Serein, Denis Lévesque se confie sur sa nouvelle vie en campagne
Michel Jasmin
En mai dernier, Denis Lévesque quittait son émission à LCN pour se consacrer à des projets personnels. À 60 ans, plus conscient que jamais du temps qui file, il s’est senti happé par une urgence de vivre qui n’est pas étrangère à ses choix de la dernière année. Qu’on se rassure: l’animateur bien-aimé n’a pas quitté le métier, car il nous livre de grandes entrevues avec 25 personnalités dans le cadre du 25e anniversaire de LCN... et il a d’autres projets!
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Denis, comment te sens-tu depuis le 16 mai dernier, jour où tu as quitté ton émission à LCN?
Je pensais que j’allais ressentir un grand vide, mais je n’ai jamais été aussi occupé de ma vie! Sur le plan professionnel, j’ai toutes ces entrevues à réaliser pour le 25e anniversaire de LCN. Pascale et moi avons voyagé un peu et nous avons déménagé en Estrie. Finalement, je n’ai pas vu le temps passer... Et je n’ai pas senti de vide parce que c’est arrivé à la fin de la saison, moment où j’avais l’habitude de tomber en vacances. Durant cette période, j’ai été occupé par un blitz d’entrevues. À partir du moment où j’ai annoncé que nous arrêtions l’émission, plusieurs médias m’ont appelé, et j’ai dû faire 25 ou 30 entrevues pour les radios, télés et journaux d’ici et en province. Ça m’a tenu très occupé.
En juin dernier, tu as aussi reçu la médaille de l’Assemblée nationale. Est-ce que ç’a été un beau moment?
Oui. Cette période a culminé avec ma visite à l’Assemblée nationale quand j’ai reçu ma médaille. Ç’a été un moment très émotif. Toute ma famille était présente: mes enfants, mes beaux-enfants, ma blonde. Puis, Pascale et moi avons pris le volant et nous sommes descendus dans le sud des États-Unis, pour séjourner au bord de la mer. J’en ai profité pour rencontrer Richard Latendresse à Washington, dans le cadre de ma série d’entrevues. Je n’ai pas arrêté!
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Dans ton émission, tu es passé du variété à l’information. Est-ce que cela a changé beaucoup de choses pour toi?
C’est la pandémie qui a tout changé. Nous avons nécessairement glissé vers plus d’information. Nous étions le pendant de Larry King: il y avait autant d’entertainment que d’information, mais quel que soit le sujet, je privilégiais surtout l’émotion. Je pouvais accueillir un artiste sur l’émission, mais aussi monsieur ou madame Tout-le-Monde qui vivait des choses difficiles. Je laissais la politique aux autres, mais je parlais avec les citoyens des décisions politiques. La pandémie a fait en sorte que nous avons glissé vers l’information, car on ne parlait plus que du virus. C’était LE sujet. Pendant deux ans, j’ai trouvé ça lourd. J’étais tanné, et cela a sûrement joué dans ma décision d’arrêter.
C’est de là que viendrait ta décision de quitter l’émission?
Oui, entre autres. Je me souviens du dernier couvre-feu qu’on nous a imposé le 1er janvier 2022. Il fallait que je retourne travailler et, pour la première fois de ma vie, j’ai dit à ma blonde que ça ne me tentait pas. Je savais que pendant cinq mois, je n’allais parler que du virus. Qu’on en parle avec ceux qui avaient des doutes ou ceux qui n’en avaient pas, on se faisait ramasser des deux côtés. On disait que j’étais vendu, que je recevais des enveloppes brunes. J’étais tanné de tout ça... J’avais le goût de passer à autre chose. En février, comme j’ai constaté qu’il n’y avait pas vraiment d’accalmie en perspective, je me suis dit que c’était assez. En parallèle, mon contrat se terminait. Si j’avais eu un an de plus à mon contrat, je serais peut-être resté, mais il se terminait.
As-tu des regrets?
Aucun. Je suis très heureux et j’ai un tas de projets personnels. Je ne veux plus de projets qui m’accaparent toute l’année. Je veux des projets qui pourront s’intégrer à la vie d’un homme de mon âge.
Es-tu à l’aise de parler de ton âge?
