Returnal sera un chef-d’œuvre pour certains... et un enfer pour d’autres [CRITIQUE]
Raphaël Lavoie
Nous sommes mardi après-midi et je suis assis dangereusement tendu, un peu comme un vieil élastique, devant le téléviseur.
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Ma blonde, installée paisiblement dans la pièce d’à côté, sursaute lorsque je pousse un vrai cri de mort à quelques mètres d’elle.
«FUUUUUUUUUUU**!», dis-je avec l’énergie d’un homme qui vient de trouver un chèque signé de 3 M$ sur le trottoir. Ma pauvre amoureuse, paniquée que je viens finalement de perdre la raison après plus d’un an de pandémie, accoure dans le salon.
Ce n’est toutefois pas (entièrement) ce qui vient de se passer. Je viens plutôt de vaincre Ixion, le deuxième boss de Returnal, et ce, après une dizaine d’heures à mourir, mourir, mourir... et recommencer chaque fois au tout début du jeu.
Enivré par le succès après une vingtaine d’échecs, je me lève pour célébrer et frapper le vide avec mon poing serré. L’adrénaline continue de monter, mon cœur s’emballe. Assez vite, je ne sens plus mes mains, je manque d’air. Je m’assois, ça finit par passer. Je ne sais pas trop si j’ai aimé ce que je viens de vivre.
Soyez avertis, en vous lançant dans Returnal, c’est un peu pour ça que vous signez. L’exclusivité PS5 du studio finlandais Housemarque n’est définitivement pas pour tout le monde et il vaut peut-être mieux savoir à l’avance dans ce quoi l’on s’embarque.
Un Jour de la marmotte infernal
Dès le tout début du jeu, rien ne va pour la protagoniste de Returnal, l’éclaireuse spatiale Sélène.
Engagée dans une mission dont on ne connait pas grand détail, cette dernière s’écrase sur la planète Atropos, qui se retrouve à être, évidemment, incroyablement hostile. Le vaisseau est irrécupérable, on n’a donc d’autre choix que de partir à l’aventure.
On pourrait voir là le début de n’importe quel jeu d’action à la troisième personne aux accents de science-fiction, mais Returnal, croyez-moi, n’est pas votre shooter conventionnel. Le fait est que le titre de Housemarque est plutôt un roguelike excessivement difficile qui prend des airs de jeu grand public grâce à une production impeccable.
Concrètement, qu’est-ce que ça veut dire? Chaque fois que vous mourrez sur Atropos, vous vous réveillerez mystérieusement à côté de votre vaisseau détruit... au tout début du jeu.
Oubliez les accessoires que vous avez ramassés lors de votre partie précédente, l’arme parfaite trouvée dans un coffre, le progrès effectué en route vers le prochain boss. Tout ça est disparu! Il ne vous reste que votre pistolet et les attributs majeurs que vous débloquerez au fil de l’histoire.
Il faut l’avouer, il s’agit d’une mécanique qui s’imbrique merveilleusement bien dans le contexte de science-fiction de Returnal, alors que Sélène peine à comprendre ce qui lui arrive chaque fois qu’elle revient à la vie. C’est aussi une façon originale de raconter l’histoire du titre, en révélant des bribes d’information différentes de périple en périple.
Et comme les différentes zones qui composent Atropos sont agencées –et peuplées d’ennemis– de façon aléatoire, chaque aventure est différente de la précédente.
Entre chance et gestion du risque
En même temps, je ne serais pas honnête si je ne vous disais pas à quel point le tout peut s’avérer (très) frustrant par moment.
Vous trouvez une arme qui vous convient bien, vous gérez bien votre inventaire et vous parvenez à atteindre un nouveau point dans l’histoire... puis vous vous retrouvez face à 10 créatures vicieuses qui vous déboulonnent en l’espace de 30 secondes. Et pouf! Vous êtes de retour à la case départ. Et qui sait si la chance sera de votre côté la prochaine fois.
Car il faut le dire, comme dans la plupart des jeux de ce type, le hasard fait très souvent partie de l’équation. Parfois, il suffit de tomber sur un groupe d’ennemis voraces dès les premières minutes de votre parcours pour qu’il prenne fin abruptement. La fois suivante, les forces occultes de Returnal vous seront favorables, vous trouverez de quoi réparer votre combinaison à un moment critique et vous serez en mesure de tenir plus longtemps que vous l’espériez.
En ce sens, on doit constamment gérer le risque et faire des choix. Choisirez-vous d’explorer la zone optionnelle au risque de tomber sur un monstre géant qui vous explosera en deux coups? Ou passerez-vous votre chemin, alors que vous auriez pu y trouver le kit de soin qui aurait sauvé votre vie deux minutes plus tard? C’est un pensez-y-bien.
Surtout qu’il est à souligner que Returnal n’offre aucune option pour choisir la difficulté du jeu. De ce fait, si vous trouvez l’aventure trop ardue, la seule possibilité que vous avez est de recommencer... encore et encore.
