Briser le silence sur l’autisme féminin: voici le but de l'autrice Mélissa Perron avec «Femme caméléon»


Marie-France Bornais
À 38 ans, Mélissa Perron reçoit un diagnostic qui va changer sa vie: «Vous êtes une femme autiste. Je n'ai aucun doute là-dessus», prononce la psychologue. Elle fond en larmes. Pour elle, ce n’est pas simplement un diagnostic qui vient de lui être annoncé: c’est un passeport pour une nouvelle vie. Enfin. Après des années d’errance médicale. Sa quête est terminée, mais sa mission, elle, continue. Elle publie ce printemps Femme caméléon, un ouvrage illustré, d’une vérité criante, qui raconte son histoire.

Dans «Femme caméléon», Mélissa Perron raconte son enfance, vécue comme «dans un aquarium déposé dans la mer», son adolescence de décrocheuse où des pensées sombres l’habitent, sa douce remontée à la surface, à l’âge adulte, où elle découvre enfin que sa différence porte un nom.
Son récit illustré, qui ne laissera personne indifférent, s’adresse à toutes les «femmes caméléons» qui, comme elle, camouflent ou ont camouflé leurs vraies couleurs pour survivre parmi les autres. Il s’adresse aussi à ceux et celles qui les côtoient, pour qu’ils comprennent mieux.
Souvenirs douloureux
Écrire et illustrer Femme caméléon a été loin d’être facile pour Mélissa Perron, une artiste talentueuse qui s’est replongée dans des souvenirs douloureux et des moments marquants de sa vie.
De l’enfance à l’âge de 38 ans, elle a enduré un vrai calvaire. Heureusement, aujourd’hui, c’est mieux et elle peut avancer. «J’ai écrit cette histoire pour qu’elle ne se multiplie pas. En 2025, je sais que ça se passe encore, des diagnostics qui sont erronés, parce que l’autisme chez la femme n’est pas connu», dit-elle en entrevue.
«Moi, avec mon court billet dans La Presse en 2021, qui s’appelait aussi “Femme caméléon”, j’ai reçu des centaines et des centaines de messages en privé de femmes qui se sont reconnues. Je me suis dit: ah, mon dieu...», ajoute-t-elle.
«J’avais écrit Belle comme le fleuve, qui avait surfé un peu sur l’autisme au féminin, avec Fabienne. Les femmes venaient me voir au Salon du livre et on pleurait ensemble parce qu’il y avait des femmes de 40, 50, 60 et 70 ans qui s’étaient reconnues et qui étaient allées chercher leur diagnostic.»
En parler publiquement
Elle a pris une décision: arrêter de se «cacher» derrière des personnages et en parler. «Je sais que c’est comme un journal intime. Ce livre-là me réveille depuis des mois parce que je me dis: ah, mon dieu, est-ce que je fais vraiment ça? Est-ce que je me mets comme ça, toute nue, sur la place publique? Mais je le fais pour mes filles. Je le fais vraiment pour les femmes, pour donner un éclairage important, pertinent. Je ne le fais vraiment pas pour moi. C’est pas une action égoïste ni narcissique.»
Une histoire dure
Mélissa Perron révèle les choses telles qu’elles sont. «Je pense que ce livre devait avoir des illustrations pour adoucir le propos, pour adoucir l’histoire. C’est une histoire quand même dure. J’ai en tête le petit bouquet de fleurs à l’envers...», dit-elle en faisant référence à un moment de grande détresse dont elle parle dans le livre.
Elle a parfois eu l’impression de tourner le fer dans la plaie. «Je suis allée all in, mais j’ai quand même filtré des choses. J’ai écrit mon texte pendant des mois et après, j’ai fait le travail d’illustration. C'était très émouvant de se replonger là-dedans.»
Femme caméléon
Mélissa Perron
KO Éditions
252 pages
- Mélissa Perron a publié quatre romans à succès depuis 2019.
- On lui doit aussi Promets-moi un printemps, Belle comme le fleuve et Au gré des Perséides, tous publiés aux Éditions Hurtubise.
- Son dernier roman, Le retour de l’oie blanche (Éditions Hurtubise) a été en lice pour le prix littéraire France-Québec.
- En 2023, elle a reçu le prix Michel-Francœur pour son engagement à sensibiliser le grand public à l’autisme.
- Pour chaque exemplaire vendu du livre Femme caméléon, 5$ seront remis à la Fondation Véro & Louis.
- Mélissa Perron sera en dédicaces au Salon international du livre de Québec.
- Le 2 avril, c’est la Journée mondiale de la sensibilisation à l’autisme.
- Du 1er au 30 avril 2025, c’est le mois de sensibilisation à l'autisme
- Les femmes autistes sont souvent diagnostiquées plus tardivement, parfois même à l'âge adulte, après des années d’errance diagnostique.
- Beaucoup de femmes passent une grande partie de leur vie sans savoir qu'elles sont autistes, ce qui peut entraîner une souffrance psychologique importante (anxiété, dépression, burnout autistique)
- Les femmes autistes développent souvent des stratégies de camouflage pour s’adapter aux attentes sociales, ce qui rend leurs symptômes moins visibles.
«Un vendredi après-midi, l’enseignante de français nous a demandé de déposer nos crayons, de nous asseoir confortablement et de l’écouter. Elle tenait une feuille dans ses mains et en marchant entre nos bureaux, elle a commencé à lire un texte. Aux premiers mots qu’elle a prononcés, je me suis figée. C’était le mien. Ma production écrite. Quand elle a eu fini, tous ont applaudi. Même les rebelles.»
- Mélissa Perron, Femme caméléon, KO Éditions
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