Sébastien Delorme avoue avoir eu peur pour son avenir quand son personnage a été tué dans District 31
Daniel Daignault
Les discussions avec Sébastien Delorme sont toujours très intéressantes. Tout récemment, lorsque je me suis entretenu avec l’interprète du personnage de Léo Macdonald d’Indéfendable, il profitait d’une semaine de pause de tournage. Qu’a-t-il fait durant ce temps? «J’apprends mes textes pour les prochains tournages! J’ai entre les mains les textes de l’épisode 212, et il y en aura 240. On va terminer la deuxième saison à la mi-novembre.»
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Sébastien, quelle est la différence entre le rôle que tu jouais dans District 31 et celui que tu as dans Indéfendable?
Les deux rôles sont complètement différents. La charge de travail peut se ressembler, mais j’ai beaucoup plus de texte à assimiler, à apprendre, à décortiquer, à travailler. Je pose plus de questions à Me Richard Dubé (avocat criminaliste et idéateur de la série) ou à Izabel (Chevrier, l’auteure), entre autres pour comprendre le point de vue de l’avocat de la défense. L’an dernier, je devais établir qui était le personnage, et cette année, il est bien établi, ce qui facilite beaucoup l’apprentissage des textes. L’ambiance est super bonne sur le plateau de tournage, je vis une très belle année sur la deuxième saison d’Indéfendable. Je ne sens plus la pression de me produire dans une quotidienne, d’avoir un deadline et des enjeux, à savoir si on allait réussir à faire nos journées, s’il devait y avoir plus d’une prise pour une scène, etc. C’est bien organisé. Je ne pensais pas qu’on pouvait arriver à travailler dans la détente sur une quotidienne comme c’est maintenant le cas. C’est tellement le fun, je suis véritablement comblé.
Dirais-tu que tu formes une belle équipe avec Michel Laperrière et Anne-Élisabeth Bossé, en plus de l’interprète d’Inès, Nour Belkhiria?
Vraiment! J’avais déjà travaillé avec Michel au théâtre, dans Charbonneau et le chef. Sinon, j’avais brièvement rencontré Anne-Élisabeth sur 30 vies. On va avoir des procès communs Michel et moi, de super belles causes. Et Anne-Élisabeth, c’est tellement le fun et agréable de travailler avec elle. C’est une grande comédienne, elle est volubile, c’est mon petit clown! Michel, c’est plus la sagesse et le côté émotif de son personnage qui ressort. Il réagit fort aux injustices, ça fait un bon mélange avec Léo Macdonald qui, lui, est plus bagarreur. La sagesse du personnage d’André Lapointe ramène Léo aux principes de loi. Nour, qui avait un background de droit, est tout simplement charmante. Au début, c’était le fun de voir comment elle découvrait tout ça, entre autres le rythme d’une quotidienne. Je suis sorti de l’école de théâtre (au Collège Lionel-Groulx) en 1995, alors ça va faire 30 ans que je pratique mon métier. Toute cette expérience-là me sert très bien pour la quotidienne.
Les gens que tu rencontres aujourd’hui te parlent-ils autant de Léo qu’ils le faisaient avec Poupou à l’époque?
Oui, c’est fou, mais les gens oublient. Quand tu es en ondes, les gens te parlent énormément de ça, et quand ça finit, ça tombe dans l’oubli, on t’en parle moins. Et maintenant, c’est Léo. Dans notre cas, c’est toujours à recommencer pour que les gens se souviennent de nous.
Avais-tu des craintes quant à ce que tu ferais quand Poupou a disparu de District 31?
Oui, j’ai eu peur, c’est sûr. Chaque fois que je perds ma job ou qu’une série ne revient pas, j’ai peur. On est travailleurs autonomes et on se demande toujours si on va passer des auditions, s’il y a des rôles pour nous, ou bien si les gens sont tannés de nous voir. Je pense que ma sortie de District a tellement fait jaser que ça m’a fait vivre une super belle publicité pour finalement embarquer dans un autre projet. Finalement, c’était la plus belle chose qui pouvait m’arriver.
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As-tu toujours eu de la difficulté à composer avec l’insécurité du métier?