Certes, il y a quelques exceptions. Par exemple, en progressant dans l’histoire, vous n’aurez pas à battre deux fois les boss majeurs que vous rencontrerez (Dieu merci). Aussi, quelques portails vous permettront de sauter certaines zones pour revenir plus vite au monde (on les appelle «biomes» dans Returnal) où vous êtes rendu.
Toutefois, si vous mourez, on le rappelle, vous recommencerez tout de même au tout début de l’aventure, aux côtés de votre astronef à moitié démantibulé. C’est inévitable.
Enfin l’exclusivité pour faire briller la PS5
Cela dit, même si Returnal m’a fait rager plus d’une fois, j’ai tout de même eu de la difficulté à déposer la manette au fil de mon test. Le shooter de Housemarque est sans l’ombre d’un doute un jeu réussi qui offre enfin une exclusivité à la PlayStation 5 digne de ce nom.
Les graphismes sont léchés, le gameplay est nerveux et le design des ennemis est inspiré, forçant à adopter des stratégies différentes selon la créature à laquelle vous faites face. En d’autres mots, on ne peut pas accuser le développeur finlandais de nous présenter un jeu inachevé. Returnal est bien poli et offre une expérience aussi jolie que fluide et définitivement de son époque.
L’utilisation de la technologie de la PS5 est par ailleurs tout aussi impressionnante. Les temps de chargement entre chaque zone, et même chaque «vie», sont inexistants. Le design sonore, en utilisant un casque d’écoute, est à se jeter par terre. L’audio 3D permet de localiser avec précision vos ennemis et même entre deux batailles, la sensation d’immersion est franchement impressionnante.
Il va de même pour les retours haptiques de la manette DualSense qui vous feront ressentir avec précision chaque geste de Sélène et bouleversement dans l’environnement, et ce, jusqu’à la pluie qui accompagne votre réveil au début de chaque recommencement.
Bref, c’est du bonbon de ce côté. Et force est d’admettre que la production et le gameplay quasi sans faille du titre nous poussent souvent à essayer une tentative de plus... même quand on commence à sentir le poids de la frustration qui s’abat sur nos pauvres épaules.
Une très belle surprise... pour un public averti
Certains qualifieront Returnal de chef-d’œuvre et je peux comprendre pourquoi. Housemarque a pris un moteur de roguelike –un style pas toujours facile d’approche– et l’a installé dans la rutilante carrosserie d’une superproduction qui a tout d’un jeu AAA. Pour les fans du genre, l’aventure de Returnal sera un véritable cadeau du ciel.
Par contre, je crois que, pour ces mêmes raisons, certaines personnes feront l’erreur d’acheter le titre sans réellement savoir dans quoi elles s’embarquent, en croyant peut-être qu’il s’agit d’un autre titre d’action mêlant exploration, science-fiction et horreur. Oui, c’est un peu ça, mais, en même temps, c’est tellement autre chose.
Returnal, c’est un jeu qui ne donne pas droit à l’erreur et qui demande une dose incroyable de persévérance. Vous allez mourir encore et encore. Au début, vous aurez l’impression de progresser malgré tout... mais ce ne sera peut-être pas le cas après six heures à essayer d’atteindre le même damné boss.
Ainsi, pour certains, le fait de recommencer sans cesse sera seulement décourageant et brisera l’expérience. C’est entièrement compréhensible. À ce moment-là, peu importe ses qualités, Returnal sera difficile à apprécier.
Personnellement, je me tiens habituellement bien loin des jeux à la Dark Souls et autres œuvres à la difficulté crève-cœur. Malgré tout, Returnal a su piquer ma curiosité jour après jour, m’encourageant à y retourner sans cesse. Or, par moment, l’exclusivité de Sony m’a aussi brisé ici et là. Soyons honnêtes, on n’y joue peut-être pas 12 heures d’affilée.
Ce faisant, avant d’acheter Returnal, je vous recommande très fortement, comme diraient certains individus ces temps-ci, de «faire vos recherches». Allez regarder des vidéos de gameplay, parlez à des amis qui ont tenté l’expérience et demandez-vous si vous avez vraiment envie de vous lancer dans une telle aventure.
Car si Returnal risque d’être la surprise de l’année pour certains joueurs, ce sera possiblement une amère déception pour d’autres, qui s’attendaient tout simplement à une expérience bien différente.
De mon côté, après 20 heures de jeu, 51 morts et 51 retours à la case départ, je vais prendre le temps de reprendre mon souffle, mais, croyez-le ou non, j’y retournerai. Reste seulement à voir combien de temps cela prendra à Atropos avant de m’anéantir à nouveau...
On aime:
- L’univers immersif
- Le gameplay nerveux
- L’excellente utilisation de la DualSense et de l’audio 3D de la PS5
On aime moins:
- Mourir encore et encore
- L’absence de niveaux de difficulté ou de mécanismes pour rendre le jeu plus accessible aux novices
Returnal sera disponible exclusivement sur PS5 dès le 30 avril. Il est notamment possible de l'acheter en version physique sur Amazon Canada et Amazon France.
*Le jeu Returnal a été fourni gracieusement par Sony afin d'en faire la critique.