Le Canada n’est (vraiment) pas sorti de l’auberge


Josée Legault
Il l’avait bel et bien promis. Mercredi, Donald Trump, dans une mise en scène disjonctée digne d’un apprenti sorcier au sourire délirant, s’est «payé» une guerre commerciale mondiale.
À coups de tarifs douaniers à géométrie et géographie variables, le Canada s’est retrouvé frappé, mais moins que d’autres États. L’industrie automobile canadienne écopant entre autres secteurs importants, pas de vrai soulagement, par contre.
La seule certitude est que le président fou n’en a pas fini avec nous. Bref, on ne perd rien pour attendre.
De fait, le 2 avril 2025, le monde régressait d’un siècle. Exit le libre-échange et les alliances occidentales avec le «grand frère» américain. Même après le départ de Trump, le dommage sera fait.
L’histoire nous enseigne pourtant que l’extrême droite populiste, dont Trump est le nouveau porte-étendard, jure combattre les méchantes «élites» alors qu’elle fait tout, notamment par cette guerre commerciale, pour enrichir les mieux nantis et appauvrir les travailleurs pour les rendre encore plus dociles.
Dans ce cauchemar planétaire, le Canada est un pion parmi d’autres. Résultat: à court terme, la campagne électorale continuera de se jouer principalement sur le thème de la guerre commerciale et du choix d’un premier ministre le mieux habilité à préserver autant que se peut la souveraineté du Canada pour les quatre prochaines années.
Détournement de démocratie
On assiste bien évidemment à un détournement de démocratie imposé par un président étranger. Gouverner un pays couvre en effet des dossiers bien plus nombreux que la crise trumpienne. Mais comment faire autrement en des temps aussi exceptionnels?
Comme l’indique la remontée spectaculaire du PLC dans les sondages, Mark Carney conserve l’avantage devant le chef conservateur Pierre Poilievre, toujours miné par son image tenace de «mini-Trump» canadien.
Avec ses deux mains sur le gouvernail du pouvoir jusqu’au vote du 28 avril, le premier ministre sortant est l’unique capitaine à bord.
La phrase clé entendue partout est d’ailleurs que les «habits» de premier ministre lui iraient beaucoup mieux comme ancien gouverneur des banques du Canada et d’Angleterre que ses «habits» de chef de parti en campagne électorale comme le novice qu’il est en politique active.
Les «habits» de premier ministre
Or, un dirigeant capable de bien porter les «habits» de premier ministre en temps de crise, n’est-ce pas exactement ce qu’une part croissante de l’électorat se cherche alors que les «habits» d’un chef de parti en campagne ne durent qu’un mois?
Jeudi, en réaction à l’annonce du président Trump, son message central était justement à l’avenant tout en étant posé: «Nous allons nous battre contre ces tarifs jusqu’à ce qu’ils soient annulés, bâtir une économie renouvelée et protéger nos travailleurs et nos entreprises.»
En cela, sur le terrain même de la campagne, le plus grand défi de Mark Carney sera de ne pas «échapper» l’avance des libéraux sur les conservateurs. Particulièrement en Ontario et au Québec.
C’est pourquoi seuls des gaffes majeures ou des débats des chefs catastrophiques pour le chef libéral (ce qui est toujours possible) pourraient redonner du tonus à la campagne d’un Pierre Poilievre qui, jusqu’à maintenant, ne réussit toujours pas à projeter l’image d’un premier ministre en attente capable de braver la tempête Trump.