C’est le métier que j’ai choisi, et mes parents me demandaient comment j’allais faire pour gagner ma vie, ils me disaient que ce n’était pas sûr. L’insécurité venait avec ce métier-là, mais c’est ce que j’ai choisi. C’était des horaires atypiques, mais aussi l’occasion de rencontrer du monde différent, d’être dirigé par plusieurs réalisateurs et metteurs en scène. C’était ça qui me stimulait, et c’est encore comme ça.
Sens-tu l’amour que le public te porte par le biais de tes personnages?
Oui... Moi, je fais ce métier pour rencontrer du monde, que ce soit d’autres comédiens ou réalisateurs et, bien sûr, le public. Comme je suis un gars gêné, ce métier m’a facilité bien des choses, dont les difficultés que j’avais à aborder les gens. Quand on fait ce métier, ce sont les gens qui font les premiers pas, ce qui, plus jeune, était ma hantise. Je trouvais ça bien tough. Le plus dur était fait quand les gens faisaient les premiers pas. Après, ça me faisait plaisir d’entrer en contact avec eux. Finalement, c’est vraiment une bonne chose que j’aie choisi ce métier.
Est-ce que ça t’a pris du temps pour combattre ta timidité?
Tellement! Au secondaire, je suis passé un peu inaperçu. J’ai commencé à faire du théâtre au cégep et ça m’a aidé à sortir de ma coquille, de ma gêne, de ma zone de sécurité. Je me demandais ce que les gens allaient penser de moi. Au bout du compte, il n’y avait pas de danger, c’est moi qui m’en faisais pour rien.
Travailler sur deux quotidiennes aussi populaires l’une à la suite de l’autre, c’est quand même quelque chose!
Oui, mais combien d’autres séries j’ai faites et qui n’ont pas accroché? Et combien de shows de théâtre j’ai faits qui n’ont pas eu de succès? Ça a l’air bien beau comme ça, mais il y a des choses qui n’ont pas marché. J’ai toujours fait mon travail du mieux que je le pouvais, mais le fait que ça marche dépend de plein de choses — par exemple l’heure de diffusion — qui font que parfois, ça ne fonctionne pas. Il y a des séries auxquelles j’étais attaché et qui sont disparues après un an, alors que j’aurais été bien content que ça continue. Comme Le 7e round (en ondes en 2006). C’était le fun, et en plus j’étais avec mon ami Patrice (Godin). J’en aurais pris une deuxième saison, mais bon. Il y a aussi eu Un homme mort (aussi en ondes en 2006). J’aurais bien aimé connaître la suite et que ça se poursuive. Je pense que c’était la dernière série qui était tournée sur pellicule. Tu imagines ce que ça coûtait, tourner une heure sur pellicule? Le monde a changé, parce que l’année suivante, tout le monde tournait en numérique. C’est très difficile d’enchaîner un succès après l’autre dans une carrière.
Parmi la vingtaine de personnages que tu as joués à la télé, y en a-t-il un qui a été plus difficile qu’un autre?
Bonne question! Je dirais que celui du boxeur Karl Tozzi dans Le 7e round était tough sur le plan physique, à cause de l’entraînement. Aux États-Unis, un comédien qui va jouer le rôle d’un champion du monde de la boxe a un an pour se préparer avec des spécialistes et des préparateurs physiques. Nous, c’était en quatre mois: il fallait perdre son gras de bébé, prendre de la masse musculaire et apprendre à boxer! Ça, c’était dur. Je tournais, je m’entraînais, je suivais une diète, et il fallait chorégraphier tous les combats. C’était costaud comme tournage, j’étais pas mal fatigué quand ça s’est terminé.
Dirais-tu qu’en ce moment, tu vis l’une des plus belles périodes de ta carrière?
Oui, sans détour. J’adore être là où j’en suis et j’en profite pleinement. Je vis de beaux moments et j’espère que ça durera le plus longtemps possible.
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Fais-tu en sorte que les plus jeunes profitent de ton expérience?
Quand on est sur une quotidienne, on se doit de rassurer les gens qui viennent pour jouer des rôles et qui n’ont pas l’habitude de travailler sur ce format d’émission. Moi, je m’applique à les calmer et à leur rappeler qu’ils ont le droit de se tromper, même si on tourne rapidement. Des fois, je fais même exprès de me tromper devant eux pour qu’ils voient que c’est possible, que je vais devoir reprendre la scène. Ça détend l’atmosphère. Personnellement, ça m’a pris du temps à composer avec ça et il faut se calmer avec le fait de vouloir être parfait. Je dirais que l’imperfection me calme.
