiction, mais qui serait surtout inspirée de sa vie, et de la mienne, par conséquent, et comment les deux vies sont mélangées ensemble.»
Frayer dans le passé
Quand il a écrit Mélasse de fantaisie, l’écrivain explique que Frigo devenait un peu l’espèce de savant fou, de magicien, de Merlin qui vit en marge du monde. «Il me permet de frayer dans mon passé et d’être protégé; je peux faire des sauts dans l’espace-temps, en tant que narrateur, en observant les moments de ma vie, grâce à Frigo.»
Il s’est rendu compte qu’il y avait tellement de matériel autour de ce fameux robineux, tellement d’histoires autour de ce personnage pratiquement légendaire, que ça ne lui rendait pas justice d’en faire juste «une espèce de guide» dans Mélasse de fantaisie.
«Sirop de poteau est devenu la proposition inverse de Mélasse de fantaisie: ce coup-ci, c’est moi qui sers de guide à Frigo, à travers sa propre vie. Frigo était mon protecteur et mon guide dans Mélasse de fantaisie, et c’est moi qui le remercie dans Sirop de poteau, en revisitant sa vie et en l’emmenant dans une zone où il devient une légende. Il passe à la prochaine étape: celle de devenir un vrai de vrai symbole, un personnage de littérature.»
Tout le monde connaissait Frigo
Frigo était une célébrité en son genre. «Tout le monde dans le Centre-Sud et dans le Faubourg à m’lasse le connaissait. Presque la moitié de tout ce que je raconte autour de cet homme-là n’est pas de l’invention.»
Il prend en exemple le nom de cet homme. «Tout le monde avait une espèce d’hypothèse particulière, à savoir pourquoi il s’appelait Frigo. De plus en plus de gens donnaient des hypothèses complètement farfelues. Au bout du compte, après des recherches, j’ai appris qu’il s’agissait tout simplement de son vrai nom de famille!»
Sirop de poteau
Francis Ouellette
VLB Éditeur
240 pages
► En librairie le 26 mars.
- Francis Ouellette vient du Centre-Sud.
- Il est directeur général de la compagnie de distribution FunFilm.
- Son premier roman, Mélasse de fantaisie, a été un énorme succès.
- Francis Ouellette est lauréat du Prix littéraire des collégien.nes et finaliste aux rendez-vous du premier roman.
- Il sera en dédicaces au Salon international du livre de Québec.
«Au cœur de ce 22 décembre de l’année 1976, l’hiver est mordant, mais il n’accote pas celui que vit Frigo en dedans. Son écorce est gelée et la sève dans ses veines peine à circuler. Faut dire qu’ils l’ont pas juste barouetté comme il faut, à’pital. Ils l’ont aussi pompé de toué bords toué côtés. Le gros mini-sip de soluté, une sonde dans le chalumeau, des peulules, des piqûres, toute le kit. Il est couché là, raide comme un poteau, notre Frigo.»
- Francis Ouellette, Sirop de poteau, VLB Éditeur
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