Oui, je suis sexagénaire. Ça ne change pas grand-chose, c’est juste que si tu regardes le chemin à parcourir, il en reste moins qu’il en restait. J’ai perdu des amis. Ils sont décédés les uns après les autres. D’anciennes compagnes sont aussi décédées. Ça fait réfléchir. Ça me force à me demander ce que je veux faire des années qu’il me reste. J’aime encore mon métier et je vais être un communicateur jusqu’à la fin de mes jours, mais je veux le faire autrement. Plein de choses s’offrent à moi. Il y a une chose que je n’avais pas mesurée... C’est l’attachement du public. Lorsque j’ai annoncé que je quittais, j’ai reçu des centaines de courriels! Des gens m’arrêtent dans la rue, et ça me fait chaud au cœur. Alors je vais sûrement être encore dans les médias, mais différemment. Je pense à m’impliquer dans la production et à être plus maître de mon destin.
Dans quelle mesure Pascale est-elle intervenue dans ta décision?
Elle m’a encouragé. Parfois quand j’hésite, elle mepousse. Quand je pense aux années qu’il me reste, j’ai tendance à me dire que je ferais peut-être mieux de voyager, mais Pascale, qui me connaît bien, me rappelle que je me lasserais. Elle sait que j’ai besoin d’être dans l’action, et c’est vrai, mais peut-être pas constamment. Quand on fait ses projets soi-même, c’est plus facile de trouver le rythme qui nous convient.
Pourquoi parles-tu de Pascale en disant «ma blonde» et non «ma femme»?
Il y a un côté possessif à «ma femme», et je le sens moins quand je dis «ma blonde» ou «mon amoureuse». Pascale, c’est mon alter ego, mon âme sœur. Je n’aurais jamais pensé que ça m’arriverait. Lorsque nous nous sommes connus, j’avais 50 ans. J’avais mis une croix là-dessus. J’avais élevé mes enfants: mes filles étaient des adolescentes. J’avais des compagnes, mais je n’avais jamais pensé que je trouverais l’amour un jour. Le hasard a fait que nous nous sommes rencontrés sur mon plateau. Elle venait de se séparer, et moi aussi. Nous avons attendu un an, mais nous sentions cette chimie entre nous. Les gens nous écrivaient pour nous dire que nous faisions un beau couple. Le public a eu raison. Les gens avaient décelé cette chimie à l’antenne. À la fin de la saison, je l’ai invitée à prendre une bouchée après l’émission.
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Tu ne l’avais jamais fait avant?
Non. Nous sentions qu’il risquait de se passer quelque chose. Nous sommes allés au resto, et c’est là que tout a commencé... Ça fait 13 ans que nous sommes ensemble et 11 ans que nous sommes mariés.
Pourquoi vous êtes-vous mariés?
Je trouve que de nos jours, le vrai mariage, c’est d’avoir des enfants. Quand tu as des enfants, même si tu es séparé, tu as toujours à négocier avec l’autre parent. Comme nous ne pouvions plus avoir d’enfants, je trouvais que de se marier était une déclaration publique qui confirmait que nous nous aimions à ce point.
Comment ça s’est passé pour les enfants?
J’en ai deux, Pascale aussi. Nous avons eu un modèle singulier. Même mariés, nous vivions ensemble une semaine sur deux, car nous avions la garde de nos enfants l’autre semaine. Nous ne voulions pas imposer aux enfants une famille recomposée. Je n’ai pas eu à faire de discipline avec les enfants de Pascale et inversement. Nous avons toujours eu de bonnes relations avec les enfants de l’autre. Nous n’avons pas poussé les enfants pour qu’ils s’aiment, c’est venu tout seul. Nous avons arrosé la tige plutôt que de tirer dessus. Nous avons acheté une maison en Estrie, et tout le monde y a sa chambre. Cette maison est comme un aimant qui attire notre famille.
Quel âge ont vos enfants?
Lola, la fille de Pascale, est dans la trentaine. Romain, son fils, a étudié en cinéma à la Sorbonne. Il vit à Paris. Ma fille Myriam a 28 ans. Elle est avocate. Andréanne a 25 ans, elle termine ses études en travail social. Ils viennent régulièrement nous visiter à la maison, dont l’achat n’était pas du tout prévu. Nous sommes allés passer trois jours en Estrie, région que je ne connaissais pas. J’ai vu cette belle grande maison de style colonial américain qui servait de bed and breakfast. J’ai attendu deux ou trois jours avant d’en parler à Pascale. Je nous connais... Nous sommes capables de faire des choses qui n’ont pas de bon sens... comme acheter des vaches! (rires) Nous avons visité la maison et nous avons eu un coup de foudre.
