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L'article provient de Bureau d'enquête

Enquête sur Pornhub: Rick Hard, une passion pour la porno peu rentable

L'acteur porno ne fait que quelques dizaines de dollars par mois sur Pornhub malgré tous ses efforts

L'acteur Rick Hard, basé à Montréal, gagne un cachet de misère malgré ses millions de visionnements sur Pornhub.
L'acteur Rick Hard, basé à Montréal, gagne un cachet de misère malgré ses millions de visionnements sur Pornhub. PHOTO MARTIN ALARIE
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Nora T. Lamontagne, Jean-François Cloutier et Nicolas Brasseur

il y a environ 9 heures
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Il est possible de faire de l’argent grâce à Pornhub, mais les vedettes sur la plateforme doivent multiplier leurs activités et varier la provenance de leurs revenus. Tout comme celle de la musique, l’industrie de la pornographie a subi d’importants changements avec l’arrivée d’internet à l’aube des années 2000. D’un côté se trouvent les propriétaires du site web qui sont multimillionnaires, et de l’autre, ceux qui produisent le contenu et qui ramassent les miettes. Pour survivre dans le nouveau modèle d’affaires de l’industrie de la porno, les vedettes doivent faire preuve de créativité pour gagner leur vie. Quatre acteurs et actrices lèvent le voile sur les conditions de travail sur les plateaux de tournage, ici et à l’étranger.


Il est passé 21h et Rick Hard, acteur pornographique à ses heures, commente une présentation PowerPoint sur la petite scène d’un bar générique de Laval.

«Qui fait le plus d’argent en baisant?», demande-t-il à la ronde, visiblement passionné par son sujet.

L’auditoire présent pour l’enregistrement du podcast Le monde de Tangerine attend la réponse devant des pintes de bière ou une poutine. Il y a des couples de banlieusards, beaucoup de tatouages et quelques décolletés plongeants.

«Next slide, s’il vous plaît.»

Les temps sont durs
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Une liste de salaires apparaît à l’écran. «Pour un boy-girl, même si t’es Tom Cruise, tu commences à 250$ et tu peux pas aller plus loin que 500$. Je te parle de mon expérience», poursuit Rick Hard d’un ton didactique.

Ce dernier n’a pas la prétention d’être une star hollywoodienne, mais il compte plusieurs dizaines de tournages à son actif.

Chauve, les yeux bleus brillants, il porte un veston fripé un peu trop grand pour lui, malgré son imposante carrure.

«Quand c’est un threesome female-female-male, de l’anal ou de la double pénétration, la fille peut aller de 700$ à 1500$», ajoute-t-il, aussi verbomoteur qu’à son habitude.

«En tout cas, je peux te dire une affaire, Rick, l’inflation a pas pogné pantoute dans le porn. Fuck, non. Tabarnouche, il y a 20 ans, je me faisais payer plus que ça!», s’exclame de sa voix rocailleuse Tangerine, l’animatrice du balado.

Une vraie passion

Cette réalité n’a pas l’air de décourager Rick. 

Élevé à Montréal dans une famille «hyper chrétienne», l’acteur d’origine italo-libanaise a «toujours aimé le sexe». 

L’homme de 41 ans travaille à temps plein comme col blanc et passe le reste de son temps à tourner ou à planifier des tournages.

Certains l’auront peut-être vu dans Agente 728 XXX, une parodie pornographique de la compagnie AD4X inspirée par la policière Stéphanie Trudeau, connue pour une intervention musclée pendant la grève étudiante de 2012.

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Rick Hard est aussi apparu dans des scènes tournées par un autre gros joueur de la production porno au Québec, Pegas Productions.

La recette du succès

De nature nerveuse et perfectionniste, le Québécois s’assure d’arriver fin prêt lors des tournages. Dit autrement, il avale l’équivalent d’une armoire à pharmacie pour s’assurer de rester bandé aussi longtemps qu’il le faut.

La liste des médicaments qu’il consomme aurait de quoi faire pâlir un médecin.

Antidépresseurs: 10 mg pour mieux contrôler le moment de l’éjaculation. Une microdose quotidienne de Cialis. Le jour du tournage, une dose de Levitra ou de Viagra (aussi utilisé pour traiter le dysfonctionnement érectile) qui calmera son anxiété de performance.

Pour les scènes plus intenses, ajoutez une injection de Trimix directement dans le pénis. («C’est mon docteur qui me prescrit ça, je l’appelle le dieu de l’érection».)

Sans oublier un peu de lidocaïne, un anesthésiant local utilisé par les dentistes, à la base de l’urètre. Enfin, quand les scènes plus extrêmes sont terminées, une dernière piqûre d’antihistaminique qui empêchera le priapisme, soit une érection de plus de 4 heures qui devient douloureuse.

«Écoute, je compétitionne avec des jeunes de 20 ans pleins de testostérone», explique Rick Hard, le plus naturellement du monde.

S’il avait l’argent pour le faire, il se ferait même injecter du plasma riche en plaquettes dans le pénis pour renforcer ses érections.

35$ US par mois

C’est que ça joue dur dans le milieu. Au Québec, il n’existe plus d’agence de talents depuis longtemps. Il faut faire preuve de créativité pour s’assurer de tourner régulièrement et se faire remarquer.

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Rick Hard a beau cumuler 8 millions de visionnements sur Pornhub, c’est loin d’être suffisant pour en vivre. Ses relevés de paiement montrent qu’il a gagné en moyenne 35$ US par mois sur le site des tubes. Il se sert surtout de Pornhub pour rediriger les intéressés vers d’autres plateformes, précise-t-il.

Croit-il que les sites de tubes, Pornhub au premier chef, ont signé le début de la fin pour l’industrie du porno? «Il faut juste s’adapter», affirme-t-il, philosophe.

Au fil du temps, Rick est donc devenu coproducteur de son propre contenu. Il lui arrive de payer «la fille», le lieu, le caméraman, et de revendre le résultat à une maison de production qui s’occupe de la mise en marché et de la paperasse.

Il multiplie aussi les partenariats sur OnlyFans, où chacun des participants a ensuite le droit de republier et de monétiser le contenu sur ses propres plateformes, et s’est lancé dans la production de podcasts.

Le tout pour le tout

Tous ces efforts ont cependant un coût. Le Montréalais estime s’être endetté de plus de 10 000$ pour financer sa carrière porno. Ce qui l’oblige à faire certains choix.

«Rick, il y a du changement dans ta carrière. Développe», lui demande d’ailleurs Tangerine sur scène ce soir-là.

Rick Hard, hétérosexuel, raconte avoir récemment tourné une scène où il a pénétré un homme à l’allure féminine. Pas par choix, mais bien pour l’argent. Il a été payé 1000$ pour 3 heures de travail, se justifie-t-il, alors qu’il gagne d’habitude 350$ pour le même type de scène avec une femme.

Vu ces honoraires, il est loin d’être le seul acteur à accepter de tourner avec un partenaire qui ne correspond pas à ses préférences sexuelles. Le phénomène est assez commun pour porter un nom: gay for pay.

«Il faut vraiment être passionné. Quelqu’un qui travaille au McDo avec de bons avantages sociaux et des assurances collectives pourrait faire mieux qu’un acteur porno», conclut Rick, avec un sourire, devant son public.

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