Se déplacer à vélo, une évidence pour ces trois Montréalais
Camille Dauphinais-Pelletier
Quand elle habitait au Venezuela, Maira L. Prado Landaeta se déplaçait à vélo avant tout pour faire de l’exercice. Au moment de planifier son déménagement au Québec, elle s’est donc simplement dit qu’elle continuerait à en faire. «On m’avait dit : ils ne font pas de vélo là-bas. Et je me suis dit : c’est impossible!»
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Elle est arrivée à Montréal en mai 2015, et le mois suivant, elle s’est acheté un vélo sur Kijiji. Elle a tout de suite trouvé son expérience plus sécuritaire et agréable que dans les rues de Caracas - une ville côteuse, sans pistes cyclables, où il fait régulièrement très chaud, et où les automobilistes sont beaucoup plus hostiles aux cyclistes qu’ici, selon ses observations.
Elle a ensuite appris à faire du vélo d’hiver avant même de savoir ce qu’étaient des mitaines et des lunettes de ski. «Je ne connaissais pas la neige, mais je connaissais la boue. Je me suis dit: c’est comme la même chose, mais froid!», raconte-t-elle.
Le vélo, bon pour la santé
Maira est loin de l’image parfois un peu clichée qu’on se fait des mordus de vélo. Elle a deux enfants, habite à Montréal-Est et travaille comme physiothérapeute entre Saint-Léonard et Anjou. Elle est arrivée à notre entrevue en robe avec des bottes à talon haut. «Je veux montrer aux gens qu’on peut être habillé propre même quand on se déplace à vélo», a-t-elle dit d’emblée.
Pourquoi tient-elle tant à ce mode de déplacement? «Ç’a des avantages individuels, dont l’augmentation de la capacité cardiovasculaire et musculaire», dit d’emblée celle qui soigne régulièrement des gens qui se retrouvent à souffrir à cause d’un manque d’exercice physique régulier. «Ça aide aussi à la gestion des émotions. On sécrète plus d’endorphines, on a la pensée plus calme, on se concentre sur la route, on regarde devant...»
Pierre Frisko, 59 ans, travaille aussi dans Saint-Léonard, mais c’est à partir de son appartement du Plateau-Mont-Royal qu’il s’y rend à vélo. Et pour lui aussi, l’aspect de la santé est important.
«Côté santé physique, c’est le jour et la nuit. Grosso modo, je fais entre 5000 et 8000 km par année en vélo. C’est 1h par jour – une demi-heure aller, une demi-heure retour. Même si je faisais juste ça comme exercice, c’est amplement ce qui est recommandé», dit-il.
Il a d’ailleurs remarqué toute une amélioration dans son endurance depuis qu’il a quitté Québec pour s’installer à Montréal en 2001 et qu’il s’est mis à faire du vélo en ville. «Les premières fois, j’avais l’impression de faire un crise cardiaque chaque fois que je prenais mon vélo. Berri me semblait une grosse côte!», se souvient-il en riant.
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Maira remarque que le trajet vers son travail (qui lui prend une vingtaine de minutes l’été, et de 30 à 40 minutes l’hiver) est bon pour sa famille. «Avoir moins de stress, ça me permet un meilleur contact avec mon entourage. J’arrive mieux à régler les problèmes, parce qu’en même temps que je me déplace pour aller au travail, je me donne du temps pour moi», illustre la femme de 43 ans.
Découvrir la ville
Ça lui a aussi permis de bien connaître son nouvel environnement. «On voit bien la ville. Les petites boutiques, les habitudes des gens qui font leurs petites affaires à la même heure que nous. Je connais tous les surveillants et les enfants [sur mon trajet], et il y a certains inconnus à qui je dis bonjour à tous les jours! Ça développe une sensation d’appartenance, et pour moi, comme immigrante, c’est important», dit-elle.
Pierre aime aussi la flexibilité offerte par le vélo. «Une des choses qui est pour moi bien l’fun, c’est d’aller où je veux, d’arrêter quand je veux. Si j’ai mon vélo avec porte-bagages, ma tablette dedans, mes lumières pour le soir l’hiver, je peux faire ce que je veux et le stationner n’importe où – mon vélo ne vaut pas cher, personne ne veut le voler», dit celui qui travaille comme directeur général de la Société de développement commercial de la rue Jean-Talon à Saint-Léonard.
Aujourd’hui, il utilise le vélo dans tous ses déplacements, sauf quand celui-ci est au garage pour une réparation (il prend alors le bus), dans de rares tempêtes lorsqu’il a un rendez-vous de travail à une heure fixe ou quand il loue une Communauto pour un voyage de pêche ou pour aller acheter des fleurs pour sa jardinière (ça survit mal à une sacoche de vélo).
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Les infrastructures pourraient être meilleures
La cycliste Sophie Lavoie remarque les mêmes avantages à choisir ce mode de déplacement. Mais c’est aussi carrément un acte politique pour elle, qui fait une maîtrise en études urbaines à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).
