Sanctions économiques : quelles conséquences pour la Russie?
Par Anne PADIEU | AFP
Les sanctions financières annoncées contre la Russie dans le cadre du conflit avec l'Ukraine visent notamment à limiter sa possibilité d'emprunter sur les marchés financiers internationaux: qu'est-ce que cela signifie pour les investisseurs et pour Moscou?
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Les États ont besoin d'emprunter beaucoup d'argent pour financer leurs dépenses publiques. Ils émettent donc des titres de dette (appelés obligations) qui sont achetés par des investisseurs du monde entier (banques, fonds de pension, assureurs...).
Le taux d'intérêt qu'ils touchent et le calendrier de versements sont déterminés à l'avance, ainsi que la durée du prêt. C'est le marché dit primaire, par opposition au marché secondaire où les obligations sont par la suite échangées entre investisseurs.
Les États lancent fréquemment de nouveaux emprunts pour rembourser ceux qui arrivent à échéance, ce qu'on appelle le refinancement de la dette. Tant que les prêteurs lui font confiance, un État peut émettre de la dette à des taux d'intérêt raisonnables.
Les investisseurs américains ne pourront plus acheter de la nouvelle dette russe émise après le 1er mars.
Il sera également impossible pour l'État russe d'accéder aux marchés de capitaux européens pour refinancer sa dette. Le Japon va interdire également l'émission et le commerce d'obligations d'État russes. De son côté, le Canada a annoncé «de nouvelles interdictions concernant les opérations directes et indirectes liées à la dette souveraine russe».
«Désormais la Russie va recourir à des sources nationales et à son propre marché pour se financer», explique à l'AFP Kaan Nazil, économiste et gérant de portefeuille spécialisé dans la dette des pays émergents au sein de la société d'investissement Neuberger Berman.
Écoutez l’analyse de Dominique Arel, titulaire de la Chaire d’études ukrainiennes à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa
«S'il s'agissait d'un marché émergent par exemple la Turquie et l'Afrique du Sud, qui recourent entièrement au marché financier pour financer leur déficit budgétaire, le problème aurait été plus important. Mais comme la situation financière de la Russie est solide, ces restrictions engendrent certes des coûts additionnels et entravent sa capacité à constituer des fonds de réserve, mais ce n'est pas gênant pour elle», estime-t-il.
Pour Anna Zadornova, économiste à UBS, «les implications budgétaires des restrictions concernant les nouvelles émissions de dette souveraine sont limitées par le niveau peu élevé de la dette publique (16% du Produit intérieur brut), des recettes budgétaires plus élevées que prévu (notamment grâce aux recettes du secteur pétrolier et gazier où les cours sont actuellement très élevés NDLR), et la capacité du marché local à absorber la dette future libellée en roubles».
Aujourd'hui déjà, les investisseurs étrangers détiennent seulement un peu plus d'un quart de l'encours d'obligations russes, d'après des données de l'agence financière Bloomberg. Selon Mme Zadornova, les sanctions dévoilées mardi ne vont «pas aboutir (...) à la nécessité immédiate pour les investisseurs étrangers de liquider leurs détentions d'obligations russes».
L'impact se traduira plutôt notamment par une «liquidité de plus en plus réduite sur le marché secondaire» compte tenu des volumes négociés, estime-t-elle.
Le ministère russe des Finances a annoncé dans un communiqué mercredi que «les décisions sur la nécessité de tenir des adjudications pour le placement d'obligations d'État russes dans les semaines à venir seront prises en tenant compte des conditions du marché».
Il a préféré annuler celles qui étaient prévues le 22 février en raison de la volatilité des marchés financiers.