Roy Dupuis aborde sa nouvelle soixantaine
Patrick Delisle-Crevier
Roy Dupuis ne s’en cache pas: il vient d’une famille marquée par la violence. Interpréter le rôle de l’intervenant Christophe L’Allier, qui aide les hommes violents à s’en sortir, est une façon pour lui de faire œuvre utile. L’acteur qui a célébré son 60e anniversaire cette année partage avec nous son point de vue sur le fait de vieillir, sur ses années de psychanalyse, sur ses projets et sur bien d’autres choses.
• À lire aussi: Roy Dupuis, Isabel Richer et Geneviève Schmidt participeront à Martin Matte en direct
• À lire aussi: Roy Dupuis et Christine Beaulieu prévoient un voyage en amoureux au Japon
Roy, cette deuxième saison ne sera pas de tout repos pour ton personnage, n’est-ce pas?
Effectivement, rien n’est simple pour Christophe dans ce deuxième volet. Son passé refait surface et il a des ennuis de santé. En fait, il pourrait bien y avoir un lien de cause à effet, parce qu’il est clairement affecté par ce qu’il a découvert sur son passé et par rapport à sa mère. Ça le trouble et ça vient compliquer encore davantage sa relation avec son frère.
Ce personnage, que tu portes depuis la série Toute la vie, que représente-t-il pour toi?
Christophe est un élément dans une série qui, à mes yeux, fait oeuvre utile. C’est un sujet qui me tient vraiment à coeur parce qu’il m’a fondé: je viens moi-même d’une famille où il y a eu de la violence. Mon père était violent, donc je sais ce qu’est la violence familiale et les répercussions que cela peut avoir dans une vie. J’ai toujours été très intéressé par le comportement humain, et je suis différents neurobiologistes avec intérêt. Je me base surtout sur la science pour essayer de comprendre d’où viennent ces comportements-là. Je sais qu’il y a encore énormément de travail à faire présentement entre les scientifiques, qui en connaissent de plus en plus sur le comportement humain, et les institutions comme la justice et l’aide sociale. Il y a un immense fossé à combler. Personnellement, je suis convaincu qu’on ne devient pas violent gratuitement, comme ça. Il y a maintenant des moyens de comprendre ces comportements-là, et ça prend trop de temps avant que ça se rende aux institutions.
Ton personnage de Christophe fait parfois l’objet de critiques de la part de certaines personnes. Qu’en penses-tu?
Je crois personnellement que les gens violents méritent d’être compris et aidés. Au départ, il faut comprendre que des gestes comme ça, ça vient de quelque part. Il y a une blessure qui a été imposée et qui est encore présente chez ces individus-là.
Toi, portes-tu encore les blessures de ton enfance?
Il faut prendre les choses en main et tout faire pour les régler. Encore faut-il être assez lucide pour en être capable. Si tu n’as pas la chance de rencontrer des gens qui t’encouragent à aller chercher de l’aide, ces blessures-là, tu les portes toute ta vie. Ces traumatismes ont besoin d’être traités par des spécialistes et des professionnels. Je ne pense pas que tu peux y arriver seul, du moins en général. Moi, je suis allé chercher de l’aide pour m’en sortir.
Roy, comment se prépare-t-on pour jouer un tel personnage?
En toute franchise, j’ai moi-même sept années de psychanalyse derrière la cravate, justement pour m’aider avec tout ça. Certains disent qu’après sept années, tu peux quasiment être psychanalyste, donc j’ai puisé dans ça. Je connais le mécanisme, je sais comment ça fonctionne. Je m’inspire beaucoup des professionnels que j’ai moi-même consultés pour la méthode et la manière de dire les choses. J’ai choisi celui qui, chez moi, a eu le plus d’impact, et je me suis inspiré de lui et de sa méthode. Selon son approche, il ne faut jamais démontrer de jugement face à l’autre. Il ne faut jamais que l’autre sente que tu as une opinion par rapport à ce qu’il dit ou ce qu’il fait. Il ne faut jamais mettre de réponses dans la tête des gens. C’est comme ça que je tente de jouer mon personnage.
Que retiens-tu de tes sept années de psychanalyse?
Ça m’a permis de mieux me connaître, et surtout ça a servi à alléger mes souffrances et à accepter qui je suis. Quand tu acceptes qui tu es, ça t’aide à être une meilleure personne dans la vie.
Comment vas-tu en ce milieu d’automne?
Sérieusement, je n’ai pas vu l’été passer! J’ai commencé les tournages au printemps et j’ai tourné une grande partie de l’été. J’ai eu le temps de faire un peu de voile, mais pas assez. Avec l’été qu’on a eu, c’était assez incertain de partir en mer. Je devrais partir tourner un film bientôt. Ensuite, ce sera les vacances et, avec un peu de chance, de la voile.
Tu as célébré tes 60 ans. Qu’est-ce que ça te fait?
J’ai eu 60 ans en avril, et je ne sens pas trop le poids de l’âge. Je suis encore assez en forme. Mais c’est certain que, quand je me lève le matin, c’est un peu plus long avant que le corps suive. Ça ne me fait pas grand-chose de vieillir. Je suis heureux, je suis bien entouré, j’ai une blonde que j’aime et ma vie va bien. Je tente aussi de m’entraîner un peu, une chose que je ne faisais pas quand j’étais plus jeune. Je suis beaucoup plus discipliné maintenant.
Tu comptes déjà plus de 35 années de carrière!
Oui, c’est fou! Et ça me fait sourire, parce que je ne me suis jamais dit que j’allais être acteur un jour. C’est arrivé comme ça, avec le rôle de Claude dans Being at Home with Claude, sorti en 1992. À partir de là, on dirait que ma carrière a été tracée. Je me souviens cependant avoir eu un petit déclic au secondaire en voyant le film Molière, d’Ariane Mnouchkine. J’avais abandonné mon cours de physique pour m’inscrire en théâtre. J’étais «sur une balloune» et inspiré après avoir vu ce film-là. Puis j’ai rencontré une fille, je me suis tourné vers l’École nationale de théâtre, et ça a marché. J’apprenais un métier, l’univers théâtral et la littérature, et c’était nouveau pour moi. Quand j’étais enfant, chez moi, c’était surtout un univers musical, puisque ma mère enseignait le piano. J’étais dans un band et j’aurais pu devenir musicien. Être rendu là où je suis aujourd’hui, c’est une grosse surprise, mais une belle surprise. Je suis l’un des chanceux qui a été positivement surpris par la vie. J’aime me faire surprendre; c’est pour ça que j’aime les voyages et la science.
Roy, en terminant, à quoi ressembleront les prochains mois pour toi?
Je m’en vais à Budapest, en Hongrie, tourner le prochain film du réalisateur canadien Guy Maddin. Je vais jouer le premier ministre du Canada, et ce sera un beau défi. J’aime son univers. À mes yeux, c’est ce que j’appelle un vrai cinéaste. Ensuite, il y aura la suite d’À cœur battant, qui se terminera le printemps prochain.
À cœur battant, mardi 20 h, à Radio-Canada.
• À lire aussi: Maripier Morin avoue ne pas avoir retrouvé son niveau de confort face à son métier