Qui paie vraiment le prix des sanctions économiques?
Abel Vaudo est étudiant à la maîtrise en science politique à l'Université de Montréal
L’invasion russe de l’Ukraine remet à l’ordre du jour le système de sanctions économiques comme «arme défensive».
Avec le but d’éviter de déclencher une guerre totale, les sanctions économiques permettent une réaction occidentale contre les actions du régime russe de façon plus subtile, sans s’impliquer de façon directe dans le conflit.
Vingt ans après l’embargo sur les ventes d’armes en Irak – des sanctions qui avaient pour but de nuire au régime de Saddam Hussein, mais qui finalement affectaient moins le régime lui-même que la population civile –, on peut se questionner sur l’efficacité de ces sanctions.
Les sanctions que les pays occidentaux ont imposées à la Russie pour la dissuader de poursuivre sa guerre avec l’Ukraine ne semblent pas stopper les plans de Poutine ni affaiblir le système économique russe pour l’instant.
Tarifs
Une sanction économique est une restriction mise en place par un État envers un autre État sur la circulation de biens, de services ou de personnes. Le Canada, par exemple, a imposé de nouveaux tarifs à hauteur de 35% pour toute exportation au Canada en provenance de la Russie.
Mais qui paiera donc vraiment le prix de ces sanctions? Même si la Russie subira les conséquences des nouveaux tarifs imposés par le Canada, des entreprises canadiennes actives en Russie risquent fort, elles aussi, d’être touchées de plein fouet par ces sanctions. Le gouvernement fédéral reconnaît d’ailleurs ne pas s’être encore penché sur les effets que les mesures qu’il a annoncées pourraient avoir sur les entreprises d’ici...
Par ailleurs, alors que la Russie est le premier fournisseur de gaz en Europe, des sanctions affectant le commerce de cette source d’énergie russe risqueraient d’affecter directement la consommation des ménages. Cela accélérerait en effet la hausse du prix du gaz et de l’essence, mais aussi de tous les produits importés, car les frais de transport augmenteraient à leur tour considérablement.
On a déjà pu voir les répercussions que la guerre en Ukraine a sur le prix de l’essence au Québec, alors que le prix du litre d’essence atteignait 1,84$ le litre en moyenne, récemment.
Le risque chinois
Autre risque d’un divorce économique entre la Russie et l’Occident: la possibilité d’un rapprochement entre la Chine et l’État russe.
En février, plusieurs rencontres diplomatiques ont d’ailleurs été organisées entre Vladimir Poutine et Xi Jinping, le leader chinois, afin de renforcer leurs relations à la veille de la guerre en Ukraine. On peut penser que Poutine tentait alors d’assurer ses arrières, en consolidant son alliance avec le géant chinois avant de passer à l’offensive et de subir les sanctions économiques occidentales.
Même si la Chine demeure prudente dans son soutien à Moscou depuis l’invasion, il est évident que la situation va renforcer les liens entre les deux pays. On a ainsi vu les banques russes se tourner massivement vers le réseau chinois UnionPay, depuis la suspension des opérations avec les sociétés occidentales Visa, Mastercard et American Express.
En fin de compte, il semble donc que ceux qui risquent vraiment de payer le prix de ces sanctions ne seront pas les personnes qu’elles visent directement. Ceux qui risquent d’en payer le prix, c’est nous tous, les consommateurs.
Abel Vaudo, étudiant à la maîtrise en science politique à l'Université de Montréal