Pourquoi avoir acheté des vaches?
Devant la maison, le lot était occupé par des vaches et ça donnait beaucoup de charme au lieu. Quand nous sommes allés habiter la maison, nous avons réalisé que les agriculteurs y mettaient leurs vaches durant l’été, mais qu’elles retournaient chez elles durant l’hiver. Nous nous sentions orphelins de nos vaches. Nous en avons parlé avec notre voisin; sa mère est propriétaire du lot en face de chez nous. Nous avons acheté des vaches, mais c’est lui qui s’en occupe. Notre voisin réalise son rêve à lui, et nous réalisons le nôtre.
Parlons de ta santé. Comment va-t-elle?
Elle va bien. Je souffre d’arthrose invasive dans les mains depuis l’âge de 40 ans. Le problème a pris de l’ampleur en vieillissant. Un médecin me faisait des injections de vitamines, mais ce n’était pas avalisé par le Collège des médecins du Québec. Ça me faisait un bien énorme! À sa retraite, personne n’a pris la relève. Cette manière de faire est autorisée en Ontario, aux États-Unis, en Angleterre, mais ce n’est pas accepté au Québec. Pendant la pandémie, je n’étais plus capable de jouer de la guitare. Je pense que ça ne reviendra plus... J’ai retrouvé un ex-confrère de classe qui est spécialiste de la douleur. C’est lui qui s’occupe de moi maintenant. Il a trouvé la dose de médicaments appropriée pour moi. Je suis encore capable de jouer du piano.
Ce talent d’auteur-compositeur-interprète te vient d’où?
Du côté des Leclerc, la famille de ma mère. Au jour de l’An, mon grand-père nous donnait la bénédiction paternelle, puis il s’installait au piano et jouait de vieilles chansons. Ma mère chantait très bien. J’ai appris seul à jouer du piano et de la guitare. Au moment de partir étudier à l’université, je ne pouvais pas apporter mon piano, je me suis donc mis à la guitare. Avec les années, je suis devenu meilleur à la guitare qu’au piano.
Y a-t-il des projets sur ce plan?
Je ferai probablement un troisième album. C’est une autre façon de communiquer. Ça permet d’exprimer des sentiments. La première chanson que j’ai composée, c’était au sujet de la maladie d’Alzheimer dont souffrait ma mère. C’est délicat d’écrire sur ses sentiments... C’est une autre manière de transmettre. Pascale a écrit une chanson qui sera sur mon prochain album. Elle vient de terminer un nouveau roman. Elle a vraiment une belle plume!
Dirais-tu que ton cheminement professionnel n’a été qu’une série de choses positives?
Non, j’ai vécu des choses difficiles. J’ai connu des hauts et des bas, mais ce métier était une passion. J’ai toujours fait du judo avec les événements. Il m’a souvent fallu repartir à zéro. L’aspect créatif l’a toujours emporté sur la déception de quitter ou de perdre un emploi. Actuellement, je suis en train de créer une autre façon de faire de la communication. J’aime me réinventer. J’ai envie de faire des choses très personnelles, mais cela ne m’empêchera pas de faire des collaborations.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter en terminant?
La santé. J’ai eu assez mal pour savoir que lorsqu’on souffre moins, on est plus performant, de meilleure humeur, plus en interaction avec les autres. Mais ça va bien.
Durant notre rencontre, as-tu craint certaines questions?
Non, je suis très serein dans la vie. L’an dernier, j’aurais peut-être eu peur que tu me demandes si j’avais envie de tout arrêter... J’ai écrit une chanson qui semble raconter l’histoire d’un couple qui se tient pour acquis. Je dois admettre que je l’ai écrite en pensant à la caméra et à mon micro... Ça faisait déjà longtemps qu’on était ensemble.
Pour souligner les 25 ans de la chaîne d’information en continu LCN, Denis Lévesque a réalisé de grandes entrevues avec des personnalités, qui sont diffusées les vendredis, à 21 h.