Quelles qualités dois-tu avoir pour travailler sur une quotidienne comme Indéfendable?
Il faut être discipliné, être prêt d’avance, ce qui implique de connaître son rythme d’apprentissage. Il faut consacrer beaucoup de temps à ça, et essayer d’avoir de bonnes nuits de sommeil. C’est sûr que si je dois enchaîner quatre journées de tournage, je ne fais pas la fête. C’est plus une vie de moine, mais c’est tripant. J’ai vraiment la chance, durant neuf mois, d’être concentré sur mon travail. C’est 150 jours de tournage, on fait l’équivalent de je ne sais plus combien de films en une année! C’est sûr que mon entourage me sent un peu moins présent, quoique, avec les années, j'ai réussi à beaucoup m'amékiorer et à avoir un certain laisser-aller.
Cette discipline-là, c'était inné chez toi?
Non. Il y a deux endroits où j'ai appris à la travailler. D'abord, quand j'étais au secondare, j'étudiais au Collège Notre-DAme et ça demandait beaucoup de travail. C'était pas mal plus relaxe par la suite au cégep, mais pas à l'école de théâtre, où c'était super exigeant.
Avec les tournages, as-tu quand même du temps pour toi?
Oui, mais je fais moins de vélo, par contre. Je travaille le matin et après ça, j'essaie d'être présent pour ma famille.
Tu as toujours la même compagne, Pénélope Cordeau?
Oui, toujours, et ça va très bien.
Est-ce qu'elle te sert de répétitrice, t'aide-t-elle à apprendre tes textes?
Non, j'ai tellement de textes à apprendre! J'ai un téléphone avec une enregistreuse et je me donne la réplique. Je me fais répéter. Je vais marcher avec mon téléphone et mes écouteurs, et je parle tout seul en écoutant les répliques et en enchaînant mon texte. J'ai l'air un peu bizarre quand je marche dans la rue ou quand je tourne autour d'un banc de parc comme si je plaidais à la cour. (rires) Une chance que Richard et Izabel sont là, parce que ça donne tout la crédibilité au projet. J'aime quand il y a de la rigueur, de l'accompagnement et que c'est solide. On défend les droits de notre client, tout le monde a droit à une défense pleine et entière. Est-ce que l'interrogatoire a été bien fait? Est-ce qu'on lui a fait de fausses promesses? Est-ce qu'on l'a poussé à s'incriminer? C'est là-dessus que je me concentre quand je joue le rôle de Léo.
Depuis que tu joues ce rôle, ta façon de voir les avocats a-t-elle changé?
J'avais plus une vision des avocats de la Couronne, et maintenant, je me prends souvent à dire que tout le monde a droit à une deuxième chance. Ça fait dorénavant partie de mon vocabulaire et de ma façon de penser, ce qui est tout à fait en connexion avec l'avocat de la défense que je joue. Disons que je vais croire à la réhabilitation des gens, parce qu'il peut arriver des moments où le chaos s'empare de ta vie et où tu fais des conneries. Tu peux avoir une vie très rangée et, un jour, il t'arrive une bad luck, et on veut te mettre en dedans pour 25 ans. Dans cette série-là, on plonge carrément dans la vie et le cas des accusés. On ne fait pas juste le voir, on le ressent sur le plan émotif, on assiste à la situation dans laquelle ils étaient pour prendre des décisions, et ça donne une tout autre implication, en tant que téléspectateur, par rapport aux causes qui sont présentées. Tu peux même t'attacher aux personnages.
Qu'est-ce qui attend Léo pour cette deuxième saison?
Il lui est arrivé énormément de choses l'an dernier, à tous les points de vue, et il va essayer d'avoir un certain recul et de remettre ses valeurs à la bonne place, les valeurs familiales entre autres. L'AVC de son père fera en sorte qu'il aura besoin de prendre ce recul-là. Mais Léo est tellement carriériste! Il a tellement soif de travail, de causes, c'est la passion qui l'habite. Est-ce qu'il va être capable d'être aussi discipliné? C'est ce qu'on verra...
Indéfendable, lundi au jeudi à 19 h, à TVA.