Rumeur de démission, visions contraires: que se passe-t-il avec la PDG d’Hydro-Québec et le gouvernement du Québec?
Genevieve Abran
La PDG d’Hydro-Québec Sophie Brochu envoie un message fort au gouvernement Legault. Si le gouvernement imposait à la société d’État la mise en place de projets énergivores, elle remettrait sa démission, a-t-elle sous-entendu sur les ondes du 98,5 mercredi. Pourtant, le premier ministre avait promis en campagne électorale de mettre en chantier «un demi Hydro-Québec» dans les prochaines années. Voici ce que vous devez savoir.
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Lors d’une entrevue à Puisqu’il faut se lever au 98,5FM, mercredi matin, Sophie Brochu a démenti des rumeurs selon lesquelles elle songerait à quitter son poste au printemps prochain.
«Tant que le cadre de gouvernance à l’intérieur du gouvernement d’Hydro-Québec est sain et qu’on est capables de faire valoir les grandes prérogatives du besoin du système énergétique, je vais être là. C’est sûr que si, pour une raison ou pour une autre, je voyais qu'on mettait ce système à risque, eh bien, j’aurais de sérieuses discussions avec mon actionnaire», a dit celle qui vient d’être nommée PDG de l’année par The Globe and Mail.
Autrement dit, la femme d’affaires à la tête de la société d’État n’a pas exclu la possibilité de mettre cartes sur table et d’aborder les divergences d’opinions qu’elle pourrait avoir avec le gouvernement du Québec, le seul et unique actionnaire d’Hydro-Québec.
Sophie Brochu a soutenu qu’elle ne souhaite pas gérer les politiques en matière d’énergie du gouvernement et qu’elle resterait en poste tant que leurs visions seraient concordantes.
Les propos de la PDG laissent croire qu’il pourrait y avoir des tensions à venir avec le ministre sortant de l’Économie Pierre Fitzgibbon ainsi que le premier ministre François Legault, lui qui veut bonifier l’offre en électricité.
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Pierre Fitzgibbon pourrait être à la tête d’un «superministère»
François Legault nommera ses ministres le 20 octobre prochain et cette décision pourrait changer bien des choses du côté d’Hydro-Québec.
Des informations du Journal de Québec et de La Presse révèlent que le ministre sortant de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, pourrait se retrouver à la tête d’un «superministère» de l’Énergie et des Ressources Naturelles, en plus de conserver son poste à l’Économie.
Ce nouveau rôle, qui offrirait un plus grand pouvoir d’intervention à M. Fitzgibbon dans les dossiers d’Hydro-Québec, pourrait créer des tensions au sein de la Société d’État.
«Il ne veut pas être ministre de l’Énergie, il veut être ministre d’Hydro-Québec», a dit une source près du dossier au Journal de Québec.
Selon une autre source du même média, il serait «logique» que Pierre Fitzgibbon puisse jouer un rôle dans la gestion des besoins en énergie des entreprises qui souhaitent s’établir au Québec. Le ministère de l’Économie serait le mieux placé pour déterminer quelle entreprise rapportera le plus de richesse avec les kilowattheures disponibles, assure-t-elle.
Le député de Terrebonne et la femme d’affaires auraient d’ailleurs eu des discussions tendues, le printemps dernier, au moment d’adopter le processus d’approbation des grands projets industriels, selon le chroniqueur de La Presse Francis Vailles.
Toujours selon le chroniqueur, Pierre Fitzgibbon serait susceptible d’approuver une cinquantaine de projets énergivores qui ont été déposés par des entreprises d’ici et d’ailleurs afin de bonifier l’économie de la province. Ces nouveaux venus bénéficieraient de prix alléchants sur l’électricité.
Dans son plan stratégique, Hydro-Québec estime toutefois que l’on doit favoriser les projets qui sont essentiels, particulièrement dans un contexte d’urgence climatique et de rareté de l’énergie.
La Société d’État affirme aussi que l’on devra ajouter 100 térawattheures de nouvelles énergies au Québec d’ici 2050, soit une augmentation de 50% par rapport au niveau actuel. Cette électricité devrait être utilisée pour réduire l’empreinte carbone des entreprises et électrifier les transports, assure Hydro.
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La CAQ veut plus de barrages
Durant la campagne électorale, le premier ministre François Legault a mentionné à plusieurs reprises que le Québec devrait mettre en chantier des nouveaux barrages pour répondre à aux besoins en électricité croissants à venir.
«Il va falloir construire un demi-Hydro-Québec dans les prochaines années», avait-il dit au début du mois de septembre.
Pour Sophie Brochu, le Québec ne peut pas devenir «le magasin à une piasse de l’électricité» et doit miser davantage sur la valeur que sur le volume, a-t-elle a toutefois dit au micro de Paul Arcand mercredi.
Elle a laissé entendre que même si elle souhaite travailler en cohésion avec le gouvernement, elle souhaite «planifier de manière ordonnée l’évolution du système énergétique dans une période critique».
«L’idée c’est de ne pas se pogner. Ce n’est pas le président ou la présidente d’Hydro-Québec qui va faire la politique du gouvernement. C'est certain que moi j’ai fait ma vie à diriger des organisations où j’avais une synchronicité avec mes actionnaires», a indiqué Sophie Brochu au micro de Paul Arcand.
Pour que cette évolution se déroule bien, une «symbiose avec la vision du gouvernement en matière de développement industriel» est essentielle, a ajouté la femme d’affaires.