«Le vélo, ce n’est pas juste un mode de déplacement. C’est contestataire, ça prend de l’espace aux autos, il y a quelque chose de politique dans la pratique», dit celle qui a grandi à Lévis et qui croit que trop d’espace est occupé par les voitures dans les villes.
Sophie fait à vélo pratiquement tous ses déplacements entre le quartier Parc-Extension, où elle demeure, et le centre-ville, où elle étudie. «Je suis quand même privilégiée, je ne suis pas loin du Réseau express vélo (REV)», dit la femme de 28 ans.
D’où l’importance pour elle de fréquemment participer à des actions militantes pour revendiquer de meilleures installations cyclables à la grandeur de l’île de Montréal, car tous les quartiers ne sont pas aussi bien desservis que le sien.
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Même si elle considère que Montréal est une ville agréable pour les cyclistes, Maira regrette aussi qu’il n’y ait pas de bonnes liaisons cyclistes partout, notamment entre Pointe-aux-Trembles et Tétreaultville, car elle aimerait s’établir dans ce premier quartier.
«Avec le coût de la vie et l’inflation, les gens veulent habiter en banlieue, il faut penser à leur accès au transport actif. S’il n’y en a pas, c’est un risque pour la santé publique», juge-t-elle.
Pierre est aussi critique envers l’espace qu’occupent les voitures en ville, et les installations qui sont de moins en moins performantes plus on s’éloigne des quartiers centraux. Il croit que même les automobilistes seraient gagnants à ce que de meilleures infrastructures cyclables soient installées. «La fluidité automobile, c’est super important pour tout le monde. Et plus il y a de gens à vélo, moins il y en a en auto, et plus ça amène de la fluidité», dit-il.
Bien moins cher qu’une voiture
Les estimations varient, mais en moyenne, on estime que ça coûte environ 10 000$ par année de posséder et d’utiliser une automobile. Un vélo, c’est bien moins cher! Voici une estimation de ce que ça coûte , un vélo qu’on utilise pour tous ses déplacements, selon les cyclistes que l’on a interviewés.
À noter qu’ils nous ont tous mentionné préférer acheter un vélo de moins grande valeur, pour diminuer les chances de se le faire voler, et parce que leur vélo n’est pas utilisé pour de la performance comme c’est le cas d’autres adeptes de cyclisme.
- Prix du vélo: entre 100$ (modèle de base usagé) et 1000$ (bon vélo)
- Accessoires: autour de 200$
- Entretien annuel: entre 400$ et 600$, pour quelqu’un qui utilise son vélo à l’année, incluant l’hiver, et qui fait faire son entretien dans un garage
On se retrouve donc avec un prix allant entre 700$ et 1800$, incluant l’investissement initial. «À côté de ça, le prix d’une voiture est complètement délirant», résume Pierre Frisko.
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Les accessoires incontournables
- Un bon cadenas (il faut aussi apprendre à bien barrer son vélo - le cadre et la roue avant doivent être accrochés au support à vélo).
- Un bon casque bien ajusté.
- Si on roule lorsqu’il fait noir, une lumière à l’avant de son vélo et une lumière à l’arrière - on peut en trouver pour quelques dollars dans des magasins de sport ou d’aubaines, style Dollarama.
- Dès qu’on commence à faire du vélo plus sérieusement, des garde-boue.
- Si on fait des courses à vélo, un panier ou un porte-bagages.
- Des pneus d’hiver si on continue à rouler lors de cette saison.
Comment commencer le vélo d’hiver?
Faire du vélo d’hiver, ça permet de profiter des avantages du vélo à l’année - et aussi d’éviter le crash de début de saison, quand on recommence à faire du vélo après plusieurs mois d’arrêt et que notre corps n’est plus habitué.
«Les gens surestiment beaucoup la quantité de neige à Montréal. Il n’y a pas tant de neige que ça», affirme Pierre, qui recommande absolument cette pratique.
Comment commencer? Maira propose de s’y initier ainsi :
- Commencez le vélo à l’été.
- Continuez à l’automne.
- Achetez vos pneus d’hiver en septembre-octobre, parce qu’après, c’est dur à trouver.
- À la première neige, faites-les installer sur vos vélos, et c'est parti!
Pour les vêtements, tout le monde a un peu sa formule. Certains adorent les lunettes de ski en hiver; d’autres n’en voient pas l’utilité, et c’est la même chose pour les cagoules. Ce qui revient le plus souvent, c’est d’avoir de bonnes mitaines, et porter plusieurs couches de vêtements. Pour le reste, c’est du essai-erreur!
Et n’oubliez pas que ça n’a pas à être tout ou rien! «Si vous voulez prendre le transport en commun quand il y a de la neige sur la chaussée et faire du vélo juste quand c’est déblayé, let’s go!», rappelle Sophie, qui recommande aussi de fréquenter les ateliers de vélo communautaire pour apprendre à faire des réparations de base sur son vélo, mais aussi pour se faire des contacts.